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La résistance au féminin sur le Maïdan à Kiev

La résistance au féminin sur le Maïdan à Kiev

Après ses cours à l'université, Lioubov, 19 ans, va parler longuement avec les soldats juchés sur un camion qui assurent la protection du quartier gouvernemental à Kiev.

La brune souriante et bavarde fait partie de la "sotnia féminine" (unité féminine) du Maïdan, haut lieu de la contestation dans le centre de Kiev occupé depuis fin novembre, qui prône "une résistance non-violente" pour renverser le régime.

"Salut, ça va, vous n'avez pas froid aujourd'hui?", lance-t-elle à l'adresse de deux militaires des forces de sécurité du ministère de l'Intérieur, composées principalement de jeunes appelés. Ils sont en première ligne face aux manifestants devant les redoutables Berkout, policiers anti-émeutes, bien formés, physiquement et psychiquement, pour "aller au contact".

L'air morose, les soldats répondent d'abord par un "ça va" peu convaincant.

Petit à petit, ils commencent à sourire et à converser avec cette étudiante en histoire charmeuse originaire de Lviv, fief nationaliste dans l'ouest de l'Ukraine, d'abord des événements du jour, puis de leurs divergences idéologiques.

Curieux, quatre autres soldats montent sur le même camion pour écouter Lioubov qui reste avec eux pendant une bonne heure.

Elle connaît certains d'entre eux par leur prénom, à force de revenir souvent sur cette même barricade rue Institutska où elle a écrit: "Nous voulons aussi rentrer à la maison. Le Maïdan vous aime".

L'objectif de Lioubov est d'expliquer à ces soldats qui ont vu pleuvoir sur eux des pavés et des cocktails molotov quand les manifestations ont dégénéré en janvier que la contestation n'a pas que ce visage agressif qu'elle condamne d'ailleurs.

"On n'aurait pas dû faire ça. Les manifestants auraient pu prendre d'assaut le siège du gouvernement en démoralisant les soldats", explique-t-elle à l'AFP.

D'autres jeunes étudiantes vont faire comme elle sur d'autres barricades du quartier gouvernemental.

"Soyez naturelles, parlez, demandez-leur comment ils s'appellent, d'où ils viennent, ne leur posez pas de questions compliquées, on n'est pas un tribunal", conseille-t-elle.

Nastia Arseniouk, étudiante en sociologie, en est à son premier essai avec les soldats.

"J'aime bien ce que fait Lioubov, je pense que je vais être utile pour le Maïdan si je fais comme elle", dit-elle, assise près d'un braséro place de l'Indépendance (ou Maïdan) où l'"unité de femmes" a son QG.

Nastia a participé depuis le début de la contestation fin novembre à des manifestations devant le parlement et les tribunaux qu'elle juge très utiles.

"Cela pousse les autorités à réfléchir et à s'énerver", estime-t-elle.

Elle dit ne pas approuver les méthodes violentes du groupe nationaliste paramilitaire Pravy Sektor qui a commencé à lancer en janvier des cocktails molotov sur les policiers rue Grouchevski, jugeant que les manifestations pacifiques de deux mois avaient atteint leurs limites.

"Ce n'était pas correct, c'était mauvais, mais c'était ... juste", reconnaît cependant Nastia.

Kateryna Tchepoura, 27 ans, metteur en scène en temps normal et maintenant responsable de la sotnia féminine, pense qu'en recourant à la violence les manifestants perdront toujours face au pouvoir "qui a beaucoup plus de moyens".

Kateryna regrette la domination de la vision "machiste" sur le Maïdan d'où, selon elle, l'importance de la résistance "au féminin" qu'il s'agisse de garder les barricades avec le sourire ou de distribuer des tracts.

"S'il y avait eu plusieurs milliers de femmes en robe du soir le 19 janvier rue Grouchevski (devenue ce jour-là le théâtre de la guérilla urbaine), elles auraient franchi les cordons de police juste comme ça" pour occuper le siège du gouvernement ou le parlement qui se trouvent sur cette rue-là, assure-t-elle.

neo/via/jh

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