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Caricatures du prophète: un Tunisien emprisonné gracié mais sa libération reste incertaine

Caricatures du prophète: un Tunisien emprisonné gracié mais sa libération reste incertaine

La présidence tunisienne a annoncé mercredi la grâce d'un jeune emprisonné depuis 2012 pour la diffusion de dessins jugés blasphématoires, mais la libération de celui que des ONG considèrent comme le premier prisonnier d'opinion de l'ère postrévolutionnaire est incertaine.

"Je peux dire maintenant, et c'est une déclaration officielle, qu'un décret présidentiel de grâce pour Jabeur Mejri a été émis pour l'affaire dans laquelle il a été condamné à près de 8 ans" de prison, a annoncé mercredi le porte-parole de la présidence, Adnene Manser, sur la radio privée Shems FM.

La libération du jeune homme de 29 ans n'est pas pour autant acquise. M. Mejri serait en effet en détention préventive dans le cadre d'une nouvelle affaire, ce qui bloque sa sortie de prison, la grâce présidentielle n'étant possible qu'en cas de condamnation définitive.

"En avril, nous avons écrit au ministère de la Justice (...), qui nous a informés que la seule affaire dans laquelle Jabeur Mejri était accusé était cette affaire, celle des caricatures insultantes", a dit M. Manser.

Or "nous avons été surpris (d'apprendre) ces derniers jours qu'il y a une autre affaire, un autre mandat de dépôt dans une affaire de droit commun, je crois, une accusation de mauvaise gestion de fonds", a-t-il poursuivi.

Le président du bureau de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) en Tunisie, Mokhtar Trifi, qui suit le dossier depuis la condamnation du jeune homme, a dit son étonnement.

"On n'a absolument aucune connaissance de l'existence d'une autre affaire. Nous sommes sur l'affaire pour laquelle il a été emprisonné à Mahdia (sa ville natale, ndlr) et il n'a jamais été question d'autre chose", a-t-déclaré à l'AFP.

Le comité de soutien au jeune homme a de son côté indiqué avoir pris connaissance des propos de M. Manser, mais ne pas pouvoir "confirmer ou infirmer, pour le moment, ce nouveau rebondissement dans le dossier de Jabeur Mejri".

"Aucune épreuve ne sera décidément épargnée (au jeune homme) sur le chemin de sa liberté", a dit le comité dans un communiqué.

Jeune chômeur de Mahdia (150 km au sud de Tunis), Jabeur Mejri purge depuis mars 2012 une peine de sept ans et demi de prison pour avoir diffusé sur internet des textes et dessins considérés comme insultants pour l'islam.

Le code pénal ne réprimant pas le blasphème, il a été condamné notamment pour trouble à l'ordre public.

Son ami Ghazi Beji, condamné à la même peine pour ces faits, a fui la Tunisie et a obtenu l'asile en France au terme d'un long périple à travers le Maghreb et l'Europe.

M. Manser a également affirmé mercredi que Jabeur Mejri s'était excusé.

"Le 14 octobre, Jabeur Mejri a écrit une lettre de sa propre main (...), disant +je présente mes excuses au peuple tunisien et aux autres peuples musulmans pour les écrits et caricatures insultant le prophète et la religion musulmane", a dit le porte-parole de la présidence.

M. Manser a ajouté que le président de la République avait récemment soumis l'affaire Jabeur Mejri à des cheikhs, qui ont répondu selon lui: "S'il s'est repenti devant Dieu, alors Dieu le jugera".

Le président Marzouki a à plusieurs reprises affirmé vouloir libérer Jabeur mais ne pas pouvoir le faire tant que la Tunisie était confrontée à l'essor de groupes jihadistes.

"Il y a des tensions énormes, il y a ce combat contre le terrorisme, je ne veux pas que cette libération puisse soulever des débats. Mais je vais le libérer, je cherche simplement la bonne fenêtre de lancement à la fois pour sa sécurité et la sécurité du pays", avait-il affirmé en novembre à Paris.

Plusieurs ONG et militants des droits de l'Homme se sont mobilisés pour le cas de Jabeur Mejri. Human Rights Watch (HRW) a encore appelé début février le président à "saisir l'occasion" de l'adoption de la nouvelle Constitution tunisienne pour le gracier, car "sa condamnation semble en contradiction avec les droits inscrits" dans la Loi fondamentale.

Pour Amnesty International, M. Mejri est le premier prisonnier d'opinion en Tunisie depuis la révolution de janvier 2011 qui chassa le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.

alf-iba/hj

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