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Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, où il est dangereux d'être opposant

Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, où il est dangereux d'être opposant

A Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, les opposants sont assimilés aux criminels auxquels "on peut crever un oeil ou casser une jambe" s'ils passent à l'action, selon les dires d'un partisan des autorités locales.

Alors que le centre de Kiev est occupé depuis plus de deux mois par les manifestants pro-européens et entouré de barricades, Kharkiv, ville de l'est russophone, a récemment créé un mouvement censé faire contre-poids, le "Front ukrainien" pour "libérer" le pays de "l'occupation comme dans les années 40" pendant la deuxième guerre mondiale.

Ce mouvement, lancé le 1er février lors d'un congrès de 6.000 délégués du Parti des régions du président Viktor Ianoukovitch et de ses alliés, va s'appuyer sur les "ONG et des militants de la société civile" et aura ses propres "forces de l'ordre", a souligné le gouverneur de Kharkiv Mikhaïlo Dobkine.

crever un oeil pour faire peur

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L'initiative a aussitôt fait émerger un certain Evguen Jiline, ancien policier ayant un casier judiciaire et dirigeant du club sportif Oplot (Rempart).

Connu jusqu'à présent pour avoir organisé des tournois de combat libre sans règles dans une cage, il est devenu une des stars médiatiques de la semaine après avoir expliqué que "crever un oeil" à un manifestant n'entraînait pas de responsabilité pénale, selon son interprétation bien personnelle de la loi ukrainienne, car il s'agit là d'"arrêter un criminel".

"Je veux mettre en garde ces gens (qui manifestent) à Kiev. A cause de leur impunité, ils ont dépassé les bornes", déclare-t-il dans une interview à l'AFP en qualifiant de "criminels" ceux qui prennent d'assaut les bâtiments publics ou tentent d'attaquer les policiers.

"Quand mes collaborateurs me demandent ce qu'ils peuvent faire pour arrêter les criminels, je leur explique +vous pouvez briser un bras, casser une jambe ou crever un oeil. Pour cela vous ne risquez rien+", poursuit M. Jiline.

Il reçoit dans les locaux de son club où sont accrochées des poires de frappe avec un podium décoré d'une carte de l'Union soviétique.

"Il faut que les gens prennent peur et reviennent à la raison", lance-t-il.

Capitale de l'Ukraine soviétique entre 1917 et 1934, cette ville industrielle de 1,5 million d'habitants réputée aussi être centre scientifique et culturel a certes sont petit Euromaïdan, nom donné aux manifestations d'opposition depuis la volte-face pro-russe du pouvoir fin novembre au détriment d'un rapprochement avec l'Union européenne.

Les rassemblements y sont officiellement interdits depuis le début de la contestation le 21 novembre en Ukraine par le maire Guennadi Kernes, "afin d'éviter la propagation de maladies infectieuses".

Ceux qui défient le maire, un personnage haut en couleurs avec un casier judiciaire pour vol et escroquerie et qui ne tolère aucune opposition, ne sont pas très nombreux, 2.500 tout au plus.

Les opposants sont régulièrement agressés, aspergés d'antiseptique liquide vert difficile à faire partir, certains ont vu leurs voitures brûlées.

L'un des leaders d'Euromaïdan de Kharkiv, Dmytro Pilipets, a été passé à tabac et poignardé le 24 décembre par des inconnus alors qu'il rentrait chez lui après une manifestation.

"J'ai des cicatrices et un souvenir pour le restant de mes jours", raconte-t-il à l'AFP.

"Les autorités cherchent à intimider les habitants de Kharkiv, mais elles provoquent une réaction opposée. Ceux qui n'osent pas sortir dans la rue dans leur ville natale grossissent les rangs de contestataires à Kiev", souligne-t-il.

Résultat, Kharkiv est très sage, comparée à Kiev avec ses manifestations monstres et heurts violents de janvier et une dizaine d'autres régions où les administrations ont été prises d'assaut parfois à l'issue d'affrontements entre protetstaires et forces de l'ordre.

"Kharkiv, ville d'intelligentsia, qui a joué un rôle important pendant la perestroïka et même pendant la Révolution orange en 2004, n'est plus ce qu'elle était (...) Les gens ont peur du pouvoir", regrette le défenseur des droits de l'homme local Evguen Zakharov.

La fermeture ces dernières années de principaux médias régionaux d'opposition y joue aussi un rôle, souligne-t-il.

bob-neo/via/pt

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