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La censure de l'internet chinois expliquée par Weibo aux investisseurs de Wall Street

La censure de l'internet chinois expliquée par Weibo aux investisseurs de Wall Street

En vue de sa cotation à Wall Street, Weibo, le "Twitter chinois", a détaillé sur 56 pages les risques à opérer dans un pays où l'internet est soumis à une stricte censure --quand son concurrent américain se fait lui le champion de la liberté d'expression.

Weibo Corp., filiale du géant chinois de l'internet Sina et opérateur du plus populaire service de microblogs du pays, a dévoilé la semaine dernière un projet d'entrée à la Bourse de New York, qui lui permettrait de lever 500 millions de dollars en vue de doper sa base d'usagers face à une concurrence aiguisée.

Dans ce long document, figurent 40 pages dédiées aux "facteurs de risques" et 16 autres consacrées aux effets des "lois et règlements de la République populaire de Chine", --décrivant par le menu le régime de censure implacablement appliqué par Pékin, dans un pays où sont bannis Facebook, YouTube et Twitter.

"Le contrôle et la censure des informations diffusées sur l'internet en Chine peuvent affecter nos activités, et nous rendre responsables de ce qui est publié sur nos plateformes", souligne l'entreprise dans ce document, disponible sur le site du gendarme boursier américain.

Quels sont les contenus visés ? Il s'agit de tout ce qui "porte atteinte à la dignité nationale" de la Chine, "perturbe l'ordre social ou nuit à la stabilité sociale", explique Weibo, mais aussi tout contenu jugé "réactionnaire, obscène, superstitieux, frauduleux ou diffamatoire". Des catégories aux définitions très larges, destinées à faire taire toute voix dissidente.

Weibo ne fait pas simplement oeuvre de pédagogie, il décrit aussi, page 138, les implications pratiques de la loi chinoise et comment lui-même supprime de façon routinière les microblogs litigieux --ou concernant des sujets d'actualité jugés sensibles par le pouvoir.

"Nous avons adopté des procédures internes pour surveiller les contenus, avec une équipe d'employés entièrement dédiée (à cette tâche) et chargée de supprimer tout contenu inapproprié ou illicite", a indiqué le groupe, qui est contraint de "vérifier l'identité" de l'ensemble de ses usagers.

En reconnaissant la censure qu'il exerce, Weibo répercute la réalité du terrain et "avertit les investisseurs potentiels qu'il y a là un risque", observe Jason Ng, chercheur à l'université de Toronto.

A l'inverse, "une partie de l'image et de la réputation des firmes web occidentales se fonde sur le fait qu'elles se veulent des bastions de la liberté d'expression", poursuit M. Ng, auteur de "Blocked on Weibo".

Ainsi, Twitter --même s'il a lui aussi été objet de controverses et accusé de se plier aux législations locales-- se proclame défenseur des libertés, et son rôle dans le Printemps arabe avait été salué.

Mais pour les experts, les dizaines de pages de "risques" publiées par Weibo ne devraient pas effrayer les investisseurs, qui devraient surtout évaluer l'opportunité de tirer profit d'un marché chinois de 600 millions d'internautes.

Sa maison-mère Sina Corp., qui contrôle aux deux-tiers Weibo, est déjà cotée sur la place new-yorkaise du Nasdaq, avec une capitalisation de 4,5 milliards de dollars.

"La censure et la supervision des contenus ont été la norme pour l'internet chinois tout au long de son essor ces deux dernières décennies. Ce n'est pas exactement une découverte", insiste Hu Yanping, de l'institut indépendant de recherche DCCI.

"Les investisseurs se concentreront avant tout sur les opérations de l'entreprise, sa capacité à générer des revenus et des bénéfices", a-t-il souligné.

"Il y aura toujours un intérêt enthousiaste des investisseurs", a renchéri Zhuo Saijun, du cabinet de conseil Analysys International, rappelant que Weibo, par sa popularité --il revendique plus de 129 millions d'usagers actifs par mois--, représente un vecteur de marketing très efficace.

Mais c'est aussi sur ses performances économiques que les investisseurs pourraient in fine se montrer réservés. Weibo a ainsi été affecté par le récent durcissement de la censure et pâtit surtout du succès fulgurant de l'application de messagerie téléphonique WeChat du groupe Tencent, qui compte plus de 300 millions d'utilisateurs.

Selon un centre de recherches lié au gouvernement, le nombre d'auteurs de microblogs en Chine a chuté de 9% l'an dernier, à 281 millions d'internautes. Les sites de microblogs "ne sont pas si dynamiques, comparés aux services de messagerie" sur smartphones, a prévenu un gestionnaire de fonds étranger.

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