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Commission Charbonneau: fausse facturation dans la construction sur le dos des contribuables

Commission Charbonneau: fausse facturation dans la construction sur le dos des contribuables
Radio-Canada

Les différents stratagèmes de fausse facturation auxquels ont recours de nombreuses entreprises pour épargner de l'impôt et payer leurs travailleurs au noir entraînent des pertes fiscales de 3,5 milliards de dollars par année pour Québec, selon Martin Cloutier, chef de service à l'Agence du revenu du Québec.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

Le témoin, qui a collaboré avec la Sûreté du Québec aux projets Béquille, Dorade, Étau et Garrot, estime en outre, selon une estimation conservatrice, que les pertes liées directement à l'industrie de la construction sont de l'ordre de 1,5 milliard de dollars.

Selon Martin Cloutier de Revenu Québec, certaines sociétés qui fournissent de fausses factures n'ont souvent qu'une existence fictive et n'ont donc aucune activité réelle. D'autres, par contre, ont de vraies activités commerciales, afin de mieux « passer sous le radar » de Revenu Québec.

Recourir à de la fausse facturation vise avant tout à obtenir de l'argent comptant qui échappe au fisc et qui sert notamment pour payer du travail au noir, verser des pots-de-vin ou encore pour son enrichissement personnel.

Toute opération de fausse facturation permet aussi à ceux qui en bénéficient d'obtenir des crédits et des remboursements de taxes. Le fournisseur de fausses factures, de son côté, conserve les taxes payées par le demandeur - puisqu'il ne les déclare pas - ainsi qu'une commission.

La commission peut représenter entre 3 % et 10 % de la facture de complaisance.

Les stratagèmes de fausses facturations impliquent des centres d'encaissement, a souligné M. Cloutier.

« Il y a encore beaucoup de fausse facturation au Québec », a tenu à souligner Martin Cloutier, chef de service à Revenu Québec, ajoutant que les stratagèmes sont perfectionnés. « Aujourd'hui, les fausses factures respectent les critères requis par Revenu Québec » a-t-il notamment dit.

Le cycle de la fausse facturation

Un exemple éloquent...

M. Cloutier a démontré de façon éloquente l'intérêt que peut trouver un employeur à payer des travailleurs au noir, en donnant l'exemple d'un charpentier-menuisier.

Si l'employeur paie selon les règles le travailleur pour sa semaine de travail - soit en respectant ses obligations fiscales et les charges sociales - il devra débourser 1676 $.

S'il le paie au noir, par contre, il devra débourser 968 $, soit 880 $ versés à l'employé et 88 $ pour la facture d'accommodation. Ainsi, l'entrepreneur se retrouve avec un bénéfice de 708 $ tandis que l'ouvrier, lui - qui évite l'impôt - obtient 200 $ de plus que ce qui lui aurait été versé.

Les victimes de ce système sont donc le gouvernement et les contribuables.

FMO = fournisseur de main d'oeuvre; DMO = demandeur de main d'oeuvre

Le témoin a aussi donné l'exemple d'entreprises qui, sur papier seulement, transfèrent des employés dans une autre entreprise, souvent une coquille vide.

Ces entreprises, qui font des travaux réels, n'ont alors plus à assumer le coût des retenues à la source et déclarent plutôt une dépense d'entreprise pour l'emploi de cette société-écran comme fournisseur de main-d'oeuvre. Elles obtiennent ainsi des crédits et des remboursements de taxe.

De son côté, la société-écran fournit de fausses factures pour ses services imaginaires de sous-traitant, mais assure de fait la paie des employés, avec l'argent fourni par les entreprises.

Elle ne déclare pas ses revenus, et évite au maximum les taxes.

Dernière semaine avant une longue pause

Il s'agit de la dernière semaine d'activités de la commission d'ici à ce que les électeurs québécois se soient choisi un nouveau gouvernement, le 7 avril. Les audiences reprendront le lendemain.

La commission a aussi annoncé qu'elle se penchera sur la présence de la mafia dans l'industrie d'ici la fin de la semaine.

La suspension des travaux de la commission a été annoncée mercredi dernier, dans un communiqué envoyé dans l'heure suivant le déclenchement des élections par la première ministre Pauline Marois.

Les commissaires ont dit avoir « unanimement convenu qu'il n'est pas opportun de tenir des audiences publiques relativement aux prochains volets de [leurs] travaux pendant la période électorale ».

La commission « étant totalement apolitique et indépendante, nous ne voulons pas risquer que ses audiences soient entraînées dans l'arène politique. Les élections sont les assises de la démocratie, et la commission ne voudrait pas influencer d'une façon ou d'une autre l'électorat », ont-ils ajouté.

La commission Charbonneau ne s'est pas encore attaquée de front à deux importants volets de son mandat, soit l'octroi et la gestion des contrats publics par le ministère des Transports du Québec et le financement politique des partis provinciaux.

La suspension des travaux, qui se solde par la perte de 10 jours d'audiences, entraînera des bouleversements dans l'horaire de la commission. À compter du 8 avril, elle siégera souvent jusqu'à 17 h plutôt que 16 h 30 du lundi au jeudi, et des audiences auront lieu le vendredi jusqu'à 12 h 30.

Le nouvel horaire prévoit par ailleurs que les travaux printaniers se termineront le 20 juin, mais la commission se réserve la possibilité de les prolonger jusqu'au 4 juillet au besoin.

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Tony Accurso

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