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Le procès Pistorius perturbé par des couacs de traduction

Le procès Pistorius perturbé par des couacs de traduction

L'Afrique du Sud avait dû s'excuser pour la traduction massacrée en langue des signes de l'hommage à Nelson Mandela. Rebelote au procès d'Oscar Pistorius, la traduction des témoins de langue afrikaans laisse tellement à désirer qu'ils doivent passer à l'anglais.

Dès la première audience, il a fallu rectifier la traduction en anglais du premier témoin, une voisine ayant entendu des cris de terreur dans la nuit de la Saint-Valentin 2013 quand le champion handisport a tué sa petite amie, par erreur selon lui.

Après les coups feu, a-t-elle dit en afrikaans, la suite a été "deurmekaar", c'est-à-dire "chaotique, désordonnée" mais ce terme dérivé du néérlandais a été traduit au tribunal par "confus".

L'avocat de l'athlète a immédiatement sauté sur l'occasion pour croiser le fer avec le témoin, suggérant que Michelle Burger avait gardé un souvenir "confus", sous-entendu peu fiable, des événements qui pourraient envoyer Oscar Pistorius croupir 25 ans en prison.

Cette universitaire a corrigé à maintes reprises son interprète, puis à mi-parcours, est passée à la langue de Shakespeare pour abréger cet exercice laborieux.

"C'est l'interprétation la plus grossière et incorrecte que j'ai vue depuis longtemps", s'insurge Johan Blaauw, président de l'institut des traducteurs sud-africains.

Son organisation a même proposé de suppléer gratuitement aux services de traducteurs de la cour. Il attend toujours la réponse.

Un nouvel incident s'est produit cette semaine lors de la déposition d'un ancien officier de police, Giliam van Rensburg, lui aussi plus à l'aise en afrikaans, la langue maternelle d'une partie de la minorité blanche, descendante des premiers colons hollandais.

Décrivant Reeva Steenkamp, la victime de Pistorius, déjà décédée à son arrivée chez Pistorius le 14 février 2013, il a raconté que le corps de la jeune mannequin était recouvert de serviettes de toilette, terme traduit à la cour par "hand clothes", un mot qui n'existe pas en anglais, à mi-chemin entre essuie-mains et gant de toilette.

Creuset d'identités variées, l'Afrique du Sud reconnaît depuis la fin de l'apartheid onze langues officielles et le droit à l'éducation dans la langue de son choix, en rupture avec la politique qui imposait l'afrikaans pour tout le monde à l'école sous le régime raciste.

Mais de fait, l'anglais est la langue véhiculaire pour les débats judiciaires.

Les témoins parlent donc leur langue maternelle, sont traduits vers l'anglais, de même que les questions qui leur sont posées, sont retraduites de l'anglais vers leur langue.

"C'est difficile de témoigner dans sa deuxième langue (...) la personne appelée à témoigner est sous pression", souligne Renee Marais, responsable du département de traduction interprétariat de l'Université de Pretoria.

"Si on ne parle pas dans sa propre langue, on peut choisir un mot légèrement à côté car c'est le premier qui vous vient à l'esprit", renchérit M. Blaauw.

Le piège a failli se refermer sur le colonel Vermeulen de la police scientifique, accusé de négligences par la défense. Pourquoi n'a-t-il pas analysé les débris de la porte sur laquelle Pistorius a tiré?

"Je ne me suis pas embêté avec ça", a-t-il répondu en anglais, alors qu'il aurait à coup sûr utilisé un terme plus choisi en afrikaans.

Le procès, qui s'annonce déjà plus long que prévu, a pris du retard dès le premier jour à cause de ces problèmes.

Un traducteur assermenté s'est fait porter pâle après avoir appris qu'il allait travailler sur cette affaire, la plus médiatisée des annales judiciaires nationales.

Inquiet peut-être des conséquences: le traducteur de la cérémonie hommage à Mandela du 10 décembre qui avait gesticulé au lieu de traduire en langues des signes a été interné en psychiatrie après son imposture.

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