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Semaine du 28 juillet au 4 août 1914: l'assassinat de la paix

Semaine du 28 juillet au 4 août 1914: l'assassinat de la paix

Le 2 août 1914, à Joncherey dans le Territoire de Belfort, le caporal Peugeot, 21 ans, est tué par une patrouille de cavaliers allemands qui ont franchi la frontière : c'est, officiellement, le premier mort militaire français de la Grande Guerre.

Mais, avant de succomber, il a le temps de tirer sur le sous-lieutenant Mayer, 22 ans, considéré, lui, comme le premier mort militaire allemand du conflit.

Le tragique destin de ces deux jeunes soldats - suivis dans la mort par des millions d'autres - trouve son origine dans l'affolement belliciste qui s'est emparé de l'Europe en cet été 1914 : la semaine du 28 juillet au 4 août va plonger le continent et une partie de la planète dans quatre années d'enfer.

Un siècle après, beaucoup d'historiens spécialistes de la période continuent de parler du "mystère" des origines du conflit. A la différence de la seconde guerre mondiale, il n'y eut ni cause ni responsabilité uniques. "Juillet 1914 fut un mois d'été ordinaire. Si, dans tous les pays, des franges nationalistes exaltaient la guerre salvatrice, elles restaient très minoritaires" à l'intérieur de chaque Etat, note l'historien français Stéphane Audouin-Rouzeau. En revanche, ces manifestations étaient prises au sérieux dans les nations voisines.

L'Europe ne vivait pas vraiment dans une attente de guerre mais, plus ou moins consciemment, chaque peuple redoutait une agression et ne croyait pas en la parole des autres. "Oui, les contemporains de la Belle-Epoque avaient peur, ils se sentaient menacés", relève l'historien Jean-Yves Le Naour qui évoque "une part d'irrationnel" pour expliquer l'embrasement. "La guerre est d'autant moins inévitable qu'il n'y a aucune raison de la faire et qu'aucun dirigeant ne la soutient" au départ, estime pour sa part l'historien Jean-Jacques Becker.

Pourtant l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, héritier d'Autriche-Hongrie, à Sarajevo le 28 juin 1914 par un étudiant nationaliste serbe bosniaque, Gavrilo Princip, va mettre le feu aux poudres. Vienne y voit un prétexte pour régler ses comptes avec son voisin serbe accusé de soutenir les nationalistes slaves de l'empire, et déclare la guerre à la Serbie un mois plus tard, jour pour jour, après avoir adressé à Belgrade un ultimatum délibérément inacceptable.

Poussé par la force des sentiments nationaux mais aussi par un sentiment de méfiance mutuelle, un implacable engrenage se met alors en marche, aggravé par l'effet mécanique des alliances militaires: chaque décision d'un pays va entraîner, comme dans une dramatique partie d'échecs, l'immédiate réaction d'un autre.

L'affrontement sera bientôt total entre la Triple Alliance -Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie, laquelle restera toutefois neutre en 1914- et la Triple Entente -Russie, France et Grande-Bretagne-, chaque bloc entraînant ses alliés dans le conflit.

Etats-majors français et allemand, qui disposent d'un nombre de soldats à peu près équivalent, misent sur une guerre courte. L'Allemagne en est d'autant plus convaincue qu'elle pense à tort que la Grande-Bretagne - qui s'active, fin juillet, en faveur de la paix - n'interviendra pas. Dans la plupart des Etats, les parlements seront unanimes à voter les crédits de guerre.

Le 28 juillet, l'artillerie austro-hongroise bombarde Belgrade. Le 30, la Russie, qui s'est érigée en protectrice de la Serbie, déclare la mobilisation générale.

Le 1er août, l'Allemagne, obsédée par la crainte de son grand voisin oriental, mobilise et déclare la guerre à la Russie. Quasi-simultanément la France, alliée de la Russie, mobilise également.

Dans les campagnes françaises, où la surprise est totale, on se dépêche de finir les moissons avant de rejoindre son régiment, sans enthousiasme mais avec détermination car on a le sentiment d'avoir à se défendre contre une agression. Les Allemands croient la même chose.

Les déserteurs sont peu nombreux. Des milliers de fantassins, croyant s'absenter un mois, montent dans les trains gribouillés de craie : "A Berlin !". Sur les quais de la Gare de l'Est, à Paris, les "Marseillaise" se succèdent presque sans interruption et on chante, peut-être surtout pour se rassurer : "On part couper les moustaches à Guillaume !" (ndlr: l'empereur allemand Guillaume II).

Ces images, auxquelles font écho à Berlin celles des départs de soldats allemands pour le front sous les mêmes acclamations des mêmes foules, seront abondamment exploitées par la propagande des belligérants.

Lucide, l'historien français Frédéric Masson hurle dans le vide en prophétisant dans "L'écho de Paris" du 2 août : "Les Européens, depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural, vont s'entre-tuer!".

Le 3, l'Allemagne déclare la guerre à la France et envahit la Belgique. Le 4, la Grande-Bretagne, inquiète des ambitions de Berlin, déclare la guerre à l'Allemagne pour avoir violé la neutralité belge.

L'illusion d'une guerre courte, dont l'issue se jouerait en une ou deux grandes batailles, va vite se dissiper: 19 pays, sans compter leurs colonies, seront en guerre à l'automne. Lorsque le conflit prendra fin 52 mois plus tard, dix millions d'hommes auront trouvé la mort sur les champs de bataille, et des millions de civils auront également été tués, victimes des convulsions provoquées par ce que ses contemporains ont rapidement appelé : "la Grande Guerre".

ccd/lma/phv

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