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Guerre 14-18: Sidney Lewis, l'enfant soldat de 12 ans qui a dupé tout le monde

Guerre 14-18: Sidney Lewis, l'enfant soldat de 12 ans qui a dupé tout le monde

Il aura fallu attendre près d'un siècle et la découverte impromptue de précieux documents jaunis pour percer un secret de famille et révéler le parcours extraordinaire de Sidney Lewis: enrôlé à 12 ans, il fut le plus jeune soldat britannique de la Grande Guerre.

A l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, le soldat Lewis - un gaillard sans peur du sud de l'Angleterre envoyé dans les tranchées de la sanglante bataille de la Somme (France) - obtient finalement, à titre posthume, la reconnaissance. Et l'admiration sans faille de son fils, qui n'a découvert la vérité sur son père que des décennies après sa mort, en 1969.

Août 1915. Sidney Lewis est en vacances. La guerre bat son plein depuis un an et le Royaume-Uni a désespérément besoin d'hommes pour son armée composée à l'époque de volontaires. En dépit de son âge - il n'a que 12 ans -, le jeune Sidney tente sa chance.

"Les gars de l'époque étaient épris de patriotisme. Il y avait aussi beaucoup de pression de la part des familles, des amis et de la société en général pour qu'ils contribuent à l'effort de guerre", explique à l'AFP Anthony Richards, à la tête des archives au War Imperial Museum à Londres.

Des parents laissent leur jeune fils s'enrôler sous prétexte que "cela fait une bouche de moins à nourrir, et que ça leur fera le plus grand bien de respirer le grand air" plutôt que de travailler à la mine, complète l'historien Richard van Emden, qui estime à environ 250.000 le nombre de soldats britanniques mineurs pendant la Grande Guerre. Les familles sont alors persuadées que leurs enfants resteront au Royaume-Uni, l'âge officiel pour combattre à l'étranger étant fixé à 19 ans.

"Comment un gamin de 12 ans entre dans l'armée britannique - alors que l'âge légal est de 18 ans - dépasse cependant l'entendement", admet à l'AFP Richard van Emden, auteur du livre" Boys Soldiers of the Great War". Sidney "faisait à coup sûr plus vieux que son âge et il a dû bénéficier du laxisme" des autorités chargées du recrutement, avance-t-il. A l'appui de ses dires, il montre une photo du jeune homme bien bâti.

Sidney Lewis parvient à se faire enrôler à Kingston, dans le sud de Londres. Sa mère ne sait pas "où il s'est volatilisé", raconte Colin Lewis, son fils unique qui a hérité de la carrure imposante de son père.

Il faudra attendre l'été 1916 pour que la supercherie ne soit découverte: un soldat en permission informe la mère de Sidney qu'il se bat dans la Somme avec la 106e Compagnie de mitrailleurs.

Stupéfaite, elle écrit immédiatement au Bureau de la guerre pour obtenir son rapatriement, joignant à son courrier le certificat de naissance de son fils. La réponse ne se fait pas attendre. Dans une courte lettre manuscrite datée du 24 août 1916 et aujourd'hui élimée, l'armée lui répond, visiblement embarrassée: "Je souhaite vous informer que des mesures ont été prises. Le gamin a été renvoyé dans les plus brefs délais".

Des documents inestimables, dont Colin Lewis n'a découvert l'existence qu'il y a une petite dizaine d'années, à la mort d'un oncle qui les conservait précieusement.

"Mon père avait bien mentionné qu'il avait combattu pendant la Première Guerre mondiale mais j'ai pensé qu'il exagérait parce qu'il était bien trop jeune à l'époque. On n'en a jamais reparlé. C'était presque un secret de famille, avance Colin Lewis, 80 ans.

Le War Imperial Museum a authentifié en fin d'année dernière les documents et déclaré Sidney Lewis plus jeune soldat britannique de la Grande Guerre.

A l'occasion du centenaire du début du conflit, Colin Lewis a prévu de rendre, à sa manière, un hommage à son père: il ira avec ses enfants et petits-enfants sur les champs de bataille de la Somme où a combattu son père, six semaines durant.

"Ma plus grande déception, avoue-t-il à l'AFP, est de ne pas avoir pu le féliciter et lui dire: +Je suis très fier de toi. Tu as été un homme - enfin plutôt un gamin - très courageux."

bed/dh/cac

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