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Réunion de familles en Corée: quelques heures pour remonter le temps

Réunion de familles en Corée: quelques heures pour remonter le temps

Kim Se-Rin n'espérait guère combler six décennies d'absence en retrouvant sa soeur pour quelques heures en Corée du Nord. Mais il a pu remonter le temps et apprendre le destin de ceux dont il avait jusqu'alors inventé la vie.

"Je l'ai assommée de questions", raconte le vieil homme, 85 ans, de retour de Kumgang, en territoire nord-coréen, où des dizaines de proches restés de part et d'autre de la frontière à la fin de la guerre de Corée (1950-53) ont été réunis pour la première fois.

Des dizaines de milliers de Sud-Coréens à la santé souvent chancelante attendent d'être conviés à ces réunions rarissimes pour étreindre avant de mourir les êtres chers dont ils n'ont plus de nouvelles depuis plus de deux générations.

Sélectionné par tirage au sort, Kim Se-Rin mesure la chance qui fut la sienne de revoir sa soeur de 80 ans, malgré l'amertume et la frustration affleurant à son retour chez sa fille à Bucheon, près de Séoul.

"Il y avait tant de choses que je voulais savoir, que j'avais besoin de savoir sur sa vie, quand nos parents étaient morts, sur mon petit frère", dit-il.

Fils aîné de paysans prospères dans le comté de Hwangju en Corée du Nord, Se-Rin est parti en décembre 1950 rejoindre les forces sud-coréennes. Il n'a prévenu personne, n'a embrassé personne, ignorant qu'il ne reviendrait pas. Ce souvenir n'a cessé de le hanter.

Ce n'est que lorsqu'il a su qu'il serait du prochain voyage la semaine dernière en Corée du Nord qu'il a appris que sa soeur était l'unique survivante de sa proche famille.

"Elle m'a dit que mon frère avait fait des études de médecines et travaillé à l'hôpital central de Pyongyang pendant longtemps avant de mourir. Il avait sept ans de moins. Cela me peine qu'il soit mort avant moi".

A partir de 1953, de son côté du "Rideau de fer" coréen, l'homme a vécu sans savoir: qui est vivant? qui est mort? Ses parents, propriétaires fonciers dans la jeune autocratie communiste nord-coréenne, ont-ils été dépossédés de tout?

"Le plus important pour mon père était de savoir ce qui est arrivé à sa famille pendant la guerre et comment ils ont vécu après", explique sa fille, Kim Young-Soon, qui l'a accompagné en Corée du Nord.

Il aura donc fallu ce voyage dans un pays reclus, devenu celui de tous les fantasmes, pour apprendre que ses parents étaient décédés pendant la guerre.

"Elle lui a montré des photos et ils ont longuement évoqué leurs souvenirs communs. Cela a rendu mon père heureux", assure Kim Young-Soon. "Il est reconnaissant d'avoir eu la chance de la revoir avant de mourir. Il a 85 ans et il a rêvé de cela toute sa vie".

L'expérience fut parfois douloureuse pour certains qui s'en étaient fait une montagne. Les divergences politiques, forcément vertigineuses, ou des ennuis de santé ont gâché la fête comme pour cette Nord-Coréenne que sa soeur, atteinte d'Alzheimer, n'a pas reconnue.

Kim Young-Soon assure que si sa tante a exalté le rôle du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-Un, dans l'organisation de la réunion, leurs retrouvailles n'en ont pas souffert.

Dans la petite chambre d'hôtel où ils ont joui de quelques heures d'intimité, loin des caméras de télévision, elle raconte qu'elle a massé les pieds de sa tante, pour, peut-être, y laisser une empreinte.

"Je voulais la toucher le plus possible parce que ce serait mon premier et mon dernier souvenir d'elle".

En état de confrontation quasi permanent, les deux Corées sont techniquement toujours en guerre, n'ayant pas signé de traité de paix après l'armistice de 1953. Leurs relations bénéficient néanmoins d'une relative embellie depuis plusieurs semaines.

"Je crois que la Corée sera unifiée un jour", ose Kim Se-Rin. "Mon objectif est de vivre jusqu'à 95 ans".

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