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Au Pakistan, le cricket comme source d'espoir pour des aveugles

Au Pakistan, le cricket comme source d'espoir pour des aveugles

Au Pakistan, le cricket tient presque de la religion. Et cet engouement n'épargne pas les deux millions de non-voyants du pays dont certains ont trouvé un nouveau sens à leur vie grâce au "cricket pour aveugle", "sport extrême" où les joueurs doivent repérer la balle à l'oreille.

Zeeshan Abbasi était jadis un enfant timide qui dépendait du bon vouloir de ses parents et amis pour avancer dans un pays où le quotidien des aveugles comme lui est semé d'embuches, sinon tissé de discrimination.

Gamin, il se souvient avoir été sévèrement puni au village, car incapable de suivre la leçon en classe. Son oncle l'a ensuite inscrit dans une école de Rawalpindi, ville voisine de la capitale Islamabad, où il a commencé à pratiquer le cricket malgré son handicap.

Depuis, la passion ne s'est jamais estompée. Zeeshan a monté en grade pour se hisser capitaine de la sélection pakistanaise de cricket pour aveugle, double championne du monde. "Mes parents me battaient car je jouais au cricket, ils pensaient que c'était une perte de temps, que je devais étudier pour aspirer à un meilleur sort", dit-il.

"Mais si je n'avais pas joué au cricket, je n'aurais jamais accédé au statut de star nationale. Mes amis aveugles ont de la difficulté à faire des choses et restent un fardeau pour leurs familles", raconte-t-il en marge d'un entraînement à Lahore (est).

Peu connu dans la francophonie, ce sport anglais popularisé dans les anciennes colonies de sa Majesté, oppose sur un terrain ovale deux équipes qui doivent chacune tenter de marquer le plus grand nombre de points en frappant d'une batte une balle lancée par l'adversaire.

Dans le cricket pour aveugles, les joueurs se repèrent grâce au son émis par les grelots placés dans la balle. Chaque équipe est aussi composée de trois types de non-voyants et les points marqués par les joueurs complètement aveugles comptent double.

Même si les joueurs crient sur le terrain pour s'aider à attraper la balle, ce sport aux airs badins peut s'avérer dangereux. Lors de l'entraînement de la sélection nationale, le batteur a frappé la balle à vive allure dans le torse d'un joueur qui s'est aussitôt effondré sur le terrain avant d'être sorti en civière par des secouristes. Zeeshan Abbasi, lui, s'est fracturé le bras droit à six reprises.

"C'est un travail difficile de +coacher+ des aveugles, parce qu'il faut absolument tout leur montrer en détail... Pour les lanceurs et les batteurs, il faut leur apprendre chaque tir, chaque angle de tir, main dans la main avec eux", lance Abdul Razzaq, entraîneur de la sélection nationale.

Le Pakistan a déjà remporté deux des trois coupes du monde de cricket pour aveugle. S'il n'attire pas les foules dans les stades, le cricket pour aveugles, reste néanmoins pris au sérieux au Pakistan, une façon aussi pour leurs joueurs de trouver leur place dans la société.

"En Europe et dans les autres pays, le gouvernement accorde aux aveugles beaucoup d'avantages. Ils sont bien instruits, ils ont les mêmes droits. Ici, nous devons nous battre pour tout", déplore Tariq Mehmood Awan, directeur de la Fédération nationale de cricket pour aveugles.

Se battre... et battre. Car la rivalité historique entre le Pakistan et l'Inde se transpose jusque sur les pelouses. Les deux pays ont disputé en février une série de matches préparatoires, remportée par le Pakistan, en vue de la coupe du monde de cricket pour aveugles de 2015 en Afrique du Sud.

"Mes amis, mes parents, tout le monde m'a dit: +tu vas à Lahore, il faut que tu gagnes+, parce que vous savez, l'Inde contre le Pakistan, c'est le match", lance Shekar Naik, capitaine de l'équipe indienne.

Le cricket a permis à ces sportifs aveugles de voyager à l'étranger et d'accéder à une certaine reconnaissance. "Je voyage désormais en voiture, confortablement, mais vous savez, marcher sur les routes tortueuses et emprunter l'autobus demeure difficile au Pakistan. Personne ne sait ce qu'est une canne blanche ici", sourit Abbasi.

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