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Scène de pillage ordinaire à Bangui

Scène de pillage ordinaire à Bangui

Devant la mairie du 5e arrondissement de Bangui, gardée par des militaires rwandais, quatre amis devisent sur un banc. Soudain, à cinquante mètres, trois jeunes sortent d'un bâtiment les bras chargés: un fauteuil pour l'un, un banc pour l'autre, le petit a une brouette.

"Des pilleurs!". "Pchtt! Pchtt ! Dégagez !": André a bondi de son banc et fait de grands gestes avec les bras. "C'est le cybercafé, ils emmènent tout!". A côté, les soldats rwandais de la force africaine Misca ne bronchent pas.

"Nous, on surveille la mairie, c'est notre commandement", explique un soldat rwandais à l'AFP: "les pillages, c'est partout. Il y a trop de voleurs, là c'est petit".

Pendant ce temps, le va-et-vient continue: des tables maintenant, les climatiseurs, le rideau de fer, encore des chaises, des câbles...

Assise sur un tabouret de l'autre côté du trottoir, Eto, la vendeuse de cigarettes, ne décolère pas: "il y a des vols tout le temps. Ce sont des musulmans. Ces soldats-là, ils ne font rien, ce sont de +faux soldats+ ! Ils regardent, c'est tout".

De l'ancien cybercafé, on entend le bruit de coups de masse.

Une demi-heure après le début du pillage, deux soldats rwandais sortent nonchalamment de la cour de la mairie, elle-même pillée il y a plusieurs semaines.

Aussitôt, cinq jeunes voleurs s'égaillent comme une volée de moineaux. Les soldats s'approchent, tranquillement. Passent une tête par la porte, attendent. Quatre collègues les rejoignent, prennent le bâtiment à revers.

Tous les soldats sont entrés. Dix minutes passent...

"Chlak... Aïe!". "Chlak... Aïe!". "Chlak... Aïe!"

"Ah bon... Enfin !" s'enthousiasme Eto. "Les Rwandais les chicotent!", jubile Zéphyrin qui l'a rejointe.

A bout de dix minutes, les six Rwandais sortent, encadrant deux hommes qui marchent courbés en boitillant jusqu'au poste de la mairie. "Pilleurs!" "Voleurs", hurle Eto.

Toujours assis avec ses amis sur son banc, Malachi paie sa bière. Attenant à la mairie, le microscopique kiosque "Chez Docta" fait bar, épicerie et pharmacie sur moins de deux mètres carrés...

"Oui, c'est des musulmans" dit André: "mais c'est avant tout des voleurs! Le propriétaire de l'ancien cybercafé aussi était musulman avant de fuir. Il vont les relâcher, de toutes façons, on n'a pas de prison..."

Après le renversement en mars 2013 du président François Bozizé, la Centrafrique a plongé dans le chaos et l'anarchie sur fond de tueries intercommunautaires et de pillages généralisés.

La prise centrale de la capitale a été prise d'assaut début début décembre et vidée de ses occupants. Depuis il n'y a plus de centre de détention dans la ville, où comme les autres administrations, les services pénitentiaires sont à l'arrêt.

A Bangui, plus de la moitié de la population vit dans des camps de déplacés, victimes d'abord des exactions des rebelles majoritairement musulmans de la Séléka qui a pris le pouvoir en mars, puis de celles de milices chrétiennes "anti-Balaka" dans un cycle de violences et de représailles auquel la Misca et la force française Sangaris, déployée dans le pays depuis décembre, tentent de mettre fin.

André est chrétien, comme Marius et Malachi. Au bout du banc, Mamadou lui est musulman. "C'est pas un problème, ça, dit Marius. Avec Mamadou, on se connait depuis quinze ans, ce matin on est allés tous les quatre à la mosquée".

"La plupart de nos amis sont là-bas, ils sont partis à cause des +anti-Balaka+ et sont réfugiés dans la mosquée. On en a d'autres à l'église Saint-Marc. Avant les Séléka, on n'avait aucun problème entre chrétiens et musulmans", affirme Marius.

Un jeune homme passe au kiosque acheter des allumettes. "Lui, c'est un Sénégalais. Je me demande pourquoi il reste ici", dit Malachi.

alc/mc/sba

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