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Avant le référendum, le "grand frère" turc inquiet pour la minorité tatare de Crimée

Avant le référendum, le "grand frère" turc inquiet pour la minorité tatare de Crimée

Très discrète tout au long de la crise politique en Ukraine, la Turquie est remontée au créneau pour s'opposer à la Russie en refusant toute perspective d'indépendance de la Crimée, au nom de la protection de sa minorité turcophone.

A l'approche du référendum de dimanche sur le rattachement de la province russophone ukrainienne à Moscou, les plus hautes autorités turques ont multiplié les mises en garde en se posant en "grand frère" de la communauté tatare.

Lors d'une récente conversation téléphonique, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'est lui-même chargé de le rappeler au président Vladimir Poutine. "La Turquie n'a jamais laissé tomber les Tatars de Crimée et ne le fera jamais", a-t-il souligné.

Ankara entretient des liens historiques avec la communauté tatare, qui représente 12% de la population de l'enclave russophone, et lui finance de nombreuses infrastructures.

Architecte d'une diplomatie turque souvent qualifiée de "néo-ottomane", le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu s'est lui-même rendu à Kiev ce mois-ci pour y rencontrer les nouveaux dirigeants ukrainiens et les représentants des Tatars, auxquels il a réaffirmer son hostilité à toute sécession de la Crimée.

"Notre voisin et partenaire stratégique ukrainien, y compris nos frères de de la communauté tatare de Crimée, est à nos yeux important pour des raisons historiques, politiques et économiques", souligne un diplomate turc sous couvert de l'anonymat, "et la communauté tatare de Turquie s'inquiète de leur sort".

Le nombre de ses membres n'est pas connu avec précision, les chiffres oscillants selon les sources de 150.000 à près de 5 millions. Tous descendent des Tatars qui ont émigré de Crimée, où ils étaient majoritaires, lorsque la Russie a repris, à la fin du XVIIIe siècle, le contrôle de cette province jusque-là possession de l'Empire ottoman.

Depuis le déploiement de force des troupes russes en Crimée, les Tatars de Turquie ont multiplié les manifestations, dans l'attente d'une réaction forte d'Ankara.

"Nous sommes pris entre deux feux", explique Tuncer Kalkay, le président de l'Association criméenne de Turquie. "Nous rencontrons régulièrement des responsables turcs qui nous disent qu'ils travaillent sur le front diplomatique mais le monde a besoin qu'ils haussent un peu le ton", déplore M. Kalkay.

Son mouvement répète à l'envi que le référendum est "inacceptable" et "illégitime" et met en garde contre les risques de dérapages en cas de victoire, attendue, du "oui".

"La Turquie nous répète que nous ne sommes pas seuls mais notre communauté est loin d'être satisfaite de ce qui a été fait jusque-là", insiste Tuncer Kalkay, "ce n'est pas suffisant (...) le monde doit relever ce défi".

Le gouvernement turc a mis en garde la Russie contre les risques d'une sécession, répétant que le vote du 16 mars constituait une "erreur" et un "danger". "Nous pensons que le référendum ne facilitera pas la recherche d'une solution à la crise", estime le diplomate turc.

Mais jusque-là, la majorité russophone de Crimée comme son parrain moscovite sont restés sourds aux menaces et aux premières sanctions des Occidentaux.

Dans ce contexte, les analystes voient mal comment la Turquie pourrait peser sur la Russie, ainsi que l'a montré son retrait pendant la crise qui a opposé Moscou à Kiev autour de la destitution du président Viktor Ianoukovitch.

Malgré des différence politiques notoires, notamment sur la guerre en Syrie, les deux pays sont des partenaires commerciaux solides. Ils envisagent d'ailleurs de porter le montant de leurs échanges bilatéraux à 100 milliards de dollars d'ici 2020

"La Turquie n'est pas dans une situation de défier la Russie au sujet de l'Ukraine", estime Erkin Ekrem, de l'Institut de la pensée stratégique, "ce qu'elle peut faire a des limites".

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