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François dénonce "l'argent ensanglanté" et exhorte les mafieux à "se convertir"

François dénonce "l'argent ensanglanté" et exhorte les mafieux à "se convertir"

Le pape François a dénoncé vendredi le "pouvoir et l'argent ensanglantés" des mafieux, les appelant à "changer de vie, à arrêter de faire le mal, à se convertir", lors d'une cérémonie en mémoire des victimes de la criminalité organisée à Rome.

S'adressant aux "hommes et aux femmes de la mafia", le pape a fustigé dans une église proche du Vatican, "l'argent ensanglanté, le pouvoir ensanglanté". Il les a avertis: "Ce pouvoir ensanglanté vous ne pourrez pas l'emporter avec vous dans l'au-delà. Il est encore temps de ne pas finir en enfer".

Cette déclaration très forte était l'écho presque exact du cri de colère de Jean Paul II à Agrigente (Sicile) en 1993, quand le pape polonais avait demandé aux mafieux de "se convertir".

Lors de cette cérémonie organisée par l'association catholique anti-mafia Libera, une liste de 842 noms de victimes connues des mafias italiennes a été lue devant le pape qui écoutait l'expression grave, tête baissée.

Par sa présence dans l'église moderne de San Gregorio VII, située de l'autre côté des murs du Vatican, le pape argentin a voulu manifester combien cette cause lui tient à coeur.

François a encouragé les participants, venus de toute l'Italie, saluant leur "ténacité" et les remerciant "de ne s'être renfermés sur eux-mêmes, d'avoir raconté leur histoire de souffrance et d'espérance".

"70% des familles des victimes ne savent pas la vérité ou la connaissent seulement en partie", a rappelé auparavant Don Luigi Ciotti, fondateur de Libera.

"Il faut un sursaut de tous", avait-il ajouté, saluant dans le pape "un frère".

Don Ciotti a rendu hommage aux enfants "si nombreux" parmi les victimes, soulignant la présence de familles de victimes d'Amérique Latine. Il a cité les victimes du "travail non protégé", "des drogues", des "déchets toxiques", les victimes abandonnées "dans le désert et en mer" par les passeurs.

Il a aussi évoqué tous "les morts vivants, qui sont vidés de l'intérieur" par le chantage de la mafia.

"Mes amis, vos êtres chers sont vivants parce que qui donne sa vie pour la justice donne la vie", s'est-il exclamé.

Saluant l'engagement de Jean Paul II et Benoît XVI, il a dénoncé "les silences, les résistances, les excès de prudence" de certains hommes d'Eglise.

Cette veillée précédait la XIXe "Journée de la mémoire et de l'engagement", organisée chaque année par Libera.

Une foule dense a vivement applaudi le pape quand il est arrivé en voiture devant l'église. Don Ciotti l'a pris par la main pour le conduire à l'intérieur de l'église. Certains portaient des tee-shirts arborant des portraits de victimes, d'autres lui montraient des photos et objets que le pape bénissait.

Libera est très en pointe contre les organisations mafieuses et s'est spécialisée dans la reconversion des biens confisqués.

"C'est un pape qui veut faire comprendre qu'Evangile et mafia ne cheminent pas ensemble", a souligné à l'AFP-TV le père Marcello Cozzi, vice-président de Libera.

Une fidèle, Patrizia estime pour sa part qu'"avec la crise, les activités mafieuses deviennent pires. Nous espérons que l'Eglise en fasse davantage pour nous aider".

L'Eglise italienne porte deux visages: celui de l'engagement courageux de nombreux prêtres et fidèles contre la mafia, mais aussi celui de compromissions très anciennes, les chefs mafieux fréquentant les églises et se targuant de leurs rôles de bienfaiteurs.

Des fonds de la mafia ont transité par la banque du Vatican, l'IOR, et des investissements douteux dans le patrimoine immobilier du Vatican font l'objet d'enquêtes.

Jean Paul II et Benoît XVI ont demandé avec constance aux fidèles de rompre avec les mafias. A leur suite, à l'occasion de la béatification à Palerme d'un prêtre assassiné, Giuseppe (Pino) Puglisi, François avait lancé au Vatican: "c'est lui qui a gagné, avec le Christ".

Le soutien ouvert de François à la lutte anti-mafia le met-il en danger? Le procureur-adjoint de Reggio de Calabre, Nicola Gratteri, avait fait grand bruit en novembre en déclarant que "les chefs mafieux n'hésiteraient pas à lui faire un croche-patte".

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