Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Commission Charbonneau: entente mystérieuse entre la FIPOE et des poids lourds de l'International

Commission Charbonneau: entente mystérieuse entre la FIPOE et des poids lourds de l'International
Radio-Canada

Le nouveau président de l'International Daniel Gagné a affirmé à la commission Charbonneau avoir été mis au fait, en mars, d'ententes verbales entre le syndicat des électriciens de la FTQ-Construction et des poids lourds de l'International qui réservaient le secteur industriel à la FIPOE, affiliée à la FTQ.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

M. Gagné dit avoir été confronté à cette réalité alors qu'il agissait comme observateur, en tant que directeur général adjoint de l'International, lors d'une réunion, le 29 mars 2010, entre des représentants du local 568 des électriciens de l'International et de la FIPOE.

Le local 568 - qui représentait alors 8 % ou 9 % des électriciens au Québec, contre 85 % pour la FIPOE - avait à l'époque déposé une plainte devant la Commission de la construction du Québec (CCQ) contre la compagnie Ondel qui, selon lui, faisait de la discrimination à son encontre sur le chantier d'Ultramar à Québec en refusant d'embaucher de ses membres.

C'est lors de cette rencontre qu'Arnold Guérin, alors directeur général de la FIPOE - et futur président de la FTQ-Construction - exige le retrait de la plainte sous prétexte qu'il a des ententes verbales avec Gérard Cyr, alors gérant d'affaire du puissant local 144, et Donald Fortin, directeur général de l'International et auparavant lié au 711 (métiers de l'acier).

« Occupe-toi pas de l'industriel (...) laisse-moi l'industriel et occupe-toi du commercial et de l'institutionnel, tu verras que tu n'auras pas de problèmes », leur lance M. Guérin, qui évoquera plusieurs fois lors de la rencontre, sans plus de détails, l'existence de ces ententes verbales.

À son retour de la réunion, M. Gagné n'a pas le choix d'en parler à Donald Fortin, son supérieur, qui lui dit : « occupe-toi pas de ça, je m'occupe de ça ». M. Fortin ne lui a jamais reparlé de cette affaire.

La commission a déposé en preuve le procès verbal de la rencontre du 29 mars 2010, rédigé par M. Gagné lui-même.

M" Gagné a admis en contre-interrogatoire que la plainte à la CCQ a finalement été jugée « non fondée », bien que l'enquêteur de la commission leur ait pourtant assuré que la plainte était en« béton ».

Discrimination à Thetford Mines

Daniel Gagné soutient qu'il a repensé à cette histoire d'ententes secrètes lorsqu'il a été confronté à un autre problème de discrimination syndicale sur un chantier d'éoliennes à Thetford Mines, au printemps 2013.

La compagnie en question cherchait alors à embaucher 60 électriciens et le local 568 espérait que 6 de ses membres soient choisis. Cette proportion respectait la représentativité du local parmi les électriciens québécois.

M. Gagné dit qu'un représentant de la compagnie lui a finalement appris qu'il avait reçu « ordre » de sa direction de ne pas embaucher d'électriciens du CPQMC-I. L'entreprise n'embauchait que des gens de la FIPOE. Il confrontera par la suite, en vain, la directrice de l'entreprise à son siège social, qui lui confirme qu'elle ne veut rien savoir de l'International.

Il dit en avoir parlé plusieurs fois à son patron Donald Fortin, mais soutient que c'est Gérard Cyr, président de l'International depuis 2011 - et surnommé par certains le « parrain »...-, qui lui est revenu en lui disant : « tu t'éloignes des éoliennes ».

Offusqué, M. Gagné lui fait savoir qu'il n'entend pas lui obéir. C'est alors qu'il repense aux ententes secrètes évoquées trois ans plus tôt et en saisit l'ampleur.

Cette affaire, dit-il, a été à l'origine de sa réflexion sur la nécessaire transparence dont devrait faire preuve le syndicat et qui culminera avec sa décision de se présenter à la présidence contre M. Cyr.

Quelques mois plus tard, en novembre, il lui succédait comme président du CPQMC-I. Quand à Donald Fortin, il se désistait après avoir annoncé son intention de demander un nouveau mandat comme directeur général.

Jamais une « problématique » semblable d'entente secrète n'a sinon été constatée avec d'autres locaux de l'International, soutient M. Gagné.

La campagne à la présidence de Gagné sonne le glas de Cyr et Fortin

Plus tôt en journée, le nouveau président du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (CPQMC-International) avait admis à demi-mot que sa centrale syndicale a eu des « problèmes » avec ses anciens dirigeants, Donald Fortin et Gérard Cyr.

Daniel Gagné avait cependant démenti que le congrès du 8 novembre 2013 du CPQMC-I, au terme duquel il a pris ses fonctions, a constitué un « point tournant » pour la centrale syndicale, la deuxième en importance au Québec dans le domaine de la construction, après la FTQ-Construction.

