Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Egypte: la 1ère femme chef de parti inquiète d'un retour de l'armée au pouvoir

Egypte: la 1ère femme chef de parti inquiète d'un retour de l'armée au pouvoir

Hala Shukrallah, première femme élue à la tête d'un parti en Egypte, se dit inquiète du retour d'un pouvoir militaire qui pourrait mettre à mal l'instauration de la démocratie dans un pays secoué depuis trois ans par des contestations à répétition.

Dans un entretien à l'AFP, cette Copte qui dirige désormais le parti libéral Al-Doustour fondé par le prix Nobel Mohamed ElBaradei déplore l'incapacité des mouvements démocratiques à former un leadership. Un échec qui bénéficie, dit-elle, à l'armée et qui pourrait permettre un retour des Frères musulmans, dont est issu le président destitué Mohamed Morsi.

Interrogée sur la très probable candidature à la présidentielle prévue au printemps, du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, elle dit "se poser des questions sur l'incursion des militaires dans une élection démocratique". Car, "il y a le danger que cela ne contrevienne au processus démocratique" alors que l'armée avait promis une "transition démocratique" en démettant le président Morsi en juillet.

Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et de loin personnalité la plus populaire d'Egypte, a annoncé mardi qu'il ne pouvait "ignorer" les appels du peuple à se présenter à la présidentielle. Il n'a toutefois pas encore fait officiellement acte de candidature.

Mme Shukrallah a été élue en février à la tête du parti fondé en 2012 par M. ElBaradei, un temps vice-président des autorités intérimaires installées par l'armée avant de quitter ses fonctions en août pour dénoncer la dispersion dans un bain de sang des partisans islamistes du chef de l'Etat destitué.

Arrêtée à plusieurs reprises durant les années 1970 et 1980 pour son militantisme dans le milieu étudiant, cette sociologue de 59 ans --également passée par l'université en Grande-Bretagne-- a participé à la formation de mouvements de la société civile, notamment en faveur des droits des femmes.

Son élection à la tête d'Al-Doustour a été saluée par beaucoup comme une avancée en Egypte où les Coptes --la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient-- et les femmes en général font de longue date face à des discriminations.

Pour elle, ce changement a été possible grâce à la révolte populaire de 2011 qui a mis fin à 30 ans de pouvoir absolu de Hosni Moubarak. "Les femmes ont été à la pointe de la révolution et je pense que ceux qui ont participé à la révolution ne sont pas les seuls à l'avoir clairement vu, cela était également clair pour le reste de la société", dit-elle.

Mais trois ans après le soulèvement, et alors que l'Egypte a connu plusieurs mouvements de protestation depuis, "nous demandons toujours où est la justice sociale, ce qu'il est advenu des libertés et des droits de l'Homme", déplore-t-elle.

Revenant sur le nouveau gouvernement récemment formé sous la houlette d'Ibrahim Mahlab, cacique du parti de Moubarak, Mme Shukrallah note que "non seulement le (nouveau) gouvernement est formé de gens venus du parti de Moubarak mais en plus on s'est débarrassé des rares (ministres) issus de partis démocratiques". "C'est un bras de fer, il y a des intérêts profondément ancrés dans la société qui se battent pour maintenir l'ancien régime".

En outre, elle se dit inquiète face à la répression qui s'étend. Après avoir fait au moins 1.400 morts dans les rangs des islamistes en huit mois selon Amnesty International, elle vise désormais les militants non-islamistes, dont plusieurs figures de la révolte de 2011 désormais en prison.

"Il ne devrait pas y avoir de campagne systématique visant à arrêter toute forme de manifestation. Si c'est le but, alors il y a un sérieux problème avec la gestion de la transition", estime-t-elle.

Toutefois, aucune réconciliation n'est possible avec les Frères musulmans, selon Mme Shukrallah qui les juge anti-démocratiques. Mais, prévient-elle, "si le camp démocrate ne se renforce pas, il est très possible qu'ils reviennent sur la scène politique, ce qui posera problème".

Si le camp démocrate "était fort, nous n'aurions pas eu besoin que quelqu'un arrive pour remplir le vide, ce +quelqu'un+ étant l'armée", conclut-elle.

tgg-jds/sbh/feb

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.