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Les espoirs déçus d'Ola, torturée dans les geôles syriennes

Les espoirs déçus d'Ola, torturée dans les geôles syriennes

Après avoir subi plusieurs mois de tortures et de mauvais traitements dans les geôles du régime, Ola, une jeune rebelle syrienne, soutient du bout des lèves les négociations de paix à venir avec le régime qui l'a emprisonnée.

Le regard vide de la jeune femme de 23 ans, au teint livide, trahit le traumatisme subi. Elle est sortie de prison le mois dernier pour retrouver une toute autre révolution que celle qu'elle avait connue il y a trois ans.

Les rebelles sont dans l'impasse dans leurs combats contre le régime du président Bachar al-Assad et le conflit a fait 130.000 morts depuis mars 2011. Un deuxième front s'est ouvert pour eux avec des combats contre les redoutables jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Mais Ola veut croire que les négociations de paix qui s'ouvrent mercredi en Suisse avec le régime qui l'a emprisonnée et torturée, puissent apporter un peu de répit à son pays ravagé par la guerre.

"Nous voulions vivre (...) sans peur et être libres de penser", se souvient la jeune femme rencontrée par l'AFP dans le sud de la Turquie où elle s'est réfugiée.

Elle filmait les manifestations et faisait entrer des médicaments dans des banlieues assiégées de Damas, sa ville natale.

Etant monitrice d'auto-école, elle a aussi risqué sa vie pour conduire en lieu sûr en Jordanie quelque 150 déserteurs de l'armée.

Et quand les Syriens ont pris les armes après une répression brutale de leurs manifestations contre le régime, elle avait enfilé un passe montagne et rejoint les rebelles dans la province de Deraa (sud).

"Seul le chef du bataillon savait que j'étais une fille".

Mais ensuite, la guerre s'est installée, brutale et tragique. La corruption et les intérêts personnels ont pris le dessus dans les rangs de l'opposition.

Dénoncée par jalousie par une autre militante, elle a été arrêtée en octobre 2012 à un point de contrôle, frappée et emmenée au QG des renseignements militaires à Deraa, où elle a été placée à l'isolement pendant 25 jours.

De là, elle a été conduite dans une autre prison à Damas, où elle a encore été frappée et placée à nouveau à l'isolement pendant quatre jours.

"J'avais froid, j'avais peur. Je pouvais entendre les cris des gens qu'on torturait. Tout le temps".

"Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une lumière aveuglante restait allumée dans la cellule".

Le vrai calvaire a commencé avec la visite de "Lakhdar Brahimi", un câble vert avec au bout une pointe métallique utilisé pour fouetter les détenus.

L'outil a été baptisé du nom de l'émissaire spécial de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie chargé de l'organisation de la conférence de Genève II qui se tient mercredi. Lakhdar signifie "vert" en arabe.

Ses geôliers l'ont aussi soumise à l'épreuve du "shabah" pendant six jours, une torture consistant à attacher les poignets au plafond, les pieds touchant à peine le sol.

Puis sont venus les chocs par câbles électriques.

"A chaque fois que c'était mon tour, mes plaies n'étaient pas encore refermées depuis la dernière séance" de torture.

Il y a un mois elle a enfin pu retrouver les siens.

Elle croit toujours en l'idéal de la révolte et veut le départ d'Assad, mais espère pour l'instant que Genève II puisse soulager les zones tenues par les rebelles et assiégées par les forces du régime.

"Nous devons penser aux femmes et aux enfants, aux personnes âgées dans les zones assiégées qui n'ont rien à manger", dit-elle.

"A la fin, justice sera rendue. En attendant, nous devons aller à Genève, même si cela n'aboutit à aucun résultat".

Quant aux combats engagés par les rebelles contre les jihadistes de l'EIIL -dont les appétits d'hégémonie et les abus ont provoqué la colère de l'opposition-, elle s'en félicite.

Mais pour elle, la principale raison de l'échec de la révolte en Syrie est la désunion au sein de l'opposition.

"Au lieu d'être unis contre le régime, il y a des centaines de groupes (rebelles), chacun avec ses propres idéologie et financement. Je souhaiterais que les gens se rappellent d'abord pourquoi ils se sont révoltés", dit-elle.

Puis s'installe le silence, son regard s'éteint.

"Je crois toujours en la liberté. C'est la réalité qui me déprime".

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