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A Zavidovici, l'entreprise Krivaja coule et plonge la ville dans le désespoir

A Zavidovici, l'entreprise Krivaja coule et plonge la ville dans le désespoir

Les larmes aux yeux, Amira, au chômage depuis un an, peste contre la direction du complexe Krivaja, ancien géant économique de l'ex-Yougoslavie communiste, qui se meurt lentement poussant la ville de Zavidovici, en Bosnie centrale, vers le chômage et le désespoir.

Krivaja produisait des meubles et des maisons en bois et était également active dans la construction de routes et dans le bâtiment. L'entreprise employait au plus fort de sa gloire 16.000 ouvriers. La petite ville de Zavidovici compte aujourd'hui 14.000 habitants dont plus de la moitié sont au chômage.

Zavidovici est un exemple emblématique de la flambée de mécontentement populaire qui déferle sur la Bosnie depuis une semaine et où le complexe industriel de Krivaja dont dépend la survie de l'agglomération est en dépôt de bilan depuis 2010 après trois tentatives échouées de privatisation.

"J'ai refusé de participer à une manipulation de documents sur les comptes de l'entreprise et la direction m'a tout simplement jeté à la la rue sans aucune base juridique", assure Amira.

Son cas illustre la toute puissance de l'élite de la Bosnie après le conflit inter-communautaire (1992-95) qui a fini par provoquer une vague de mécontentement populaire contre la pauvreté et la corruption.

Dans ce pays de 3,8 millions d'habitants, le chômage frappe 44% de la population active.

"Je me suis adressée sans succès à la justice, le parquet et les juges sont tout aussi corrompus que le pouvoir et je me suis retrouvé au chômage", soupire Amira, 48 ans, mère de deux enfants.

Cette femme longiligne, les cheveux bruns en queue-de-cheval, au regard grave participe activement aux manifestations dans l'espoir d'un changement.

"Ceux qui travaillent encore à Krivaja (NDLR: 800 selon les chiffres officiels) reçoivent 160 euros par mois alors que les directeurs sont payés jusqu'à 4.000 euros. C'est absurde", s'exclame-t-elle.

Dans les rues de Zavidovici, bourgade qui s'est édifiée au fur et à mesure que se développait l'usine et dont les immeubles de style austère socialiste portent la grisaille du temps sur leurs murs, les gens sont sombres et inquiets.

"Vous ne verrez plus personne sourire ici", dit Sabahudin, un militant qui participe à la contestation et qui ne souhaite pas dévoiler son nom de famille.

"Il faut que ce pouvoir corrompu parte, c'est eux ou nous", s'emporte d'un ton ferme cet homme fort aux yeux bleus vifs.

"L'usine de Krivaja a été dépouillée de ses avoirs, les ouvriers partis à la retraite n'ont jamais été remplacés, c'est une catastrophe", s'époumone-t-il.

Les responsables de l'usine n'ont pas voulu s'exprimer devant la presse.

"Ils sont déconnectés de la réalité et pensent pouvoir nous réduire au silence, mais nous n'avons plus peur, nous voulons simplement travailler et gagner honnêtement notre vie", lâche Semsudin Gradinovic, un ancien combattant de la guerre de Bosnie, au chômage depuis la fin du conflit.

"Krivaja avait vingt représentations dans le monde, exportait vers tous les continents et aujourd'hui est presque une ruine", ajoute cet homme d'une quarantaine d'années.

Dans le centre de Zavidovici, quatre hommes, Suad, Ferid, Mirzet et Nedzad bavardent non loin du bâtiment de la maire, dont les vitres ont été brisées lors d'une violente manifestation vendredi.

Ils sont tous au chômage depuis 2009 car, selon eux, ils ont refusé de signer un document qui leur aurait permis de sauver leurs emplois à condition de renoncer à 19 mois d'arriérés de salaires.

"Lorsque j'ai montré aux responsables de l'usine la décision du tribunal qui leur ordonnait de payer leur dette envers moi, ils ont éclaté de rire et m'ont dit que je ne pouvais rien contre eux", soupire Suad, 52 ans, qui refuse de donner son nom de famille.

mat/cn/jr

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