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« Si le bateau n'est plus utile pour faire du PR, je vais m'en débarrasser » - Accurso

« Si le bateau n'est plus utile pour faire du PR, je vais m'en débarrasser » - Accurso
PC

La révélation par les médias, au printemps 2009, du séjour de Michel Arsenault sur le Touch, yacht de Tony Accurso, avait suscité un mea culpa officiel de la part du président de la FTQ, mais n'avait visiblement pas entamé la complicité qui régnait entre les deux hommes.

Un texte de Bernard Leduc

Dans une conversation avec M. Accurso du 15 mars 2009, M. Arsenault convient que, quoiqu'il ait promis dans sa lettre aux médias de faire dorénavant attention à ses fréquentations, « ça change rien pour nous deux [...] c'est juste pour la galerie ».

Celui qui était alors le plus important entrepreneur du Québec convient pour sa part que le Touch est devenu un boulet pour lui : « Si le bateau n'est plus utile pour faire du PR, je vais m'en débarrasser ».

« Y a pu personne qui va vouloir aller dessus (...) Les politiciens voudront plus aller là-dessus. Non, c'est sûr, ça devient bien plus compliqué. »

— Échange entre Michel Arsenault et Tony Accurso

L'ex-président de la FTQ réitère une fois de plus que jamais M. Accurso n'a bénéficié de fast track au Fonds de solidarité, voire que, « dans certains cas, on a même été plus sévère avec lui » afin de contrecarrer l'impression que les liens d'amitié entre MM. Accurso et Lavallée, notamment, auraient pu laisser dans l'opinion publique.

Il a soutenu qu'entre son arrivée à la présidence du Fonds en novembre 2007 et le printemps 2009, lui-même n'a conclu qu'un seul dossier avec M. Accurso, soit celui de Gastier.

Il ajoute que dès qu'il a été connu, en mai 2009, que des entreprises de l'entrepreneur avaient fait de la fraude fiscale - ce pourquoi il a plaidé coupable - il a décrété un moratoire sur tout nouveau dossier avec lui avant de couper tout lien entre lui et le Fonds : « On ne pouvait pas avoir un partenaire qui triche l'impôt ».

L'ex-président du C.A. du Fonds affirme avoir « beaucoup d'empathie pour M. Accurso et ce qu'il a vécu » mais qu'il ne cautionne pas tout geste illégal qu'il aurait pu poser pour avoir des contrats publics en usant de ses relations avec des élus.

Sinon, il insiste : les dossiers de Tony Accuro ont été profitables et il était, d'un point de vue syndical, un bon employeur. Il se dit fier que le Fonds ait aidé M. Accurso à bâtir le Québec Inc et à s'assurer que prospèrent des entreprises québécoises plutôt qu'étrangères.

« C'est clair que si je peux aider une compagnie partenaire du Fonds pour que les gens travaillent, pour que l'économie fonctionne, c'est très clair que je vais le faire. »

— Michel Arsenault

« Tout le monde voulait être l'ami de M. Accurso »

M. Arsenault, qui décrit tour à tour M. Accurso comme une « connaissance » ou un « ami », affirme ne pas avoir senti qu'il devait quoi que ce soit en retour à M. Accurso pour son séjour, fort dispendieux, sur le Touch en 2008.

L'ex-président de la FTQ soutient sinon que, lors de cet unique voyage, ils n'ont jamais parlé de transactions ou d'affaires.

« Appelez ça un cadeau si vous voulez, mais j'ai pas donné de contrepartie en retour », a-t-il lancé, quelque peu irrité :« Il m'a jamais rien demandé en retour : jamais, jamais, jamais ». Il ajoute d'ailleurs que, par la suite, il adopté un comportement irréprochable qui a notamment débouché, en 2010, sur l'adoption d'un code d'éthique.

Il rappelle que jusqu'à cette époque, ce n'est pas que le Fonds de solidarité et la FTQ qui faisait confiance à Tony Accurso, mais les gouvernements de Québec, d'Ottawa, des villes, des grandes banques...

« Avant mars 2009, tout le monde voulait être l'ami de M. Accurso. J'ai vu M. Accurso photographié avec des ministres! »

— Michel Arsenault

Michel Arsenault se défend d'avoir voulu maquiller la réalité de ses liens avec Tony Accurso aux médias, comme pourrait le laisser entendre un extrait d'une autre écoute électronique de mars 2009.

Dans cette conversation, M. Arsenault, dont le séjour sur le Touch de M. Accurso est désormais connu par les médias, explique à son conseiller politique Gilles Audette : « Je suis en train de me broder une histoire comment ça se fait que je suis devenu chum avec Tony »

Il soutient cependant qu'il voulait uniquement dire par là qu'il voulait préparer un récit compréhensible pour les médias.

Michel Arsenault s'est dit « malade » qu'on accorde tant d'importance, depuis des années, aux liens de Tony Accurso avec le Fonds de solidarité : « je n'appelle pas ça un accès privilégié » avoir 12 % ou 20 % des contrats du Fonds, a lancé Michel Arsenault à la commissaire Charbonneau.

