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Les petits gardiens du Riachuelo, symbole pollué de Buenos Aires

Les petits gardiens du Riachuelo, symbole pollué de Buenos Aires

Des écoliers et collégiens de Villa Jardin, un bidonville aux portes de Buenos Aires, ont pris en main le destin du Riachuelo, rivière emblématique parmi les plus polluées du monde, négligée par les pouvoirs publics.

"Quand je serai grand, je veux nettoyer le Riachuelo", lance fièrement Valentina Cuevas, neuf ans, à Claudie Leguizamon, maîtresse d'école dans ce bidonville de 25.000 habitants, bordé par la rivière aux eaux nauséabondes, ligne de démarcation historique entre la capitale prospère et les faubourgs pauvres.

A l'entrée de l'école primaire N. 72, où sont scolarisés 400 enfants, un grand panneau alerte en lettres de couleur : "Le saturnisme ? Quels sont les symptômes, comment s'en protéger".

"Les enfants veulent assainir les eaux souillées pour ne plus être malades et ne plus avoir de morts dans la famille", raconte l'enseignante, choquée par la forte mortalité infantile.

Fin 2013, la Croix-Verte, ONG basée à Genève, a classé le Riachuelo, riche en plomb, mercure et autres métaux lourds, parmi les 10 sites les plus pollués du monde, une liste dans laquelle figure aussi Tchernobyl, en Ukraine.

Le bassin formé par les rivières Matanza et Riachuelo s'étend sur 60 km du Rio de la Plata vers l'intérieur de la province de Buenos Aires. Plus de 20.000 entreprises industrielles y déversent des rejets toxiques. Dans le bassin, 35% de la population n'a pas accès à l'eau courante et 55% n'est pas équipée de système d'évacuation des eaux usées.

"Mes enfants ont des problèmes de santé, surtout respiratoires, car on habite très près du Riachuelo. Tant que nous partirons pas d'ici, ils n'iront pas mieux, mais on n'en a pas les moyens", confie Miriam Suarez, mère de quatre enfants.

Le plus jeune, Branco, trois ans et asthmatique, est étendu sur le lit de la petite et unique chambre de la maisonnette au toit de tôle, avec un nébuliseur dans les mains. L'eau des toilettes et de l'évier s'écoulent dans le chemin. L'odeur est difficilement soutenable.

Sa soeur Milagros, huit ans, présente un taux de plomb dans le sang alarmant. Une étude réalisée par l'Autorité du bassin Matanza-Riachuelo (ACUMAR) dans une autre zone du bassin révèle que sur 962 garçons et filles de moins de six ans, 25% ont un taux de plomb supérieur au taux d'alerte.

Les ainés de Miriam Suarez ont intégré les Gardiens du Riachuelo, un groupe créé à l'initiative de l'institutrice.

Luis, 14 ans, violent à l'école comme à la maison, a changé d'attitude quand il a commencé à militer au sein des Gardiens. "J'ai trouvé une manière d'aider les gens, dit-il. Nous avons fait une vidéo pour que les autres habitants comprennent ce qui se passe avec la pollution et on fait du porte à porte en distribuant des prospectus pour sensibiliser aux dangers".

Cette activité l'a conduit à rencontrer le président de la Cour suprême de justice, instance qui a ordonné en 2008 l'assainissement du Riachuelo et le relogement des riverains, sans résultats notables.

Depuis 200 ans, les pouvoirs publics et les industriels négligent le Riachuelo. Dans les années 1990, la ministre de l'Environnement avait promis de le nettoyer et qu'on pourrait s'y baigner.

L'odeur pestilentielle est perceptible sur l'autre rive du Riachuelo jusqu'à la Bombonera, le stade de Boca Juniors, et le quartier touristique de Caminito, se plaint Alfredo Alberti, président de l'Association des habitants du quartier de La Boca, un des plus anciens de Buenos Aires.

Alfredo Alberti peste contre l'inaction des autorités et les groupes laitiers, pétrochimiques, les tanneries et les usines de pâte à papier. "Les autorités disent que 440 des 22.000 industries du bassin se sont reconverties, mais nous savons qu'ils continuent de polluer, car le système est permissif".

Le biologiste Raul Montenegro, président de la Fondation pour la défense de l'environnement (FUNAM) estime que les entreprises doivent à la fois surveiller ce qu'il rejettent dans la rivière mais aussi financer un fonds de dépollution des eaux.

"Pendant des années, les usines et les entrepreneurs en ont bien profité, en prenant le Riachuelo pour une poubelle, inondant les habitants de résidus non traités. Aujourd'hui, insiste le scientifique, le Riachuelo moribond et la société disent : +Ca suffit+ !"

jos/ap/hdz

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