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Commission Charbonneau: sur la mafia dans l'industrie de la construction

Commission Charbonneau: sur la mafia dans l'industrie de la construction
Agence QMI

EN DIRECT - Le défunt parrain Vito Rizzuto a su profiter des déboires de l'entrepreneur Tony Magi au 1000 de la Commune pour s'imposer dans ce projet à partir de 2002, s'assurant au passage une part des profits, a expliqué l'enquêteur Éric Vecchio. Notons que M. Magi savait à qui il avait affaire, comme le montrent leurs conversations, enregistrées dans le cadre de l'opération Colisée de la GRC.

À l'époque, l'entrepreneur Tony Magi connaissait d'importantes difficultés financières avec son projet de transformer cet entrepôt frigorifique en condos de luxe.

Talonné par un investisseur privé qui lui donne 60 jours pour lui rembourser son prêt, il accepte l'aide du clan Rizzuto qui prend alors en charge le financement du projet.

Le parrain, pourtant, n'y investit pas son propre argent, mais tisse plutôt autour de Tony Magi un réseau d'investisseurs sous son influence.

Ni entrepreneur, ni promoteur immobilier, ni homme d'affaires, le parrain agit donc comme chef d'orchestre ou « consultant » dans la mise en place du financement qui doit lui permettre de contrôler Tony Magi.

Selon l'enquêteur Vecchio, la caractéristique de la mafia est de s'engager dans des projets en péril pour y imposer sa loi en échange de son aide, ce qu'il décrit comme du parasitisme.

« C'est lui qui tire vraiment toutes les ficelles pour attacher les négociations du 1000 de la Commune. »

— Éric Vecchio

Dans une écoute électronique de l'opération Colisée du 4 janvier 2003 entre Vito Rizzuto et Mike Argento, les deux hommes évoquent que MM. Terry Pomerantz et Giorgio Tartaglino vont financer M. Magi. En contrepartie, ce dernier doit céder 18 % de ses parts : 6 % au parrain, 6 % à Mike Argento et 6 % à Tony Renda, partenaire d'affaires de M. Tartaglino.

Des conversations subséquentes entre MM. Rizzuto et Magi démontrent à quel point le parrain de la mafia s'impliquait pour faciliter les relations entre les différents partenaires investisseurs du projet. Sa parole sert en fait à cimenter la confiance entre les différents acteurs, une fonction cruciale puisque leurs affaires reposent sur des ententes verbales.

Une conversation du 17 janvier entre les deux hommes illustre bien comment il excelle dans son rôle de chef d'orchestre alors qu'il réunit toutes les parties autour d'une entente.

« C'est une personne de compromis : c'est pour ça qu'il est resté longtemps en poste (...) Tout le monde en tirait quelque chose. »

— L'enquêteur Vecchio sur le défunt parrain Vito Rizzuto

Rizzuto fils entre dans la danse

Les écoutes faites dans le cadre de Colisée vont par ailleurs démontrer que Nick Rizzuto junior, le fils du parrain, se mêlera à son tour du projet du 1000 de la Commune à partir de mars 2003.

La commission le présente d'ailleurs comme un partenaire d'affaire de Tony Magi.

Selon l'enquêteur Vecchio, M. Rizzuto junior est « beaucoup plus impliqué et actif » que son père. Mais l'objectif, précise-t-il, demeure le même pour les Rizzuto : user de leurs contacts pour faire entre dans le projet des investisseurs sous leur influence et marginaliser du coup Tony Magi.

Selon l'enquêteur, Mick Rizzuto fils semble de fait en train de prendre le relais de son père comme chef d'orchestre dans le 1000 de la Commune, avec son aval.

« En fait, Vito veut implanter son fils à titre du nouvel arbitre. C'est carrément ça (…) Il a eu le même rôle que son père. »

— L'enquêteur Éric Vecchio

Selon l'enquêteur Vecchio, les écoutes illustrent bien que la mafia, à l'affût de toutes les occasions de s'enrichir, use de son influence pour le faire dans des activités légitimes. Il donne en exemple la transaction qui implique le fils Rizzuto pour le contrat des planchers de bois franc des condos du 1000 de la commune.

« C'est beaucoup d'argent vite fait et on s'entend : il n'y a rien d'illégal là-dedans, mais la marge de profit est énorme. Donc on voit que le but, c'est de se légitimiser au maximum », a dit l'enquêteur.

La procureure en chef Sonial LeBel avait souligné d'entrée de jeu que le témoignage de M. Vecchio se rattache à celui livré par la criminologue italienne Valentina Tenti en septembre 2012 quant aux méthodes utilisées de nos jours par la mafia italienne pour infiltrer l'économie légale.

Retour sur le Consenza

Éric Vecchio, ex-coordonateur national pour le crime organisé italien au Service canadien de renseignements criminels (SCRC), n'en est pas à son premier passage devant la commission.

En septembre 2012, il était venu présenter des vidéos filmées par la GRC au quartier général du clan Rizzuto, le Consenza, dans le cadre de l'opération Colisée.

Il avait noté que quatre entrepreneurs en construction de la région de Montréal - Nicolo Milioto, Domenico Arcuri, Accursio Sciscia et Lino Zambito - étaient venus porter de l'argent aux têtes dirigeantes du clan.

D'autres entrepreneurs, dont Francesco Catania, son neveu Paolo Catania et Rick Andreoli, fraternisaient aussi avec les membres du clan.

M. Vecchio avait expliqué que la façon dont se déroulaient les échanges d'argent laissait croire que Nicolo Milioto, alors propriétaire de Mivela, servait d'intermédiaire entre les entrepreneurs et les Rizzuto.

Selon lui, Rocco Sollecito, une des têtes dirigeantes du clan, était le responsable des activités liées à l'industrie de la construction au sein du clan, et qu'il était donc le patron de Nicolo Milioto.

Le témoignage de M. Vecchio, ponctué d'extraits vidéo et audio, avait ouvert la voie à celui de Lino Zambito, qui avait affirmé qu'une dizaine d'entreprises se partageaient les contrats d'aqueducs et d'égouts de la Ville de Montréal, moyennant une ristourne de 2,5 % versée à la mafia.

Les activités de la mafia ont aussi intéressé la commission cet automne, dans le cadre d'audiences portant sur la FTQ-Construction. L'ampleur des liens entre l'ex-directeur général du syndicat Jocelyn Dupuis et plusieurs membres influents de la mafia avait alors été étalée au grand jour.

M. Dupuis fréquentait notamment Raynald Desjardins, Domenico Arcuri, les frères Giovanni et Giuseppe Bertolo, Antonio Pietrantonio, dit « Tony Suzuki », et Antonio Volpato, tous liés à la mafia.

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