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Commission Charbonneau: Hydro-Québec dédommage Bauer pour les millions perdus aux mains des syndicats

Commission Charbonneau: Hydro-Québec dédommage Bauer
Capture d'écran

Le chantier d'Hydro-Québec à Péribonka a été un véritable calvaire pour l'allemande Bauer, confrontée aux multiples doléances des syndicats hostiles à la présence de travailleurs étrangers, a-t-on appris devant la commission Charbonneau. Cette situation a entraîné des coûts supplémentaires de plus de 4 millions de dollars pour l'entreprise, qui a finalement été indemnisée par la société d'État.

Un texte de Bernard Leduc

Bauer, qui était maître d'oeuvre du chantier de la centrale, a dû céder devant un certain chantage syndical en embauchant, sans que cela soit nécessaire, de nombreux travailleurs québécois supplémentaires, dans le seul but d'atténuer les pressions faites sur ses propres travailleurs, a soutenu celui qui était alors directeur de projet pour la compagnie, entre 2005 et 2007.

« En principe, tout le monde a travaillé, mais est-ce que l'ouvrage aurait pu se faire à moindres personnes [sic]? la réponse est également oui », a convenu Jacques Sainte-Marie, expliquant que les tâches sur le chantier avaient été « subdivisées pour essayer d'accommoder le plus de travailleurs possible ».

Ainsi, nombreux étaient ceux qui avaient peu de choses à faire durant leur journée de travail, une situation dont Hydro-Québec n'ignorait rien puisqu'elle dédommagera finalement Bauer pour ces surcoûts.

Le montant du dédommagement n'a cependant pas été précisé devant la commission, M. Sainte-Marie n'ayant pas été mêlé aux négociations entre Bauer et Hydro-Québec.

Échange entre Me Cainnech Lussiaà-Berdou et Jacques Saint-Marie :

C. L.-B. : « Essentiellement, un certain nombre de personnes passaient une grande partie de leur journée à faire peu de tâches, malgré qu'ils percevaient un salaire pour l'ensemble de cette journée-là? »

J. S.-M. : « C'est exact. »

Selon un des documents émanant de Bauer et déposé devant la commission, les coûts résultant des problèmes de relation de travail sur le chantier ont entraîné des surcoûts de 4 198 840 $.

L'information est contenue dans un mémoire de Bauer, destiné à Hydro-Québec, mais qui n'a pas été envoyé, une entente forfaitaire étant intervenue en 2008, avant son dépôt.

Les documents présentés devant la commission, outre le descriptif des coûts, contiennent une énumération des exigences présentées par les syndicats et les raisons ayant contraint Bauer à s'y plier.

L'expertise incontournable de Bauer

M. Sainte-Marie a expliqué que l'entreprise avait été sélectionnée par appel d'offres pour son expertise quasi unique en vue de créer des parois étanches sous les fondations du barrage de Péribonka.

Selon lui, seules quelques compagnies dans le monde, dont Bauer, savent faire ce genre de travail, qui exige une machinerie particulière et des travailleurs qualifiés.

L'entreprise avait d'ailleurs embauché les « quatre meilleurs opérateurs » de haveuses au monde pour ce chantier. Au total, l'équipe de Bauer était constituée d'une quinzaine de travailleurs d'une douzaine de pays, en plus du personnel de bureau.

Cabale contre les travailleurs expatriés

L'entreprise allemande a rapidement été confrontée à la résistance des syndicats. Selon M. Sainte-Marie, les doléances des délégués syndicaux étaient constantes, surtout sur le partage des tâches, avec, en arrière-plan, la volonté de « faire sortir les étrangers du chantier ». Or, Bauer ne pouvait se passer de leur expertise : « C'était impossible! » a résumé le témoin.

