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En Ouganda: poussés vers la clandestinité, les homosexuels plus exposés au sida

En Ouganda: poussés vers la clandestinité, les homosexuels plus exposés au sida

En Ouganda, les homosexuels, stigmatisés et parfois assassinés, sont tous les jours un peu plus poussés vers la clandestinité et donc coupés des messages de prévention du sida, estiment des professionnels de santé et des militants gays.

Mi-janvier, le président ougandais Yoweri Museveni a bloqué une loi très controversée adoptée par le parlement fin décembre à une écrasante majorité, qui durcissait les sanctions contre les homosexuels.

Cette législation interdisait notamment toute "promotion" de l'homosexualité et tout service -de santé ou autres- adressé spécifiquement aux communautés gays et lesbiennes, et rendait obligatoire la dénonciation de quiconque s'affichant ouvertement homosexuel(le).

Mais le veto présidentiel n'a qu'à moitié soulagé les militants. Car Yoweri Museveni n'a pas mâché ses mots contre les homosexuels qu'il a qualifiés de "malades", ajoutant que les lesbiennes choisissaient des partenaires féminines par "misère sexuelle".

Avec ce genre de discours, estime Frank Mugisha, l'un des militants ougandais gays les plus actifs, les homosexuels sont de plus en plus marginalisés, poussés à des doubles vies et donc davantage susceptibles de contracter ou transmettre des maladies sexuellement transmissibles.

"Ceux qui auraient voulu afficher publiquement leur homosexualité ne le feront pas car ils auront trop peur" et la clandestinité risque de favoriser les infections au VIH, estime-t-il.

L'Ouganda, où l'homosexualité est interdite depuis des décennies, était encore, il y a peu, perçu comme un exemple en Afrique en matière de lutte contre le sida.

Le président Museveni, l'un des premiers dirigeants africains à avoir parlé ouvertement du virus, avait lancé d'importantes campagnes de sensibilisation à la fin des années 80 et durant la décennie suivante, faisant drastiquement chuter le taux de contamination.

Les homosexuels sont loin d'être le principal vecteur de transmission du VIH en Ouganda, et le virus se propage majoritairement lors de rapports hétérosexuels, en particulier via la prostitution, notent les professionnels de santé. Certains d'entre eux craignent que le débat actuel autour de la loi anti-homosexualité, largement soutenue par les influentes églises évangélistes, ne sape les efforts de sensibilisation des gays.

"Nous faisons un pas en avant puis dix pas en arrière", dénonce Milly Katana, militante de longue date elle-même atteinte du sida: "en matière de prévention du VIH, nous nous dirigeons vers un désastre".

Ces dernières années, les homosexuels étaient déjà victimes de discours haineux. En 2011, un militant des droits des homosexuels, David Kato, avait même été assassiné chez lui après la publication dans un journal de noms, photos et adresses d'homosexuels vivant en Ouganda sous le titre: "Pendez-les".

"Nous avons des communautés à haut risque et nous instaurons des mesures punitives contre elles et contre ceux qui travaillent avec elles", s'insurge Mme Katana. Les homosexuels "ne pourront plus parler avec des gens capables de les conseiller sur la façon de se protéger".

"La question de l'accès aux services devient un problème", renchérit Dr Bildard Baguma, secrétaire général adjoint de la Croix rouge ougandaise. "S'ils se cachent et ne peuvent avoir accès aux services de santé, cela risque fort d'avoir un impact négatif important sur l'épidémie".

Au Centre d'information sur le sida de Kampala, le discours est similaire. "Le taux de prévalence du VIH chez les travailleurs du sexe est de 33% dans ce pays. Il est de 12% chez les hommes homosexuels", indique le directeur du Centre, Dr Raymond Byaruhanga.

"Quand ces populations se mélangent au reste de la population, elles tendent à transmettre le VIH. Cela se traduit par une augmentation du taux de prévalence" à un niveau plus large, poursuit-il.

Pour la première fois en deux décennies, ce taux a augmenté au niveau national, passant, selon les chiffres les plus récents, de 6,4% en 2004-2005 à 7,3% en 2011. Plusieurs raisons l'expliquent, selon Dr Byaruhanga, notamment le sentiment qu'une infection n'est plus si grave compte tenu des antirétroviraux, des idées fausses sur les vertus de la circoncision, mais aussi le climat anti-homosexuels.

La marginalisation des homosexuels "va rendre notre travail plus compliqué", déplore Dr Alex Ario, directeur du programme de contrôle du sida au ministère ougandais de la Santé: "Nous ne pourrons plus parler de ces sujets. Nous ne pourrons plus poser de questions".

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