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En Turquie, la guerre des écoutes fait rage et menace Erdogan

En Turquie, la guerre des écoutes fait rage et menace Erdogan

La Turquie est devenue le théâtre d'une impitoyable "guerre des écoutes" entre le gouvernement et ses ex-alliés de la confrérie Gülen qui a fait depuis lundi soir une nouvelle victime de choix, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan lui-même.

Même si leur authenticité reste contestée par le pouvoir, la conversation téléphonique diffusée lundi soir sur la plateforme YouTube a, pour la première fois depuis le début mi-décembre du scandale politico-financier qui agite le pays, personnellement mis en cause M. Erdogan et relancé comme jamais les critiques de ses adversaires.

Comme l'a souligné mercredi un des éditorialistes du quotidien Hürriyet Daily News, Mustafa Akyol, les propos qu'auraient échangés le 17 décembre le chef du gouvernement et son fils aîné Bilal constitue rien moins qu'une "bombe atomique".

Deux heures après le premier coup de filet de la police contre des dizaines de proches du régime soupçonnés de corruption, M. Erdogan y ordonne à son fils, en terme à peine voilés, de faire disparaître de son domicile quelque "30 millions d'euros".

"Ce que je te dis, c'est que tu sors tout ce que tu as dans la maison, OK ?", lance sur l'enregistrement la voix attribuée au Premier ministre. Suivent trois autres appels dans lesquels Bilal Erdogan évoque ses difficultés à "dissoudre" cette somme.

Ces conversations ont rapidement enflammé les réseaux sociaux. Mercredi matin, plus de 3 millions personnes les avaient écoutés, sur différents sites.

Le Premier ministre lui-même a vigoureusement dénoncé mardi un "montage immoral" et une "attaque abjecte" de l'organisation de M. Gülen, qu'il accuse de vouloir le déstabiliser avant les élections municipales du 30 mars et présidentielle d'août 2014.

Sur la place publique depuis le début du scandale, la lutte qui déchire le gouvernement et les "gülenistes" se joue depuis plusieurs semaines déjà à grands coups de révélations téléphoniques, sur la foi de conversations enregistrées dans d'obscures conditions.

M. Erdogan, déjà, était la vedette des premiers extraits, opportunément repris par l'opposition pour dénoncer sa dérive autoritaire et ses pressions sur les médias.

Celle-ci par exemple, extraite d'une de ses conversations avec un des dirigeants de la télévision privée Habertürk, Fatih Saraç, auprès duquel il s'est plaint de la diffusion d'une déclaration du chef du Parti de l'action nationaliste (MHP) Devet Bahçeli en juin 2013, alors que les manifestations antigouvernementales font rage.

"Le sous-titre, tu le vois ? Il nous insulte. Il faut faire le nécessaire, Fatih, compris ?", vitupère M. Erdogan. "Bien sûr, monsieur le Premier ministre", obtempère M. Saraç.

Droit dans ses bottes, le chef du gouvernement n'a même pas nié. "Il faut parfois leur donner des leçons", a-t-il commenté en évoquant cet appel.

Plusieurs autres conversations du même acabit ont suivi ces derniers jours, dans lesquelles il recommande le licenciement de journalistes jugés hostiles.

Le régime a riposté en faisant dénoncer lundi, par deux quotidiens qui lui sont proches, la mise sous écoute par des magistrats proches de la confrérie Gülen de plus de 2.000 personnes depuis 2011, selon les chiffres du procureur d'Istanbul.

Parmi eux, M. Erdogan, mais aussi des ministres, leurs conseillers, le chef des services secrets (MIT) Hakan Fidan, des élus de l'opposition comme de la majorité mais aussi responsables d'ONG et des journalistes...

Démenties par le procureur censé avoir commandité les enregistrements, ces révélations ont indigné le régime, qui tente de faire adopter une loi renforçant les pouvoirs de l'agence de renseignement turque (MIT) en matière d'écoutes téléphoniques.

Pour les éditorialistes de la presse libérale, la conversation publiée lundi soir, quelques heures après la contre-attaque du régime, est susceptible d'affecter sérieusement l'image de M. Erdogan, à un mois à peine des élections municipales.

"La Fin", titrait ainsi Cengiz Candar dans sa colonne du quotidien Radikal. "Si la Turquie souhaite être un Etat de droit, le mandat d'Erdogan doit cesser dans les brefs délais par des voies légitimes", a renchéri son très respecté confrère Hasan Cemal.

BA-pa/ros

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