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«Rambo» devant la commission Charbonneau (VIDÉO)

«Rambo» devant la commission Charbonneau (VIDÉO)

Bernard « Rambo » Gauthier en veut énormément au système de mobilité de la main-d'œuvre qui, soutient-il, dessert les travailleurs de la Côte-Nord, laissant entendre du même coup qu'il faut y voir la source de l'intimidation sur la Côte-Nord.

Un texte de Bernard Leduc

« La mobilité de la main d'œuvre, je la déteste, c'est des excréments, je veux rien savoir de ça », a lancé aux commissaires le représentant du local 791 des opérateurs de machinerie lourde de la Côte-Nord de la FTQ-Construction.

« Si vous voulez plus d'intimidation, plus de cochonneries, plus de chicanes dans nos régions, va falloir encadrer, définir la mobilité provinciale, va falloir que le gouvernent comprenne », a-t-il affirmé avec vigueur.

« En tout cas, on se fera pas intimidé par ce que vous nous dites là, va falloir comprendre qu'il faut que vous cessiez d'intimider », lui a répondu du tac au tac la commissaire France Charbonneau, ce qui l'a offusqué.

« Je m'excuse madame, j'ai pas intimidé personne. On va avancer dans nos deux journées, pis on verra bien, on n'a pas intimidé personne. »

— Bernard Gauthier

Le représentant du local 791 de la FTQ-Construction a expliqué qu'en fait, son objectif dès son arrivée à la tête du local en 2003 était justement de changer les conditions qui engendraient, selon lui, des actes d'intimidation de la part de travailleurs.

« C'est peut-être dur à croire avec la face que j'ai, on m'a mis comme un bandit, mais on a voulu changer les choses et on est encore à travailler à changer les choses », a-t-il plaidé.

« Moi, je représente les travailleurs de mon local. Mais si je ne suis pas là, ils vont se faire justice eux autres même pareil et l'intimidation va se faire pareil s'ils ne sont pas respectés chez eux. »

— Bernard Gauthier

« Rambo » à la rescousse

Bernard « Rambo » Gauthier a expliqué plus tôt à la commission Charbonneau avoir pris la tête du local 791 des opérateurs de machinerie lourde en 2003 à la demande de militants syndicaux de la Côte-Nord avec mission de faire le ménage tant au syndicat que dans les relations avec les employeurs.

« Écoute (...) j'ai comme pas le choix : les gars, c'est ça qu'ils veulent », lui aurait d'ailleurs dit le directeur général du local, Bernard Girard.

« Pour régler les problèmes qu'on a à régler icitte, va falloir que ça prenne quelqu'un qui va ''torker'' ça pis mettre ça à l'ordre. Qui a pas peur d'affronter... », lui feront valoir les militants du 791. « Parce qu'il y a des gorilles dans ce coin-là. Pis c'était pas tous des anges! ».

« C'était assez rock'n'roll », a souligné le syndicaliste, qui mentionne notamment les comités de chômeurs, dont les pratiques intimidantes avaient déjà été décrites par un entrepreneur devant la commission Charbonneau.

M. Gauthier évoque d'ailleurs les tensions entre les entrepreneurs venus de l'extérieur de la région qui arrivaient avec leurs propres travailleurs et ces comités qui voulaient placer des travailleurs sur leurs chantiers : « Ça brassait. J'en ai entendu des belles. Des claques sa yeule, des ci, des ça ».

« C'était le Far West (…) Tout un chacun dans les régions se faisait justice. »

— Bernard Gauthier

« Rambo » a expliqué que son arrivée a d'abord causé une hémorragie du membership du local, nombreux lui reprochant sa volonté réformiste, mais ils reviendront par la suite, et en grand nombre.

Bernard Gauthier soutient avoir tenté d'assainir les relations avec les employeurs en instaurant ce qu'il appelle la « coparticipation ». Dans les faits, cette méthode octroyait à ses délégués de chantiers un rôle plus important qu'à l'habituel, comme la répartition du temps supplémentaire entre les travailleurs.

Le chantier Alouette a été son premier succès à cet effet, s'est-il vanté : « C'était très, très bien ordonné. Les heures étaient égales pour tout le monde ».

Par ailleurs, la pratique des comités de chômeurs ne prendra pas fin. Bien implanté dans la région, le patron du 791 de la Côte-Nord décidera plutôt de mieux encadrer leurs interventions auprès des entrepreneurs. Il concède cependant qu'en faisant ainsi, il cautionnait des pratiques qui peuvent s'assimiler à de l'intimidation.