« Une bonne cabale s'est faite autour des étrangers qui venaient enlever des jobs à des Québécois. » — Jacques Sainte-Marie

Bauer, a-t-il continué, faisait face à « des pressions de toute nature » des syndicats - comme des arrêts de travail, des menaces de ne pas faire d'heures supplémentaires, de l'intimidation - afin d'obtenir « dans 50 % des cas, de doubler ou de tripler la main d'œuvre » sans que ce soit, selon lui, nécessaire.

Échange entre Me Cainnech Lussiaà-Berdou et Jacques Sainte-Marie :

C. L.-B. : « Quand on double, c'est donc qu'il y en a un logiquement qui sert à rien? »

J. S.-M. : « Ben, qui sert à rien ou qui tourne autour ou qui fait de petits gestes : on divise la tâche en deux, en trois ou en quatre. »

L'entreprise a donc été contrainte « de façon presque continuelle d'ajouter du monde supplémentaire » sur le chantier, comme des manoeuvres, des mécaniciens et des grutiers, pour satisfaire aux demandes tant de la CSN que de la FTQ-Construction.

Cela se traduira notamment par l'embauche, pour les haveuses, de grutiers supplémentaires issus du 791-G de la FTQ-Construction qui, selon les témoignages recueillis par l'enquêteur Michel Comeau et présentés la semaine dernière, auraient été payés à ne rien faire.

M. Sainte-Marie a cependant refusé de condamner la pratique. Il reconnaît avoir dû accepter d'ajouter à chaque opérateur de haveuse, non pas un, mais deux grutiers québécois, et admet que ces derniers n'ont jamais opéré ces machines. Mais il fait valoir qu'ils s'occupaient de leur entretien, bien que cette tâche, ponctuelle, leur laissait beaucoup de temps libre.

« Nous étions vulnérables parce qu'il fallait respecter l'échéancier, parce qu'il ne fallait pas que les expatriés s'en aillent. » — Jacques Sainte-Marie

Le 28 octobre 2005, exaspéré, M. Sainte-Marie lançait alors un appel à l'aide à Hydro-Québec. Dans une lettre, il déplorait que malgré les concessions faites aux syndicats, Bauer et ses travailleurs soient encore intimidés, voire menacés. Il craint surtout que, la situation perdurant, les travailleurs étrangers, excédés, décident de s'en aller.

Bien que Bauer n'en avait aucunement l'obligation [...] nous avons accepté de créer des postes, qui n'étaient ni nécessaires ni justifiés, pour des travailleurs québécois en les jumelant à nos spécialistes étrangers, leur rôle se limitant à regarder ce que font ces spécialistes. - Extrait de la lettre

La société d'État a alors décidé de tenir avec Bauer et les syndicats des réunions bihebdomadaires pour entendre leurs doléances, une situation plutôt exceptionnelle, a convenu M. Sainte-Marie.

Par l'entremise de ces rencontres, a-t-il expliqué, Hydro-Québec était ainsi bien au courant des exigences syndicales. « Toutes ces discussions, à 80 % ou 90 %, se faisaient dans le cadre de réunions entre Hydro-Québec, le syndicat et Bauer », a expliqué M. Sainte-Marie, qui convient qu'au final, ils ont plié aux demandes syndicales afin de maintenir la paix sur le chantier.

Sainte-Marie refuse de blâmer tous les travailleurs

M. Sainte-Marie a précisé davantage sa pensée sur ces difficiles relations de travail en avançant qu'à son avis, les problèmes venaient de « souches malveillantes » : selon lui, les travailleurs suivaient les consignes des locaux syndicaux afin de ne pas gâcher leurs chances de travailler sur de futurs chantiers.

« D'après moi, les problèmes étaient soulevés par certaines personnes, notamment par les délégués syndicaux, beaucoup plus que par la masse des travailleurs. » — Jacques Sainte-Marie

M. Sainte-Marie est maintenant consultant pour Hydro-Québec pour La Romaine, un chantier majeur sur la Côte-Nord.

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Tony Accurso

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