« Quand on parle du CPQMC-I, on parle des 28 sections locales qui marchent dans le droit chemin », a rétorqué M. Gagné à cette question du procureur Paul Crépeau. Mais, a-t-il ajouté du même souffle : « On avait peut-être un problème avec nos deux dirigeants ».

La semaine dernière, le PDG de Ganotec Serge Larouche a accusé Gérard Cyr d'avoir extorqué 1,2 million de dollars à l'entreprise Ganotec entre 2000 et 2006, alors qu'il était gérant d'affaires du local 144 (tuyauteurs). Le CPQMC-I a annoncé lundi l'ouverture d'une enquête à ce sujet.

Daniel Gagné avait précédemment expliqué à la commission qu'il avait été ovationné lorsqu'il avait annoncé qu'il briguait le poste de président de la centrale lors d'une assemblée mensuelle de ses gérants d'affaires et représentants syndicaux. « Tout le monde s'est levé dans la salle. J'ai été applaudi ».

Donald Fortin, alors son patron, avait eu moins de succès en annonçant tout de suite après lui qu'il voulait obtenir un autre mandat comme directeur général. « On s'est aperçu qu'il n'y avait pas de mouche dans la salle parce qu'on entendait rien », a laissé tomber M. Gagné.

Finalement, Donald Fortin a écrit aux 28 sections locales pour annoncer qu'il renonçait à demander un nouveau mandat. Paul Faulkner, qui briguait aussi le poste de directeur général, a été élu sans opposition lors du congrès du CPQMC-I du 8 novembre dernier, à l'instar de M. Gagné.

Selon le témoin, Gérard Cyr n'a pour sa part annoncé sa décision qu'à la dernière minute. « Officiellement, il n'avait pas annoncé qu'il se retirait ou qu'il démissionnait ou qu'il se représentait. Quinze minutes avant l'élection, il a pris le micro en disant : je vous annonce que je ne me représente pas », a-t-il relaté.

M. Gagné a soutenu que le message qu'il avait voulu lancer aux délégués du CPQMC-I en faisant équipe avec M. Faulkner était clair.

Interrogé sur cette volonté de transparence, M. Gagné a dit que les états financiers du CPQMC-I pouvaient maintenant être facilement consultés. « N'importe qui peut les demander, il peut les avoir en 10 minutes », a-t-il fait valoir.

Il a précisé par ailleurs que les états financiers des 28 locaux du CPMQC-I peuvent être obtenus par les membres qui en font la demande. Le public n'a pas le même accès cependant.

Gagné égratigné en contre-interrogatoire

Le discours sur l'intégrité du CPQMC-I présenté par M. Gagné au début de son témoignage a été quelque peu égratigné lors des contre-interrogatoires.

Interrogé par l'avocat de sa centrale, Me André Dumais, M. Gagné a reconnu qu'il n'avait, à l'époque, pas fait plus pour aider le local 568 que de rapporter la situation à Donald Fortin. Jamais il n'a ainsi abordé leurs problèmes lors de la rencontre du bureau des gérants d'affaires du CPQMC-I.

« On n'a pas sollicité d'aide de ma part. Le local 568 ne m'a pas demandé de relancer ça », a plaidé le président du CPQMC-I.

France Charbonneau a estimé que ces propos n'étaient « pas vraiment rassurants » quant au potentiel de changement au sein de la centrale. « Si personne ne fait rien, en bout de ligne, ça va rester pareil! » a-t-elle lancé. « Effectivement », a convenu M. Gagné.

Contre-interrogé par l'avocat représentant la FTQ-Construction, principal rival du CPQMC-I, M. Gagné a ensuite soutenu qu'il n'avait entendu parler de discrimination syndicale de la part de syndicats affiliés au CPQMC-I qu'à une ou deux reprises, sans plus. Il a précisé que dans ses cas, il n'avait de toute façon aucun pouvoir, les locaux étant autonomes.

Lorsque Me Robert Laurin lui a rappelé que Ken Pereira a longuement parlé de la discrimination dont auraient été victimes le local 1981 (mécaniciens industriels, FTQ-Construction) de la part du local 2182 (mécaniciens industriels, CPQMC-I), il a répondu : « Les allégations de M. Pereira, je retiens mon souffle là-dessus ».

Le contre-interrogatoire de Me Laurin a été interrompu de façon abrupte en fin de journée, après qu'il eut avancé qu'Ondel avait déposé une plainte pour intimidation et menaces contre le local 568 et qu'il en avait remis une copie à la commission.

Le procureur Paul Crépeau a rétorqué qu'il s'agissait plutôt d'une plainte pour atteinte à la réputation, d'ailleurs été jugée non-fondée par la CCQ. Il a soutenu du même souffle que la CCQ juge « anormal » que la FTQ-Construction dispose d'une copie de cette plainte.

Refusant d'approfondir cette histoire, France Charbonneau a mis un terme à la séance. Le contre-interrogatoire de Me Laurin se poursuivra donc demain.

Monteur d'acier de formation, Daniel Gagné est issu du local 711 du CPQMC-I, dont il a déjà été le gérant d'affaires.

INOLTRE SU HUFFPOST

Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.