Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Libération conditionnelle: la Cour suprême donne raison à des détenus

Nouvelles conditions pour une libération conditionnelle: la Cour suprême donne raison à des détenus
Shutterstock / sakhorn

OTTAWA - La Cour suprême du Canada a déclaré, jeudi, inconstitutionnel un morceau du programme de loi et d'ordre du gouvernement Harper; un morceau auquel avait collaboré le Bloc québécois pour, disait-il, contrer les «criminels à cravate».

La cause est celle de trois criminels de la Colombie-Britannique. Ils purgeaient déjà leur peine lorsqu'une nouvelle loi fédérale a été adoptée, en 2011, pour faire disparaître le droit des détenus d'être libérés après un sixième de la peine, sans passer par une comparution devant la Commission des libérations conditionnelles. Cette loi s'appliquait seulement aux détenus non violents qui en étaient à une première offense.

Comme les intimés dans la cause devant la Cour suprême étaient déjà au pénitencier lorsque la nouvelle Loi sur l'abolition de la libération anticipée des criminels, la LALAC, est entrée en vigueur en mars 2011, ils estimaient qu'elle ne pouvait pas s'appliquer à eux.

Dans un jugement unanime, le plus haut tribunal du pays leur a donné raison.

«L'augmentation rétrospective du temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté porte atteinte au droit des intimés (...) de ne pas être 'punis de nouveau'», a écrit le juge Richard Wagner.

Le juge fait référence au droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, à l'alinéa 11h): «Tout inculpé a le droit (...) de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni».

Ce jugement a pour effet de recommencer à appliquer à tous ceux qui ont reçu une sentence avant le 28 mars 2011 la loi qui a été remplacée par la LALAC.

Le bureau du ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, a été incapable de fournir le nombre de prisonniers visés par le jugement et qui auront donc tout de suite leur libération conditionnelle.

Mais une douzaine de détenus au Québec étaient devant les tribunaux pour contester la rétroactivité de la LALAC. En janvier, la Cour supérieure leur avait donné raison. Ce jugement de la Cour suprême devrait mettre un terme à leurs démarches judiciaires.

Et puis, il y avait Earl Jones. Ce dernier a été condamné à 11 ans de prison en 2010 pour avoir floué quelque 150 investisseurs. Et son cas ressurgissait continuellement dans les débats alors que les députés étudiaient la loi, il y a trois ans, et mesuraient la possibilité de la rendre rétroactive.

M. Jones n'aura pas à attendre l'impact du jugement de la Cour suprême sur sa détention. Il était prévu qu'il soit libéré jeudi après-midi, une pure coïncidence. Il aura purgé quatre des 11 années de sa peine.

À l'hiver 2011, alors que bloquistes et conservateurs du gouvernement minoritaire s'entendaient pour déposer C-59, le nom de M. Jones était cité sans cesse.

Ainsi, Maria Mourani, qui était députée bloquiste à l'époque, avait reproché aux libéraux et aux néo-démocrates de refuser d'accélérer l'adoption de C-59.

«Les libéraux et les néo-démocrates ont choisi de donner une chance à d'autres criminels à cravate, dont Earl Jones, d'être libérés après n'avoir purgé qu'une infime partie de leur peine. C'est inacceptable!», se plaignait la députée Mourani, le 10 février 2011.

«Il y avait le cas de Vincent Lacroix, Earl Jones», s'est rappelé la députée néo-démocrate Françoise Boivin, au cours d'une entrevue téléphonique, jeudi. «Il y avait une espèce d'hystérie qui fait en sorte que des fois les politiciens aiment ça se mettre en avant de la foule et dire 'regarde, on est les meneuses de claques'», a ironisé Mme Boivin.

La députée reproche au gouvernement de ne pas avoir prévu que le caractère rétroactif de sa loi ne survivrait pas au test des tribunaux.

Au bureau du ministre Blaney, on a donné la réaction d'usage à tout jugement de la Cour suprême.

«Nous examinons les impacts de la décision de la Cour suprême du Canada», a écrit, dans un courriel, Jean-Christope de Le Rue, porte-parole du ministre.

«Notre gouvernement conservateur a été très clair. Nous ne croyons pas que les criminels à cravate et les trafiquants de drogue devraient être libérés après un sixième de leur peine», a-t-il ajouté, sans commenter le fait que les juges ont annulé la rétroactivité de cette loi.

Le juge Wagner, lui, a fait la leçon au gouvernement fédéral. «Le ministère public soutient que l'application rétrospective est nécessaire pour maintenir la confiance du public dans le système de justice. Je signale que l'adoption de mesures législatives qui enfreignent les dispositions de la Charte peut saper cette confiance», a-t-il averti.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.