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Mort de l'historien français Jacques Le Goff, "pape" du Moyen Age et pionnier de la "Nouvelle Histoire"

Mort de l'historien français Jacques Le Goff, "pape" du Moyen Age et pionnier de la "Nouvelle Histoire"

L'historien français Jacques Le Goff, l'un des plus éminents spécialistes mondiaux du Moyen Age dont les travaux ont changé la perception de cette époque charnière de l'histoire européenne, est décédé mardi à Paris à l'âge de 90 ans.

Pour Jacques Le Goff, un des plus grands intellectuels français du XXe siècle, la mémoire devait servir l'avenir, les leçons de l'histoire éclairer la marche du monde.

Au fil de sa fructueuse carrière et d'une oeuvre monumentale, ce fils de Breton né à Toulon (sud), le 1er janvier 1924, passé par la prestigieuse École normale supérieure qui forme l'élite universitaire en France, s'est consacré avec passion à ce qu'il appelait le "long Moyen Age occidental", de l'Antiquité tardive au siècle des Lumières.

Il contestait l'idée reçue selon laquelle la Renaissance aurait mis fin à l'obscurantisme médiéval et avait reçu en 2004 le prix Dr A.H. Heineken d'histoire pour "avoir fondamentalement changé la perception du Moyen Age".

Biographe de Saint Louis et auteur de "La naissance du purgatoire", cet Européen convaincu n'hésitait pas non plus à quitter sa période de prédilection pour aborder l'actualité la plus chaude. "Un historien ne peut pas vivre uniquement dans le passé. Je crois qu'il a le devoir de s'inscrire dans la vie de sa société autrement que par ses écrits", affirmait cet homme chaleureux à l'imposante stature.

La ministre de la Culture Aurélie Filippetti a salué en Jacques Le Goff "une figure majeure de notre paysage intellectuel". Il s'attachait "à déceler dans notre monde contemporain l'héritage souvent caché des périodes antérieures, mettant notamment en évidence les racines profondes de la construction européenne", a souligné la ministre.

Surnommé tour à tour "l'ogre historien" ou "le pape du Moyen Age", Jacques Le Goff avouait être tombé dès l'adolescence dans la marmite de l'histoire, sa compagne depuis 1950, à la lecture de l'écrivain britannique Walter Scott.

Élève puis successeur de Fernand Braudel à la tête de l'École pratique des hautes études, un des creusets de la recherche en sciences sociales en Europe, devenue en 1975 l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Jacques Le Goff est considéré dès la sortie de son premier livre "Les intellectuels au Moyen Age" comme l'héritier de l'École des Annales, qui avait bouleversé l'approche historique dans les années 1930. Il dirigera d'ailleurs à partir de 1967 la prestigieuse revue des "Annales".

"Une idée fondamentale de l'École des Annales, c'est que l'histoire se fait dans un va-et-vient constant du présent vers le passé et du passé vers le présent", expliquait-il.

Il publie encore "Marchands et banquiers au Moyen Age", "L'imaginaire médiéval", une biographie de "Saint-Louis" qui fait date, "L'Europe est-elle née au Moyen Age ?": une quarantaine d'ouvrages au total, parmi lesquels "La naissance du purgatoire" (1981) restait l'un de ses préférés, confiait-il en 2008 à l'AFP.

Considéré comme l'un des pères dans les années 1970 du mouvement dit de "la Nouvelle histoire", qui restitue tous les aspects de la société, sans oublier les mentalités, des rois comme du peuple, Jacques Le Goff a accompagné ses travaux de recherche d'une réflexion permanente sur le métier d'historien.

Soucieux de toucher un public plus large que les seuls initiés, il animait aussi sur la radio France Culture "Les lundis de l'histoire", dont il est devenu producteur en 1968.

Il avait également été conseiller scientifique sur le tournage du film "Le Nom de la rose" adapté par Jean-Jacques Annaud du best-seller d'Umberto Eco.

Jeune chercheur boursier à Prague, il avait vécu en direct la prise du pouvoir par les communistes en 1948. Il en avait été "vacciné contre le communisme" et s'amusait des revirements de ses confrères qui avaient après-guerre épousé l'idéal communiste.

Lui se considérait comme "un homme de gauche" et militait pour une Europe unie, forte, ouverte, tolérante. Marié à une Polonaise d'origine, parlant anglais, italien, polonais et allemand, il avait pour meilleur ami l'historien et homme politique polonais Bronislaw Geremek, mort en 2008, et incarnait lui-même cette Europe du dialogue qu'il appelait de ses voeux.

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