Il affirme qu'à l'époque, après avoir vérifié les allégations suivant lesquelles M. Accurso avait la mainmise sur le Fonds et compris qu'un autre entrepreneur avait plus de contrats qu'Accurso et qu'un autre en avait autant, il a conclu qu'en fait la « tarte était partagée ». Il est alors passé à d'autres « préoccupations », conclut-il.

C'est notamment pour cela, affirme-t-il, qu'il n'a pas fait le suivi sur les révélations l'ancienne PDG des Fonds régionaux FTQ Élaine Zakaïb, selon qui Jean Lavallée serait intervenu à une époque imprécise pour bloquer des dossiers de concurrents de M. Accurso dans la région de Montréal au profit de M. Accurso.

« Ma compréhension est que Mme Zakaib avait rétabli les choses là-dedans », affirme Michel Arsenault. Mme Zakaib, qui est désormais ministre déléguée à la Politique industrielle dans le gouvernement péquiste, a soutenu qu'elle avait mis fin au système.

Au téléphone avec Jean Charest

La procureure en chef Sonia LeBel a fait entendre une série de conversations de janvier 2009 entre Tony Accurso et Michel Arsenault, ainsi qu'une entre ce dernier et le premier ministre Jean Charest.

L'objectif paraît être de démontrer à la fois la grande influence de M. Accurso sur celui qui était alors le président de la FTQ, de même que le poids politique de ce dernier.

Le tout commence lorsque, le 8 janvier, M. Accurso appelle en colère M. Arsenault pour lui apprendre que le contrat d'ingénierie de l'autoroute 30 aurait été accordé à des Chinois. Les deux hommes sont offusqués que les intérêts des firmes québécoises soient ainsi lésés et blâment la politique des PPP de la ministre Monique Jérôme-Forget.

« Pourtant vous en mettez en ostie de l'argent au Parti libéral. Quand c'est le temps, ils nous écoutent pas, ils font qu'est-ce qui veulent. »

— Échange entre Michel Arsenault et Tony Accurso

Michel Arsenault se promet alors de divulguer le tout dans les médias.

Quatre jours plus tard, soit le 12 janvier, M. Arsenault soulève la question de ce contrat au téléphone au premier ministre Jean Charest, qui dit ne pas savoir à qui le contrat de la 30 a été attribué : « Ah ben, tu me l'apprends ».

MM. Accurso et Arsenault se parlent à nouveau de l'autoroute 30 les 15 et 21 janvier. Cette dernière fois, M. Arsenault se félicite que Jean Lapierre, qu'il a mis au parfum, ait sorti l'histoire au micro de Paul Arcand. Il s'agirait cependant de Philippins, et non de Chinois.

L'ex-président de la FTQ se défend d'avoir porté le message de Tony Accurso au premier ministre, à des ministres libéraux ainsi qu'à Pauline Marois, soulignant que l'entrepreneur n'avait pas d'intérêt dans ce contrat.

Il a plutôt souligné que son intérêt est qu'il est mieux, pour l'économie du Québec, quand le travail est fait par des gens d'ici, dans ce cas des firmes d'ingénieries québécoises.

« Il y a une limite quant à nous à la mondialisation : charité bien ordonnée commence par soi-même ! », se défend Michel Arsenault.

« C'est une question de principe que je discutais avec lui. »

— Mchel Arsenault

De la grogne contre Accurso

Dans une écoute électronique du 19 février 2009, on entend le conseiller politique Gilles Audette dire à Michel Arsenault que « des contracteurs se sentent tassés ». « Y a de la grogne de ce côté-là », lui dit-il. « Va falloir partager la tarte », commente Michel Arsenault.

Plus tard dans la même conversation, Michel Arsenault confie à Gilles Audette qu'il aimerait que Tony Accurso intervienne pour écarter Jean Lavallée de ses fonctions à la Solim. « Moi, demain midi, je vais essayer de convaincre Tony qu'y envoye Johnny prendre sa retraite. Câlisse ça dehors ». M. Audette doute de l'opportunité de cette démarche.

M. Audette soutient par ailleurs dans cette conversation qu'il est convaincu que c'est Jean Lavallée qui a informé les médias que Michel Arsenault est allé sur le bateau d'Accurso. « C'est le gros câlisse de Johnny [...] qui a voulu te framer. [...] Johnny pensait qu'avec ça, y t'aurait de son bord en tabarnak ».

La conversation révèle également que Michel Arsenault se soucie des fréquentations de Richard Goyette. Il soutient avoir dit au directeur général de la FTQ-Construction : « j'connais tes fréquentations toi, tabarnak! »

Gilles Audette tente de le calmer : « On peut pas les surveiller tout le temps. Qu'est-ce qui font, qu'est-ce qui font pas. [...] Sont toutes pareils ».

Dans une écoute entendue plus tôt cet automne, Michel Arsenault disait que M. Goyette lui avait admis avoir demandé la permission au mafieux Raynald Desjardins avant de briguer la succession de Jocelyn Dupuis.

Par François Messier

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