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Canal interocéanique au Nicaragua : chimère ou réalité ?

Canal interocéanique au Nicaragua : chimère ou réalité ?

Les plans visant à creuser un nouveau canal interocéanique en Amérique centrale, à travers le Nicaragua, tendent à s'accélérer alors que celui du Panama est en crise, mais le pays oscille entre optimisme et scepticisme concernant la viabilité de ce projet pharaonique à capitaux chinois.

Pour certains analystes, cette initiative estimée à 40 milliards de dollars (environ quatre fois le PIB annuel du pays, selon la Banque mondiale) est la réponse à tous les maux du Nicaragua, l'un des pays les plus pauvres de la région.

Pour d'autres, il s'agit au mieux d'une chimère, au pire d'une catastrophe écologique.

Le président Daniel Ortega, et le patron de l'entreprise chinoise basée à Hong Kong HKND, Wang Jing, à qui le gouvernement a accordé la concession pour la construction et la gestion de la voie pour un siècle, ont récemment affirmé que les travaux débuteraient fin 2014, coïncidant avec le centenaire du Canal de Panama.

Sous le sceau d'un hermétisme total, des études de faisabilité seraient actuellement réalisées : des experts locaux et étrangers effectueraient depuis fin 2013 des survols de la zone où pourrait passer ce canal, alors que d'autres mèneraient sur le terrain des études sur la biodiversité et des relevés topographiques.

Ses promoteurs assurent qu'il s'agit d'un projet de plus grande envergure que le Canal de Panama, avec lequel il serait plus complémentaire que concurrent.

Le géologue William Martinez écarte l'idée qu'il y ait "la moindre relation" entre l'initiative du Nicaragua et les problèmes actuellement observés sur le chantier d'élargissement du Canal du Panama, paralysé en raison d'un conflit financier entre le consortium en charge des travaux et le gestionnaire du canal.

"Au Panama, passe 5% du commerce (maritime) mondial et ce flux ne se réduira pas en raison du retard dans les travaux (d'agrandissement). Ce qui sera affecté, c'est la captation des navires de gros tonnage" (jusqu'à 12.000 conteneurs), ajoute M. Martinez.

"Nous ne voulons pas devenir la risée du monde et nous ne voulons pas devenir un exemple d'échec d'investissements chinois", a affirmé de son côté Wang Jing en gage de bonne foi, alors que le gigantisme de l'initiative génère attentes et inquiétudes.

Les prévisions officielles estiment que ce canal - un projet vieux de plus d'un siècle - génèrerait une croissance économique annuelle de plus de 10% et la création d'un million d'emplois, dans un pays de six millions d'habitants, dont plus de 40% sous le seuil de pauvreté local (Banque mondiale) et 53% en sous-emploi.

Mais l'impact économique va plus loin encore, soutient le représentant de la société civile à la Commission du Grand canal (nom officiel du projet) Kamilo Lara, en bénéficiant à toute l'Amérique centrale et au monde entier "grâce à tout le temps gagné pour le commerce mondial".

Le projet nicaraguayen prévoit des ports en eaux profondes, un aéroport, un oléoduc, un chemin de fer et la création de zones franches, pour un temps de construction estimé de six à 10 ans.

Mais l'enthousiasme des autorités contraste avec les réserves des défenseurs de l'environnement et d'autres secteurs de la société civile comme d'experts internationaux.

A Londres, Ralph Leszczynski, directeur de la recherche pour le courtier maritime Banchero Costa, est formel : "Il n'y a absolument aucune justification économique pour un nouveau canal".

"Aucun des (plus importants) échanges commerciaux (actuels) ne nécessite de traverser" l'Amérique centrale, affirme-t-il.

Par ailleurs, aucun tracé, parmi les six possibles, n'a pour l'heure été confirmé. Celui considéré comme le plus probable par les spécialistes suppose un parcours de 286 km entre la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique, via le lac Cocibolca, principale source d'eau douce du pays de 8.600 km2.

"Une petite fuite d'hydrocarbures, un séisme ou les vents forts soufflant sur cette zone pourraient provoquer une catastrophe écologique qui mettrait à tout jamais en péril le consommation humaine de (l'eau) du lac", avertit le biologiste Salvador Montenegro, directeur du Centre pour le recherche sur les ressources aquatiques de l'Université du Nicaragua.

En outre, "tout se fait de manière accélérée et silencieuse. Il y un grand écran de fumée" autour du projet, critique auprès de l'AFP Ana Quiros, dirigeante de l'une des principales organisations sociales du pays.

Les doutes s'accumulent enfin sur l'investisseur chinois. "Il n'a aucune référence laissant penser qu'il s'agit d'un investisseur et d'un entrepreneur expérimenté. Il bénéficie d'une concession pour ouvrir un réseau téléphonique et n'a pas posé une seule ligne dans tout le pays", rappelle Mme Quiros.

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