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Selon des documents divulgués par Snowden, les États-Unis auraient espionné les négociateurs du sommet sur le climat de 2009

De nouveaux cas d'espionnage révélés par des documents de Snowden
MOSCOW, RUSSIA - DECEMBER 2013: (EXCLUSIVE ACCESS; PREMIUM RATES (3X) APPLY) Former intelligence contractor Edward Snowden poses for a photo during an interview in an undisclosed location in December 2013 in Moscow, Russia. Snowden who exposed extensive details of global electronic surveillance by the National Security Agency has been in Moscow since June 2012 after getting temporary asylum in order to evade prosecution by authorities in the U.S. (Photo by Barton Gellman/Getty Images)
Barton Gellman via Getty Images
MOSCOW, RUSSIA - DECEMBER 2013: (EXCLUSIVE ACCESS; PREMIUM RATES (3X) APPLY) Former intelligence contractor Edward Snowden poses for a photo during an interview in an undisclosed location in December 2013 in Moscow, Russia. Snowden who exposed extensive details of global electronic surveillance by the National Security Agency has been in Moscow since June 2012 after getting temporary asylum in order to evade prosecution by authorities in the U.S. (Photo by Barton Gellman/Getty Images)

L’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) aurait surveillé les communications de gouvernements étrangers avant et pendant les négociations sur le climat des Nations unies en 2009 à Copenhague (Danemark), selon le dernier document dévoilé par Edward Snowden.

Le texte, dont certaines sections sont classées "top secrètes", indique que la NSA espionnait les communications d’autres pays avant la conférence, et avait l’intention de continuer lors de la conférence. Dans ce document publié sur un site interne à la NSA le 7 décembre 2009, premier jour du sommet de Copenhague, on peut lire: "Nos analystes de la NSA, ainsi que nos partenaires secondaires, continueront à fournir aux responsables politiques un aperçu unique, opportun et précieux des buts et préparations des grandes nations pour la conférence, ainsi que les délibérations à l’intérieur même de ces pays au sujet des changements climatiques et des stratégies de négociation."

Le terme "partenaires secondaires" fait référence aux agences de renseignement du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande, avec lesquelles les États-Unis ont une relation basée sur le partage de renseignements. "Bien que l’issu de la Conférence sur le changement climatique de Copenhague reste incertaine, nos Renseignements d’origine électromagnétique (ROEM) joueront un rôle primordial pour garder nos négociateurs aussi informés que possible lors des deux semaines que durera l’événement," déclare le document.

Le Huffington Post a publié les documents mercredi soir en partenariat avec le quotidien danois Information, qui a travaillé avec la journaliste américaine Laura Poitras.

Le sommet de Copenhague était la 15e rencontre des membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui rassemble 195 pays en vue de négociations visant à faire face aux émissions grandissantes de gaz à effet de serre et de leurs impacts. Le sommet de Copenhague était la première grande rencontre après l’élection du président Barack Obama et suscitait l’espoir d’importants progrès. D’autres pays développés faisaient déjà partie du protocole de Kyoto en 1997, qui avait permis de fixer des limites d’émissions de gaz à effet de serre, mais les États-Unis – principal source de gaz à effets de serre à l’époque où le protocole est entré en vigueur, en 2004 – avaient refusé de signer. La rencontre, qui a duré deux semaines, devait déboucher sur un autre accord incluant les États-Unis, ainsi que la Chine, l’Inde et autres pays dont les émissions croissent rapidement.

Le document indique que la NSA prévoyait de rassembler des informations lors des discussions privées des dirigeants et équipes de négociateurs d’autres pays au cours du sommet de Copenhague. "Dirigeants et équipes de négociation du monde entier s’engageront sans doute dans d’intenses discussions de dernière minute pour mettre au point les politiques à adopter; dans le même temps, ils auront d’autres discussions parallèles avec leurs homologues – dont les détails présentent un grand intérêt pour nos responsables politiques," peut-on lire. Selon le texte, l’information serait probablement destinée à l’usage des responsables américains, tels que la Secrétaire d’état Hillary Clinton et le président Obama, entre autres.

Hormis l’information selon laquelle les Renseignements d’origine électromagnétique tels que les e-mails et les conversations téléphoniques seraient interceptés, le document ne précise pas la façon dont l’agence rassemblerait de l’information au cours du sommet. De précédentes divulgations ont indiqué que la NSA avait la capacité de mettre les téléphones portables des chefs de gouvernement sur écoute. D’autres documents divulgués par Edward Snowden indiquent que les services de renseignement britanniques avaient surveillé les communications de délégués par e-mail ou par téléphone lors du rassemblement du G20 à Londres. D’autres encore ont révélé les cas d’espionnage lors des sommets du G8 et du G20, au Canada en 2010 et lors de la conférence sur le changement climatique de Bali en 2007.

Le nouveau texte fait aussi référence aux informations rassemblées avant le sommet, dont un rapport “détaillant les efforts de la Chine pour coordonner sa position avec l’Inde et s’assurer que les deux pays en voie de développement avancent dans la même direction." Cela fait référence à un autre rapport "détaillant avec précision la proposition danoise et les efforts déployés pour trouver un « plan de secours » visant à sauver COP-15."

La proposition danoise était une esquisse d'accord que les négociateurs des grandes nations avaient rédigé au cours des mois précédant le sommet aux côtés d'un club fermé de pays. Le texte a été divulgué au Guardian lors des premiers jours de la conférence. Conséquence: les pays n'ayant pas été invités à consulter la proposition ont déclaré que le texte servait les intérêts des nations développées au détriment des principes exposés lors des précédentes négociations sur le climat. Selon Information, les autorités danoises ont voulu empêcher les négociateurs américains de consulter le texte lors des semaines précédant la conférence, souhaitant éviter que leurs ambitions de voir réduire les gaz à effet de serre soient mises en danger.

