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Commission Charbonneau: Attention! Chasses gardées syndicales...

Commission Charbonneau: Attention! Chasses gardées syndicales...
CEIC

La compétition passée entre la FTQ-Construction et l'International pour faire du placement syndical auprès des donneurs d'ouvrage s'était traduite par la création de chasses gardées, souvent appuyées par des ententes entre ces mêmes syndicats, selon des écoutes électroniques présentées à la commission Charbonneau.

Une série de conversations entre des donneurs d'ouvrage et des membres du local 1981 des mécaniciens industriels de la FTQ-Construction paraît en effet indiquer que des donneurs d'ouvrage étaient liés à des syndicats précis et ne pouvaientt donc embaucher des travailleurs d'autres unités, sous peine de sanctions.

Les enregistrements, présentés par l'enquêteur Michel Comeau, ont été faits pour l'essentiel en 2007 à la demande de Ken Pereira, qui souhaitait prouver que les membres du local qu'il dirigeait faisaient l'objet de discrimination syndicale car ils ne pouvaient trouver de l'embauche en raison de leur appartenance au 1981. Le placement syndical a depuis été aboli et est maintenant géré par la Commission de la construction du Québec (CCQ).

Lors d'une des conversations de février 2007, un des donneurs d'ouvrage est formel : « On fait affaire avec le local 2182 (International), on ne peut pas se permettre de passer à côté de ça ».

Une conversation de ce même mois, avec un autre donneur d'ouvrage, révèle davantage de détails. L'individu, mal à l'aise, convient que pour que des membres du 1981 rentrent sur le futur chantier d'un Canadian Tire, il « va falloir qu'il y ait des ententes au préalable » entre le 2182 et la FTQ pour définir le prorata, par exemple : « un FTQ pour six Inter »

« Pis on s'embarque pas dans un piège là, faut que ce soit clair avec les deux locaux », s'empresse-t-il de préciser.

« Y a des lois d'écrites et il va falloir aller avec les lois, c'est toute. »

— L'interlocuteur du membre du 1981

Des pratiques discriminatoires étaient par ailleurs bien connues au sommet de la FTQ-Construction, comme en fait foi une conversation d'avril 2011 entre Gilbert Vachon du 1981 et Arnold Guérin, alors président du syndicat.

Selon M. Guérin, à l'International, « quelqu'un qui fait ben gros de la discrimination, c'est peut-être le local 144 avec Gérard Cyr », qui était alors à la fois patron de ce local et président de l'International.

« Lui (...) il va en faire des menaces, y va faire n'importe quoi », déplore le président de la FTQ-Construction.

Il semble aussi confirmer que les grutiers, tant à l'International qu'à la FTQ-Construction, se partagent des territoires : « Sont amanchés comme nous autres, tsé, ils ont des compagnies ».

Ce monde de chasses gardées dépasse d'ailleurs les frontières du Québec. « I got no choice », lance un donneur d'ouvrage de Toronto, qui dit ne pouvoir engager que des gens de l'International, au risque sinon d'en payer le prix... sans plus de précisions.

Lors de son témoignage, M. Pereira avait dénoncé le fait que les membres de son local n'ont jamais travaillé au Québec, en raison de la toute-puissance du local rival, le 2182 (CPQMC-I).

La FTQ-Construction critique le travail de Comeau

L'interrogatoire de Michel Comeau sur les pratiques douteuses, sinon carrément illégales, constatées sur certains chantiers de construction du Québec, s'est conclu en matinée. L'enquêteur Comeau a par la suite soumis à l'exercice des contre-interrogatoires.

Le premier à s'exécuter, Me Robert Laurin (FTQ-Construction), s'est notamment appliqué à démontrer que l'enquête de Michel Comeau et de ses collègues de la commission sur les chantiers de construction avait une portée limitée.

M. Comeau avait en effet expliqué qu'il s'était borné à rapporter les propos recueillis sur certains chantiers de construction. Il a d'ailleurs réitéré que les problèmes évoqués dans son témoignage ne se produisent pas sur tous les chantiers, mais seulement les plus importants.

