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Angélique Kidjo : une voix, un continent (ENTREVUE)

Angélique Kidjo : une voix, un continent (ENTREVUE)
Courtoisie

MONTRÉAL - À la suite de plusieurs séjours en Afrique, la chanteuse béninoise d’adoption américaine Angélique Kidjo n’avait finalement pas d’autre choix que de s’inspirer de ce vaste territoire pour écrire et composer la musique de son tout nouvel album Eve. Passionnément impliquée dans le futur de ses consœurs africaines, cette grande artiste s’est nourrie de certaines d’entre elles pour livrer un excellent disque et du même coup rendre un véritable hommage aux femmes et à sa terre natale.

La chanteuse Angélique Kidjo bouillonne d’énergie. À 53 ans, sa vivacité et sa ténacité sont fascinantes, tout comme son humour contagieux. Elle donne l’impression de ne jamais s’arrêter. « Je n’aurai pas assez d’une vie pour tout faire », lancera d’ailleurs la diva, lors d’une longue entrevue à Montréal. En plus de mener la barque d’une carrière internationale majeure qui s’étire sur quelque 40 années (de nombreux albums et une quantité phénoménale de concerts), elle est ambassadrice d’Unicef, collaboratrice d’Oxfam et d’Amnistie Internationale ainsi que responsable de la Fondation Batonga, qui soutient les études secondaires de filles africaines.

« Je crois que les femmes sont la colonne vertébrale de l’Afrique, affirme-t-elle. Qu'ils le veuillent ou non, les hommes devront bien réaliser qu’ils ne peuvent exister sans les femmes. Que tu sois grand commerçant ou politicien influent, partout l’homme africain est entouré de femmes, à commencer par sa famille. S’il veut le bien de celles qui l’entourent, il faut pousser plus loin cette réflexion et admettre que d’autres femmes méritent le même sort : le trafic des femmes et des enfants, la malnutrition, l’esclavagisme, les mariages forcés, l’analphabétisme, une bonne partie de toutes ces merdes pourrait être évitée avec de profondes prises de conscience. »

« Sinon, les Africains vont continuer de mettre à mal l’Afrique. Et je n’ai rien contre les hommes, bien au contraire. Je n’ai pas envie d’émasculer les hommes, mais ils sont souvent devant... De temps en temps, reconnaître aux femmes leur place et leurs droits, ça ferait du bien. Un homme qui ne respecte pas la femme ne se respecte pas lui-même », ajoute sans hésiter Angélique Kidjo, considérée par le journal britannique The Gardian comme l’une des cents femmes les plus influentes au monde.

En fait, bien qu’elle vive aujourd’hui à Brooklyn, New York, Kidjo n’a jamais vraiment délaissé l’Afrique. Elle s’investit pleinement dans de multiples combats pour l’émancipation des femmes africaines. À tel point qu’on la considère comme une leader mondiale pour le continent. Elle a rencontré Mandela, Obama et des tonnes d’autres personnalités influentes au fil des ans. Malgré la distance qui la sépare de l’Afrique, elle s’y retrouve constamment, entre autres pour retrouver sa mère, Yvonne, dont le surnom « Eve » a servi de titre à son album qui paraîtra le 28 janvier.

Polyphonies dans l’harmonie

« J’aurais toujours voulu que mon père participe à un de mes albums, raconte Angélique Kidjo. T’inquiète pas, il disait. Finalement, il est mort sans que je puisse le faire. Par contre avec ma mère, ce vœu s’est concrétisé. Ça s’est passé au Bénin durant les enregistrements des femmes dans le village du côté paternel de ma maman. Elle (qui a transformé sa chambre d’enfance en studio maison) s’était occupée de rassembler toutes les cousines pour chanter sur l’album. Cet endroit est spécial, car on y parle le yoruba (la langue de sa mère, qui a aujourd’hui 87 ans). »

« J’avais emporté un beatbox pour créer les rythmes de base que j’avais composés auparavant aux États-Unis. Maman ne voulait rien faire au départ… Mais pendant l’enregistrement des voix de ce groupe de femmes, ça ne l’empêchait pas de faire toutes sortes de bruits de percussion avec sa bouche. Elle ne pouvait pas se taire (rires). J’ai donc réalisé que je trouverais un moyen de mettre ma mère sur le disque. Plus tard, j’ai finalement envoyé un MP3 (Internet) de New York et elle a chanté sur une pièce qui s’appelle Bana. Mon frère s’est arrangé pour capter ça dans la maison de ma mère au Bénin. »

Une anecdote qui résume bien l’esprit de ce très joli disque aux influences musicales diverses. Certes, Eve est un album insufflé de traditions africaines diverses (durant 15 jours en mai 2013, Kidjo aura ainsi visité une dizaine de villes et villages du Sud au Nord du Bénin comme Port-Novo, Cotonou, Djakotomay, Manigri…) et coloré par les enregistrements de voix de femmes parlant différentes langues comme le mina, le goun et le fon. Or, il est également porté par des styles musicaux très modernes. Enregistré aux États-Unis avec des musiciens d’horizons divers tels le pianiste louisianais Dr John, le guitariste béninois Lionel Loueke, le multi-instrumentiste américain Rostam Batmanglij (Vampire Weekend), la chanteuse nigériane Asa ou encore le Kronos Quartet (la pièce Ebile), l’album Eve réussit à marier avec brio le passé et le présent comme en font foi les arrangements étonnants (il faut entendre la batterie et la guitare) sur la chanson Shango Wa.

Lumière

Angélique Kidjo rage peut-être contre l’injustice en Afrique, mais cet album respire l’espoir et la joie de vivre. Et pourquoi pas ? « Plus je travaille sur le terrain, plus ces femmes africaines me donnent la lumière, même dans les circonstances les plus pénibles, explique la chanteuse hors norme. Ce sourire, cette sérénité et cette fatalité qui cohabitent très bien en elles portent une vérité qui m’inspire. Ma mère a toujours été comme ça… La cause de l’Afrique et de ses femmes me portera toujours, même avec ses grands malheurs. Et c’était ça que j’avais envie de chanter, à ma façon. »

Comme si ce n’était guère suffisant, mentionnons qu’Angélique Kidjo publie par ailleurs un livre autobiographique intitulé Spirit Rising : My Life, My Music.

Sous étiquette 429 Records, l’album Eve, sera disponible le 28 janvier 2014.

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