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Déficit zéro en 2015-2016: Le vérificateur général doute que ce soit réaliste

Le vérificateur général doute que le déficit zéro en 2015-2016 soit réaliste
PC

QUÉBEC - Le gouvernement Marois porte des lunettes roses, en croyant pouvoir atteindre l'équilibre budgétaire en 2015-2016, dans le contexte actuel des finances publiques du Québec, selon le vérificateur général par intérim, Michel Samson.

Dans son analyse de la mise à jour économique de novembre dernier, rendue publique mercredi, M. Samson ne conclut pas que l'objectif fixé est impossible à atteindre, mais il le juge certainement «pour le moins ambitieux».

Il met en garde le gouvernement contre la tentation de fixer ses prévisions en s'appuyant sur des scénarios trop optimistes.

«Bien oui, nous sommes ambitieux!», a répliqué la première ministre Pauline Marois, lorsqu'elle a été interpellée à ce propos en Chambre par le chef de l'opposition officielle, Philippe Couillard.

Le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016 est un objectif si ambitieux qu'il pourrait se faire au prix d'une augmentation des tarifs gouvernementaux, notamment les tarifs d'électricité, et de nouvelles compressions majeures des dépenses, prévient M. Samson.

S'il veut atteindre ses objectifs, «il y a 1 milliard $ à trouver quelque part» pour boucler le budget 2014-2015. Partant de là, ne reste que deux possibilités: «on coupe les dépenses ou on augmente les tarifs», a commenté M. Samson, en conférence de presse.

En novembre dernier, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, se rendait à l'évidence qu'il ne pourrait pas atteindre tel que promis l'équilibre budgétaire cette année. Dans sa mise à jour économique et financière, il annonçait plutôt un déficit de 2,5 milliards $ pour l'année 2013-2014 et reportait de deux ans l'objectif du déficit zéro, soit en 2015-2016. Le déficit prévu en 2014-2015 était fixé à 1,7 milliard $.

Or, compte tenu de l'engagement pris de ne pas hausser les impôts et les taxes, le gouvernement devra inévitablement se serrer encore plus la ceinture s'il veut atteindre sa cible.

Et cela s'annonce fort difficile, quand on pense que Québec a fixé à seulement deux pour cent l'augmentation des dépenses gouvernementales, en 2014-2015 et 2015-2016, ce qui ne tient pas compte des besoins exprimés par les ministères, note le vérificateur. L'objectif fixé est en fait bien inférieur à la croissance moyenne observée au cours des dernières années. À lui seul, le ministère de la Santé voit croître ses dépenses annuelles d'environ cinq pour cent par année, sans qu'on ajoute un seul service.

«Il y a un virage majeur à faire» en matière de contrôle des dépenses et dans la façon de les comptabiliser, poursuit le vérificateur, conscient qu'il est dans la culture des gouvernements de repousser certaines dépenses à l'exercice suivant pour boucler leur budget de l'année courante. Il a cité en exemple le futur amphithéâtre de Québec, qui siphonnera 200 millions $ de fonds publics. L'annonce a été faite il y a longtemps, l'édifice est en construction, mais la dépense n'apparaît toujours pas dans les livres comptables.

Dans l'ensemble, M. Samson juge cependant que les prévisions financières du gouvernement sont «raisonnables», sauf en ce qui a trait aux objectifs de réduction de dépenses et d'échéance visée pour le retour à l'équilibre, des objectifs jugés «ambitieux».

Le vérificateur reproche aussi au gouvernement de ne pas avoir prévu explicitement un coussin financier, en cas de difficultés. Il lui demande de se donner une marge de prudence suffisante et qu'elle apparaisse clairement dans les documents.

Le rapport du vérificateur compte au total une dizaine de recommandations.

En novembre, le ministre Marceau disait qu'une importante baisse des revenus anticipés dans les coffres de l'État expliquait pourquoi il fallait reporter de deux ans le retour à l'équilibre budgétaire. Le ministre attribuait cette baisse au fait que les contribuables épargnaient trop et ne consommaient pas assez.

Le ministre Marceau déposera son budget 2014-2015 jeudi et il prévoit indiquer alors quels seront «les moyens que nous mettrons en place pour atteindre nos cibles», a-t-il dit en Chambre, mercredi.

«Je reconnais que le contexte dans lequel nous nous trouvons est exigeant. Pour arriver à contrôler les dépenses, il faut faire un effort de tous les instants», a commenté plus tard le ministre en point de presse, en insistant sur le fait que son cadre financier était «crédible, solide et réaliste» et que le vérificateur général n'y avait trouvé «aucune erreur».

Il a ajouté que son gouvernement ne manquait pas de volonté politique pour assurer un contrôle serré de ses dépenses.

Mais selon le chef de l'opposition officielle, Philippe Couillard, la situation financière du Québec serait encore plus précaire qu'il n'y paraît, du fait que, d'après les calculs du vérificateur, le déficit de 2012-2013 a été sous-évalué de 626 millions $. C'est ce qui lui fait dire que le déficit réel atteindrait cette année au moins 3 milliards $.

Il a déploré ne pas avoir en mains «tous les chiffres» pour bien évaluer la situation, soupçonnant «une sous-estimation probable» des dépenses gouvernementales qui n'augure rien de bon en termes de compressions à venir.

La Coalition avenir Québec (CAQ) partage la conclusion de M. Couillard, selon laquelle le gouvernement aurait perdu le contrôle de ses dépenses. Le chef de la CAQ, François Legault, estime que le Québec vit au-dessus de ses moyens. Il a retenu du rapport que le ministre Marceau avait «oublié d'inscrire 1 milliard $ de dépenses» dans ses projections budgétaires de 2014-2015, la preuve que «les finances publiques du Québec s'en vont dans le mur», selon lui.

La porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, partage ce point de vue, estimant que le rapport du vérificateur «confirme les pires craintes» qu'elle pouvait entretenir. Les Québécois doivent s'attendre prochainement à des compressions de l'ordre de «1,4 milliard $ dans les dépenses de l'État. Les budgets de la Santé et de l'Éducation vont être durement touchés», prédit-elle. Dans l'ensemble, il est certain que la qualité et la quantité des services offerts à la population vont donc diminuer, selon la députée.

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