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Ottawa s'intéresse aux bitcoins

Ottawa s'intéresse aux bitcoins

La mesure est plutôt discrète, mais elle se trouve bel et bien dans le document présentant le budget fédéral de 2014. Le gouvernement va « prendre des mesures réglementaires visant les monnaies virtuelles et le financement des activités terroristes et de blanchiment d'argent tirées des activités frauduleuses ». Sans la nommer expressément, la cryptomonnaie bitcoin est probablement celle qui est la plus visée.

Un texte de Frédéric Arnould

Ottawa reconnaît ainsi que la monnaie numérique gagne en popularité et en usage. Par conséquent, les risques « émergents » du bitcoin doivent être pris en considération. Toujours selon le gouvernement, les probabilités que le bitcoin devienne un jour monnaie légale sont très faibles parce qu'il est surtout utilisé pour des transactions illicites et le commerce de la drogue dans certaines parties de la planète.

N'empêche, Ottawa lancera des consultations publiques afin d'établir une structure détaillée afin de surveiller ce système de paiement au Canada.

Une des pistes envisagées serait d'obliger les gestionnaires de machines distributrices de bitcoins à soumettre un rapport des transactions effectuées par les utilisateurs. Il faut dire que lentement mais sûrement, les guichets automatiques s'installent. En octobre dernier, Vancouver devenait la première ville à accueillir le tout premier guichet de bitcoins. En un mois, les gestionnaires du guichet auraient enregistré des transactions pour plus de 1 million de dollars. Montréal succombait tout récemment à la tentation avec l'installation d'un premier guichet sur le boulevard Saint-Laurent.

Des poursuites

La promesse canadienne de régulation fait écho en tout cas à un rapport de l'Institut de la finance internationale, qui a déclaré le mois dernier que l'absence de régulation adéquate du bitcoin augmentait « les risques de vols et d'utilisation frauduleuse dans le financement du terrorisme ou le trafic de drogue ».Une attaque à peine voilée contre certains sites web tels que Silk Road, un marché noir sur Internet qui assurait l'anonymat à la fois des acheteurs et des vendeurs, dans le cadre de vente de produits illicites tels que des stupéfiants. Le commerce illégal était rendu possible grâce à des échanges de bitcoins.

Pas plus tard que ce mercredi, c'était au tour du site Utopia, dont les serveurs étaient basés en Allemagne, de se retrouver au centre d'une traque de la part des autorités néerlandaises. Le site était similaire à celui de Silk Road et on pouvait y acheter drogues et armes en toute confidentialité sur Internet à l'aide de la plateforme Tor.

Cinq personnes ont été arrêtées en possession de 900 bitcoins (ce qui équivaut environ à 596 000 $) ainsi que de la cocaïne, de l'ecstasy et des amphétamines. Enfin, un Québécois a été arrêté la semaine dernière en Floride et accusé de blanchiment d'argent. Il avait en sa possession un portefeuille électronique contenant 316 000 $ en bitcoins. Il s'agirait de la première poursuite de l'état impliquant l'usage de la cryptomonnaie dans le cadre d'opérations de blanchiment d'argent.

Et ailleurs dans le monde?

Le Canada est donc le dernier pays à entrer dans la danse de ceux qui veulent mieux surveiller le phénomène et peut-être même l'encadrer. La Chine a interdit aux institutions financières de toucher aux monnaies virtuelles, ce qui a poussé notamment le populaire site commercial Baidu de cesser d'accepter les bitcoins.

Il y a quelques jours, la Russie emboîtait le pas en annonçant qu'elle partait en guerre contre ceux qui utilisent ces cryptomonnaies. Une promesse d'action légale alors que la Russie est devenue le deuxième pays, après les États-Unis, où le téléchargement du logiciel pour accéder au bitcoin est le plus important.

La France, l'Italie et le Royaume-Uni ne planifient pas pour l'instant de réguler les transactions de bitcoins, même si les critiques et avertissements contre les cryptomonnaies commencent à pleuvoir.

L'Allemagne, elle, voit le bitcoin comme un instrument financier semblable à une monnaie internationale qui peut être utilisée dans des transactions privées ou échangées contre d'autres monnaies. Sans grande surprise, le Japon, pays d'origine du bitcoin, n'a pris aucune décision quant à l'encadrement de la monnaie. Le fait que le pays du soleil levant abrite Mt.Gox, l'une plus importantes des bourses d'échanges de bitcoins, y est peut-être pour quelque chose.

Pas légal, mais taxable

Si le Canada ne reconnaît pas le bitcoin comme une monnaie légale, l'Agence canadienne du revenu n'hésite pas cependant à le qualifier de monnaie numérique et par conséquent, il est sujet à des taxes. The Last Door Recovery Society, un centre de traitement des dépendances de New Westminster, en banlieue de Vancouver, est le premier organisme de bienfaisance de la Colombie-Britannique à accepter les bitcoins comme monnaie de paiement.

Après vérifications auprès de l'agence du Revenu, la société de bienfaisance a constaté que le bitcoin n'avait aucune valeur s'il n'est pas converti en monnaie canadienne. Ainsi The Last Door recovery Centre a décidé que si un donateur souhaitait avoir un reçu aux fins d'impôt, l'organisme encaissera la valeur du don en bitcoin en dollar canadien.

Avenir du bitcoin au Canada

Vouloir mieux encadrer le phénomène bitcoin relève-t-il d'une volonté d'Ottawa d'étouffer dans l'uf une monnaie virtuelle ou de la reconnaissance de la crédibilité croissante de celui-ci? Difficile à dire, mais le spéculatif bitcoin semble provoquer de plus en plus de débats au sujet de sa place dans le quotidien monétaire. Une place qui reste marginale, pour l'instant, face aux gigantesques marchés conventionnels.

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