La convention collective appliquée à la lettre

Bernard « Rambo » Gauthier défend sa façon d'appliquer à la lettre la convention collective qui régit les relations de travail entre travailleurs et employeurs.

« Nous autres, par chez nous, un opérateur, c'est pas un manœuvre, c'est pas un mécanicien, c'est pas un électricien. C'est un opérateur », dit-il, pour justifier son intransigeance quant à la division des tâches entre travailleurs sur les chantiers: « C'est ton métier que tu fais, tu fais pas quatre métiers ».

« Les gens de la CCQ de chez nous le disent : la convention, vous êtes les seuls à la faire respecter au Québec. »

— Bernard « Rambo » Gauthier

« Moi, je dis que c'est pour ça que ça coûte 30 % ou 20 % plus cher » pour faire des travaux sur la Côte-Nord, a-t-il fait valoir.

Il va jusqu'à avancer que les travailleurs de la Côte-Nord sont mal vus par les entrepreneurs de l'extérieur parce qu'ils défendent leurs droits.

M. Gauthier se défend d'avoir obligé les entrepreneurs à passer par lui pour obtenir de la main-d'œuvre, mais reconnaît qu'il voulait « se rendre indispensable, incontournable ».

Selon lui, c'était sa façon de s'assurer « de faire travailler notre monde » et pour éviter que ce soient toujours les mêmes qui travaillent. Il soutient ainsi qu'il voulait éviter que des travailleurs n'aillent négocier à la baisse leur embauche, en tête à tête, avec des employeurs. Selon lui, avant qu'il instaure ses réformes, « les gars se vendaient », ce qui provoquait par la suite des bagarres entre travailleurs.

Main dans la main avec la CCQ

Bernard « Rambo » Gauthier a aussi expliqué avoir épaulé à sa manière la Commission de la construction du Québec (CCQ) pour l'aider à appliquer ses propres règles.

Il soutient avoir déjà arrêté un chantier de Carrières Marconi pour le contraindre à fournir un contrat de travail à la CCQ.

S'il reconnaît avoir ainsi agi en marge de la loi, il fait valoir que de nombreux entrepreneurs tentaient de se défiler devant leurs obligations à la CCQ afin de payer les employés hors convention.

Il ajoute que grâce à ses interventions et celles de ses délégués de chantier auprès de la CCQ, « le travail au noir, il y en avait presque plus chez nous ».

Il déplore qu'avec la fin du placement syndical et l'arrivée de Diane Lemieux à la tête de la CCQ, cette bonne entente soit rompue avec les bureaux régionaux de l'organisme.

Anticipant les questions de la commission, M. Gauthier a tenu à souligner qu'à son avis, il y a « de l'exagération » dans les allégations entendues à son endroit depuis quelque temps, critiquant au passage les médias pour avoir charcuté ses propos.

Tout en semblant admettre quelques excès, il espère que son témoignage lui permettra de corriger les perceptions.

Le 791 en résumé

Le local 791 des opérateurs de la machinerie lourde sur la Côte-Nord, dirigé par Bernard Gauthier, compte 22 délégués de chantier et 600 membres, chapeautés par un exécutif composé entre 5 et 8 personnes. Le supérieur immédiat de M. Gauthier est Bernard Girard, directeur général du 791. Le local couvre en résumé les villes de Sept-Îles, Baie-Comeau, Forestville et Havre-St-Pierre.

Le représentant syndical du local 791 des opérateurs de machinerie lourde s'est présenté comme un militant syndical de longue date, soit bien avant d'occuper des fonctions officielles à la FTQ-Construction.

Le syndicaliste a expliqué être devenu opérateur de machinerie lourde au début des années 1990, après un séjour de quelques années au sein de l'Armée Canadienne.

« Ironie du sort, j'ai passé à un cheveu d'être International », soit le principal concurrent de la FTQ-Construction, a-t-il dit, le sourire aux lèvres.

M. Gauthier dit avoir hérité de son surnom « Rambo » après une opération d'espionnage lors d'un premier séjour sur la Côte-Nord dans les années 1990... Il a expliqué qu'il se glissait sous la roulotte des gens de la sécurité d'Hydro-Québec sur le projet SM3 pour écouter leurs conversations.

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Tony Accurso

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