L'enquêteur a admis qu'il ne s'était pas interrogé sur le bien-fondé des griefs des grutiers de la FTQ-Construction dans le cadre du chantier de la centrale de Péribonka. Plusieurs grutiers québécois ont été payés à ne rien faire sur ce chantier, a-t-il rapporté lundi.

M. Comeau n'a pu dire non plus si l'histoire des 50 000 $ qu'aurait extorqués un délégué syndical d'un syndicat de maçons à un entrepreneur de la Côte-Nord sur le chantier Alouette (phase II) avait été corroborée par quiconque, ni si des accusations ont été déposées dans ce dossier.

L'enquêteur a aussi admis qu'au moins un témoignage livré à l'encontre de Bernard « Rambo » Gauthier, délégué syndical du local 791 la FTQ-Construction sur la Côte-Nord, avait été livré par un syndiqué de la CSN.

Me Laurin a souligné qu'il était normal qu'un membre d'un syndicat rival soit mécontent du travail de Bernard Gauthier, mais M. Comeau a plaidé que les témoignages motivés par la vengeance, de l'avis de la commission, avaient été écartés de son témoignage.

Attention à la confusion, plaide l'avocat de l'International

L'avocat de l'International, Me André Dumais, a pour sa part souligné que la conversation de janvier 2009 entre l'ex-directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis et son collègue Raynald Grondin sur les tensions avec l'International à la raffinerie Pétro-Canada pouvait porter à confusion.

M. Dumais a fait valoir que le monopole que le local 144 de l'International y détenait était légitime - et officiel - puisqu'il ne s'agissait pas d'un contrat public et qu'il ne concernait pas le secteur de la construction.

« On peut prétendre qu'il y a un modus operandi, mais encore là il faut qu'il soit dans le domaine dans lequel on veut discuter », a fait valoir Me Dumais.

« Est-ce qu'on peut discriminer sur les chantiers de la construction, non, lance Me Dumais. Est-ce qu'on peut lever le nez sur des sections locales qui appartiennent à une centrale ou une autre, non. Mais quand on n'est pas dans la construction, la réponse est oui ».

Michel Comeau et ses enquêteurs ont rencontré quelque 70 personnes depuis un an afin de prendre la mesure de la discrimination sur les chantiers et de la violence qui y règne.

Il ne doute pas de la justesse de son jugement, fort de ses longues années comme enquêteur, quant à savoir si un individu est crédible ou non :

« Ça fait 25 ans que je rencontre des témoins, des victimes, et des suspects, et ça se sent rapidement. »

— Michel Comeau

En fin d'après-midi, la commission Charbonneau a commencé à entendre Paul Faulkner, qui a été élu directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (CPQMC-International) en novembre dernier.

La procureure en chef Sonia LeBel, qui mène l'interrogatoire, a expliqué que l'objectif de ce témoignage était de présenter la « structure particulière » de cette centrale syndicale, qui représente 24,4 % des travailleurs de la construction au Québec.

Hydro réagit sur Péribonka

Hydro-Québec a réagi par voie de communiqué mardi au témoignage livré par l'enquêteur Michel Comeau au sujet du chantier de la centrale de Péribonka. Selon les témoignages de plusieurs grutiers, une douzaine d'entre eux ont été payés à ne rien faire pendant deux ans, pendant que des employés de la compagnie Bauer opéraient les grues.

La société d'État n'a pas directement répondu à cette allégation. Elle s'est bornée à rappeler que « c'est la responsabilité des entrepreneurs de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la paix syndicale sur un chantier et d'en assumer les coûts dans le cadre de leur contrat. »

« Dans le cas de la compagnie Bauer à Péribonka, tout arrêt des travaux de ce contrat aurait entraîné des pertes significatives pour Hydro-Québec ainsi que des impacts sur d'autres contrats avec d'autres entrepreneurs sur le chantier », ajoute-t-elle, en assurant qu'elle collabore pleinement avec la commission.

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Tony Accurso

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