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La commission Charbonneau se penche sur le projet Garrot

La commission Charbonneau se penche sur le projet Garrot
Capture d'écran

EN DIRECT - L'enquêteur Jérôme Bédard de la SQ vient présenter le projet Garrot, qui a mené au démantèlement d'un réseau de fausse facturation dans l'industrie de la construction dirigé par Normand Dubois. Selon les estimations qu'il a présentées, ce sont 14 millions $ qui ont ainsi échappé au gouvernement, pour la seule période de 2007 à 2011.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

M. Bédard, qui a dirigé l'enquête, a expliqué qu'averti par Revenu Québec du stratagème en 2009, La SQ a effectué des filatures, des perquisitions discrètes puis de l'écoute électronique, avant d'arrêter pour une première fois MM. Normand Dubois et Clément Desrochers - son teneur de livres - en novembre 2011, pour un fraude de 400 000 $ commise au dépens de la Banque Nationale.

Puis, grâce à de nombreuses perquisitions, des témoins et l'obtention de pièces bancaires incriminantes qui exposent les liens entre les sociétés-écrans et les entreprises accommodées, la SQ procède de nouveau à l'arrestation de M. Dubois et de ses complices à l'automne 2012.

Normand Dubois, dont le réseau fonctionnait depuis 2001, a récemment plaidé coupable à des accusations de fraude, gangstérisme, fabrication de faux documents, recyclages de produits de la criminalité et écopé de 6 ans de prison. M. Desrochers, qui a témoigné lundi, est toujours en attente de son procès.

L'enquêteur Bédard a expliqué que les principaux bénéficiaires des services offerts par Normand Dubois étaient les compagnies de coffrage Astra (Claude Desroches) et Construction Saint-Léonard (Benoît Monette).

M. Dubois hébergeait ainsi dans ses compagnies coquilles, dirigées par des prête-noms, des travailleurs de ces entreprises, une mesure qui permettait de dégager de l'argent comptant pour payer les travailleurs au noir et de frauder l'impôt en trichant, notamment, sur les retenues à la source.

L'enquête a notamment révélé que le groupe Astra faisait ainsi héberger dans des coquilles une cinquantaine d'employés.

L'enquêteur Bédard a expliqué que le système mis en place par M. Dubois était d'une grande complexité, multipliant les coquilles intermédiaires dans les transactions, « afin de tout mélanger le système de vérification de Revenu Québec ». Il s'agissait notamment de brouiller la piste qui remontait jusqu'aux centres d'encaissement, où l'on allait chercher l'argent liquide.

L'enquête a permis de déterminer que 30,7 millions $ en argent comptant ont été obtenus par les coquilles du groupe de Normand Dubois dans les centres d'encaissement entre 2007 et 2011.

Selon les estimations présentées par l'enquêteur, ce seraient donc 14 millions $ qui ont ainsi échappé au fisc pour la seule période de 2007 à 2011, soit 9,7 millions $ en pertes de TPS, TVQ, et impôt sur le revenu, et 3,9 millions $ pour les retenues à la source non perçues.

Le groupe de Normand Dubois, a expliqué l'enquêteur, avec d'énormes besoins d'argent liquide, et faisait donc affaire avec plusieurs centres d'encaissement pour encaisser les chèques émis par ses coquilles - mais dont les fonds viennent de faits des entreprises ayant recours au stratagème.

M. Dubois a même eu recours à un courtier officieux, un certain M. Lieu - identifié hier par Clément Desrochers comme Chinois 1 (sinon Chinois 2), qui de fait, allait tout simplement, contre commission, changer les chèques dans un centre d'encaissement inconnu du groupe criminel.

La commission a déjà levé le voile sur cette affaire mardi, en entendant un présumé complice de M. Dubois, Clément Desrochers. Ce dernier a décrit le fonctionnement du système, dont il était le responsable opérationnel, de 2001 à 2005, puis de 2007 à 2011.

Il a expliqué à la commission que Normand Dubois faisait affaire avec des sociétés-écrans, c'est-à-dire des entreprises détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) le plus souvent inactives, pour faire de fausses factures à des entreprises légitimes désireuses d'obtenir du comptant.

Ces fausses factures, faites pour de la location de main-d'oeuvre la plupart du temps, étaient payées par les entrepreneurs en construction. La société-écran allait ensuite encaisser le chèque dans un centre d'encaissement, par l'entremise d'intermédiaires pour brouiller les pistes, avant de remettre l'argent comptant à l'entrepreneur.

La société-écran se conservait au passage une commission sur la transaction. Ces coquilles avaient une durée de vie de quelques mois, avant d'être mise en faillite lorsque Revenu Québec entreprenait de faire des vérifications. Une autre coquille était alors ouverte pour que le stratagème se poursuive.

Selon M. Desrochers, les trois mois précédant la faillite étaient les plus payants puisque Normand Dubois cessait alors graduellement de payer les déductions à la source. L'argent ainsi épargné était ensuite séparé à parts égales avec le propriétaire officiel de la coquille.

Plus tôt en matinée, un responsable de Revenu Québec, Martin Cloutier, avait expliqué comment ces stratagèmes étaient profitables à la fois pour l'entrepreneur, qui sauvait de l'argent et de l'impôt, et pour l'employé ainsi payé au noir, qui gardait plus d'argent dans ses poches.

Martin Cloutier avait précisé que l'argent comptant pouvait servir non seulement à payer des travailleurs au noir, mais aussi à payer des pots-de-vin, verser des contributions politiques, voire à enrichir l'entrepreneur à l'origine de la demande.

Clément Desrochers a cependant dit après lui qu'il ne savait pas à quoi servait l'argent comptant qu'il contribuait à remettre à des entreprises. Le témoignage de Jérôme Bédard pourrait permettre d'en apprendre davantage à ce sujet.

M. Desrochers a été arrêté et accusé de fraude à l'automne 2011 pour une présumée fraude commise aux dépens de la Banque nationale à Longueuil. Un an plus tard, il a été accusé de fraude, de vol et de gangstérisme pour son rôle au sein de l'organisation de Normand Dubois.

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