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Un projet de mémorial pour les victimes de Breivik fait des remous en Norvège

Un projet de mémorial pour les victimes de Breivik fait des remous en Norvège

Un projet de mémorial pour les victimes du tueur Anders Behring Breivik se heurte en Norvège à la résistance de familles endeuillées et de riverains ulcérés par ce qu'ils interprètent comme un hold up de la mémoire et un "viol de la nature".

Tout en symboles, le concept retenu propose de creuser une large tranchée coupant net un petit promontoire sur la rive du lac qui baigne Utoeya, l'île tragique où l'extrémiste de droite a abattu 69 personnes, des adolescents pour la plupart, le 22 juillet 2011.

Au bord de cette cassure incicatrisable, une galerie vitrée permettra aux visiteurs de contempler une paroi lisse sur l'autre versant sur laquelle seront gravés les noms des victimes.

Salué par la critique lors de la présentation du choix du jury fin février, le projet porté par le Suédois Jonas Dahlberg a engrangé, depuis, son lot de griefs.

"Je ne suis pas contre le mémorial en soi. Ce qui me pose problème, c'est la façon dont le mémorial et son emplacement ont été choisis", déplore Vanessa Svebakk, la mère de Sharidyn, une jeune fille fauchée à 14 ans seulement par les balles de Breivik.

"Depuis que le processus a été initié fin 2012, nous les proches des victimes, les plus affectés, sommes tenus à l'écart", dit-elle à l'AFP. "C'est arrogant d'utiliser le nom de nos enfants sans nous consulter. Qu'ils soient morts n'enlève rien au fait que ce sont nos enfants".

Hors de question, pour elle, de laisser le nom de sa "Sissi" apparaître dans un lieu où celle-ci ne s'est de surcroît jamais rendue: le promontoire de Soerbraaten se situe à plusieurs centaines de mètres d'Utoeya.

Comme Mme Svebakk, plusieurs familles réclament désormais une remise à plat complète du projet.

Elles ont reçu le renfort d'habitants vivant près du futur mémorial.

"On a un peu de mal à accepter que l'on nous rappelle le carnage du 22 juillet chaque jour tout le reste de notre vie", souligne Ole Morten Jensen, un riverain. "Je n'ai pas besoin de ces réminiscences, j'ai eu ma dose", a-t-il déclaré à la chaîne publique NRK.

Les opposants ont créé un compte sur Facebook qui a attiré jusqu'ici près de 900 membres. On y dénonce tour à tour un "viol de la nature", une "attraction touristique", voire le risque que l'endroit devienne un lieu d'adulation de Breivik.

Pour ne rien arranger, un géologue a expliqué que la roche dans laquelle le mémorial sera excavé est si poreuse que ses parois verticales, voulues lisses, risquent de s'émietter. "C'est comme creuser dans un tas de gravier", a affirmé Hans Erik Foss Amundsen.

Les porteurs du projet, qui doit être inauguré le 22 jour 2015, restent néanmoins sereins.

"Quand il est question d'art public, il y a toujours de multiples points de vue. A fortiori quand il s'agit d'une oeuvre qui commémore un drame comme celui d'Utoeya", déclaré à l'AFP Svein Bjoerkaas, directeur de Koro, l'organisme chargé de la gestion de l'art public. "Mais l'expérience montre qu'avec le temps, les critiques retombent".

"Gardons à l'esprit que ce mémorial ne concerne pas seulement ceux, relativement peu nombreux, qui s'y opposent mais aussi ceux, nombreux, qui en ont besoin", fait-il valoir.

Le président du jury, Joern Mortensen, défend lui aussi le projet bec et ongles.

L'emplacement du mémorial? Il a été imposé dès le début par l'Etat. L'opinion des proches? Le vice-président du groupe de soutien aux familles des victimes était membre du comité de sélection. Les noms des morts? Ils pourront rester anonymes. Les riverains? Ils seront entendus dans le processus de conduite des travaux. L'effritement de la roche? Des solutions techniques existent.

Selon lui, il est possible d'attirer les visiteurs sans nuire à la dignité du site comme en témoigne le Mémorial pour les soldats de la guerre du Vietnam à Washington: "notre mission est de bâtir un lieu de mémoire, pas un lieu d'oubli".

phy/ts/jeb

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