Les effluves d'élections générales qui flottent au Québec sont accentués par les multiples annonces d'investissements publics du gouvernement de Pauline Marois. Depuis le 1er janvier dernier, les engagements totalisent plus de 2 milliards de dollars, a constaté La Presse.

La compilation concerne toutes les annonces faites par les députés et ministres du gouvernement jusqu'à mardi dernier. Dans ce décompte conservateur, toute participation financière d'autres sources comme, par exemple, le gouvernement fédéral ou le secteur privé a été écartée. Toutefois, les prêts consentis par Québec ainsi que les événements du type «pelletée de terre» pour rappeler des investissements déjà annoncés ont été pris en compte.

Ainsi, on dénombre 215 annonces dont 75 ont été faites dans le Centre-du-Québec et en Mauricie, au début de février. En seulement 44 jours d'un exercice de marketing politique manifeste, le gouvernement Marois a donc fait des annonces pour 2 078 933 624 $.

Pour certains de ces investissements, le gouvernement a sorti l'artillerie lourde dans un souci de visibilité nationale. La première ministre y a été associée à plusieurs reprises. Il en va ainsi du projet de cimenterie en Gaspésie qui bénéficie d'un soutien de 350 millions, de la décision d'injecter 115 millions dans l'exploration pétrolière dans l'île d'Anticosti ainsi que de l'aide financière de 18,2 millions accordée à l'Institut de cardiologie de Montréal.

Livre blanc sur la jeunesse

D'autres événements publics qui apparaissent comme autant de munitions préélectorales ont permis de tenir certaines promesses. Le dévoilement du Livre blanc sur la jeunesse avec comme mesure phare l'instauration d'un «service civique» (10 millions) entre dans cette catégorie.

Certains ténors du gouvernement péquiste ont été appelés à présenter des dossiers qui étaient attendus depuis longtemps. Ainsi, le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, a annoncé, dans le cadre de la Stratégie nationale de mobilité durable, qu'il augmentait de près de 1 milliard les sommes destinées au maintien des actifs en transport collectif.

Dans le lot d'annonces, on retrouve également la confirmation de projets déjà en marche ou des décisions liées aux programmes courants qui étaient en ballottement. Pour cette manne, les élus sont devenus les porteurs de bonnes nouvelles sur le terrain plutôt que les diffuseurs des habituels communiqués de presse.

Des annonces ont été incluses dans la compilation bien qu'elles n'aient aucune incidence financière immédiate, car elles semblent préparer la voie au déclenchement imminent d'un scrutin. C'est notamment le cas pour l'engagement de Pauline Marois à déposer un livre blanc sur l'avenir du Québec si elle est réélue ainsi que pour la décision du ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, de confier au BAPE le mandat de tenir une consultation publique sur la filière du gaz de schiste.

Automne 2013

L'automne dernier, alors que des rumeurs fusaient de toutes parts selon lesquelles des élections pouvaient être déclenchées de façon hâtive, une première pluie de millions s'était abattue sur le Québec. En quelques semaines, le gouvernement avait multiplié les annonces et les ministres étaient aux quatre coins de la province pour distribuer les chèques et les poignées de main.

Dans cette foulée, le gouvernement a annoncé le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal sans toutefois estimer les coûts et l'échéancier. Un bureau de projet a toutefois été ouvert avec un budget de 38,8 millions. De l'aide financière a également été rendue publique en culture, dans le domaine de la formation professionnelle et sous forme de prêts aux entreprises. Puis le mouvement a été stoppé en même temps que la volte-face politique de la première ministre, avant de reprendre de plus belle en janvier dernier.

Frénésie en Mauricie

Une cascade de 75 engagements gouvernementaux s'est abattue sur le Centre-du-Québec et la Mauricie au début du mois de février. Cela coïncidait avec la tenue du caucus du Parti québécois, à Shawinigan, en prévision de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale. Le gouvernement a lui-même associé ces annonces à «une tournée exceptionnelle des membres du gouvernement du Parti québécois». Ainsi, en moins d'une semaine, le gouvernement a fait montre d'une grande frénésie dans une région où le PQ ne détient que trois des neuf circonscriptions.

L'engagement champion

Parmi toutes les annonces du gouvernement péquiste depuis janvier, celle concernant la Stratégie nationale de la mobilité durable remporte la palme par son ampleur financière. Ainsi, la mesure centrale de la Stratégie est le transfert de 958 millions des budgets de réfection routière vers les transports en commun, d'ici 2020. Quant aux nouvelles sources de financement qui seront nécessaires pour augmenter de 30% l'offre de transport en commun comme il le propose, le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, n'a donné aucune indication. La campagne électorale devrait apporter quelques réponses.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Le gouvernement Marois n'a rien inventé avec son sprint préélectoral qui fait déferler des millions en investissement sur le Québec. La méthode a été éprouvée par les libéraux également. Au printemps 2006, le gouvernement de Jean Charest jonglait avec l'idée d'appeler les citoyens aux urnes bien que les élections n'eurent lieu qu'en mars de l'année suivante. Entre mai et août 2006, les libéraux ont été très actifs dans la distribution de fonds publics. Les annonces d'investissements totalisaient alors plus de 3 milliards.

Avalanche opportuniste

Dans la foulée du premier épisode de rumeurs pour un déclenchement hâtif des élections, l'automne dernier, la Coalition avenir Québec a fait ses choux gras de l'«avalanche d'annonces électorales» du gouvernement du Parti québécois. Selon la CAQ, Pauline Marois et son équipe ont fait 276 annonces, entre le 19 août et le 20 novembre 2013, pour «un montant hallucinant» de 10 milliards de dollars. Parmi les annonces, notons le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. Le chef caquiste, François Legault, a dénoncé cette pratique associée à de l'«opportunisme politique».

Précarité financière

Avec la présentation du budget du gouvernement, jeudi dernier, la Fédération des chambres de commerce (FCCQ) a dit constater la précarité des finances publiques, ce qui est «incompatible avec les nombreuses promesses faites par le gouvernement au cours des derniers mois». Pour étayer son propos, la FCCQ a présenté une liste des stratégies gouvernementales annoncées et l'évaluation budgétaire qui y est associée. On y trouve, par exemple, la politique industrielle (2,1 milliards de 2013 à 2017), le réinvestissement dans les universités (1,7 milliard jusqu'en 2018-2019) et la politique nationale de la ruralité (470 millions entre 2014-2024).