En réalité, les Danois ont bien partagé le texte avec les États-Unis et d'autres grandes nations avant la conférence. Mais le document de la NSA indique que les États-Unis l'auraient intercepté au préalable. Le paragraphe faisant référence au texte danois porte la mention "SI" dans le document divulgué par Edward Snowden-- qui signifierait "signals intelligence" (renseignements d'origine électromagnétique), ce qui laisserait à penser qu'il s'agirait d'information électronique interceptée par la NSA, et non pas des documents confiés aux négociateurs américains.

Cela expliquerait la position des négociateurs américains à l'ouverture de la conférence, selon les déclarations d'un haut responsable danois à Information. "Ainsi que nous le craignions, ils sont restés attentistes, comme s'ils avaient entendu parler de notre document. Ils n'ont fait aucune proposition constructive. De toute évidence, s'ils avaient été au courant de nos plans depuis l'automne 2009, il était dans leur intérêt d'attendre que notre proposition soit mise sur la table lors du sommet."

Des membres de la délégation danoise ont indiqué dans des interviews accordées à Information que les négociateurs américains et chinois semblaient "particulièrement bien informés" des discussions ayant eu lieu en privé. "Surtout les Américains," a déclaré un des officiels, ajoutant: "Il m'arrivait souvent d'être stupéfait de ce qu'ils savaient."

Malgré les grands espoirs de consensus, les négociations à Copenhague ont débuté lentement et les signes de progrès se sont avérés minimes. Obama et les chefs d'État de plus de 100 nations ne sont arrivés qu'en deuxième semaine dans l'espoir de parvenir à une percée, mais au dernier jour, aucune issue n'avait été trouvée. Le vendredi soir a vu quelques signes encourageants, lorsque Barack Obama a annoncé à la surprise générale -- aux côtés des dirigeants chinois, indien, brésilien et sud-africain -- l'"Accord de Copenhague".

Le document de trois pages avait pour objectif de restreindre l'augmentation de la température mondiale à moins de 2 degrés Celsius, mais autorisait les nations à mettre en place leurs propres plans pour réduire les émissions -- ce qui permettait de ne mentionner aucune cible précise ou voie à suivre vers un traité. Obama a dit de cet accord qu'il était "une avancée sans précédent" lors d'une conférence de presse, puis est rentré aux États-Unis à bord de l'Air Force One. Mais certains pays ont protesté, déclarant que l'accord n'était qu'une décision politique prise en dehors du cadre des Nations Unies et dont l'influence était incertaine pour de futures négociations sur le climat.

Depuis lors, les sommets sur le climat ont progressé à un rythme de tortue; on n'attend pas un traité ayant des implications légales avant 2015. Et le Congrès américain, malgré des promesses faites à Copenhague, n'a jamais adopté de nouvelles lois visant à réduire le réchauffement de la planète. (Cependant, l'Agence de protection de l'environnement américaine fait quelques progrès sur la régulation des émissions provenant des centrales nucléaires, même si aucune loi permettant d'y faire face n'a encore été adoptée.)

Les révélations sur l'espionnage orchestré par la NSA lors des pourparlers de Copenhague entravent la confiance des négociateurs des autres nations par le futur.

"Si les gens pensent que vous tentez d'obtenir un avantage injuste ou manipulez les débats, ils ne vous feront pas confiance," a déclaré Alden Meyer, directeur de la stratégie et politique pour l'Union of Concerned Scientists (Union des scientifiques engagées) et grand habitué des négociation sur le climat des Nations Unies. Alden Meyer s'est dit inquiet qu'à la suite de ces révélations, les différentes parties "me deviennent plus frileuses, plus secrètes, et moins ouvertes" lors des négociations. "Ce n'est pas une bonne dynamique dans un processus où l'on tente d'encourager la collaboration, le compromis et le travail de groupe, plutôt que de tirer la couverture à soi," déclare-t-il.

Barack Obama a pris la défense de la NSA, déclarant que son travail était primordial pour combattre le terrorisme sur son sol et à l'étranger. Mais le dernier document dévoilé par Edward Snowden indique que l'agence de renseignement joue un rôle majeur dans la protection des intérêts américains à l'international.

Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil national de sécurité, a refusé de commenter le document dans un e-mail au Huffington Post, mais a déclaré que "les renseignements rassemblés par les États-Unis étaient du même type que ceux rassemblés par les autres nations." Elle a souligné que lors de son discours du 17 janvier sur la NSA, Barack Obama "avait exposé une série de réformes concrètes et substantielles que l'administration adoptera ou cherchera à codifier avec le Congrès" au sujet de la surveillance.

"Il a dévoilé en particulier une nouvelle directive présidentielle visant à régir la façon dont nous utilisons les renseignements d'origine électromagnétique et à fortifier et l'information que nous confions au pouvoir exécutif," a déclaré Caitlin Hayden. "Cela permettra de prendre en compte nos besoins de sécurité, mais aussi nos alliances; nos relations de commerce et d'investissement, y compris les besoins de nos compagnies; et nos engagements quant à la vie privée et les libertés basiques. Et chaque année, nous réviserons les décisions sur les priorités des renseignements et les cibles sensibles, afin que nos actions soient régulièrement examinées par l'équipe de sécurité nationale du président."

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