Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

En Espagne, un empire au service des aveugles

En Espagne, un empire au service des aveugles

Après avoir perdu la vue dans sa jeunesse, Ricardo Velesar est devenu l'un des 20.000 vendeurs de billets de loterie de la ONCE, la puissante organisation des aveugles d'Espagne, un empire qui étend son action caritative à l'ensemble des handicapés.

Dans sa cahute chauffée, plantée près d'une bouche de métro de la place Manuel Becerra à Madrid, Ricardo plaisante avec les clients qui attendent dans la file.

"Je suis parvenu à mener une vie normale. Je ne sais pas ce que je serais devenu sans la ONCE", témoigne cet homme de 46 ans, atteint de retinitis pigmentosa, une maladie des yeux congénitale et dégénérative, qui l'a peu à peu rendu aveugle après qu'il a quitté l'école secondaire.

Employé par la ONCE depuis 1990, le vendeur de loterie fait aujourd'hui vivre sa femme, aveugle elle aussi, rencontrée à travers l'organisation, et leur petite fille de six ans. Il a réussi à épargner suffisamment pour acheter son appartement.

"Je leur suis très reconnaissant parce que j'ai pu faire vivre une famille, j'ai un travail stable et digne", ajoute-t-il.

Les premières années ont été dures, lorsque les portes des employeurs se fermaient devant lui, avant qu'il ne rejoigne la ONCE. Devenu complètement aveugle, il a reçu un chien qui l'accompagne dans ses déplacements.

Comme lui, 20.000 vendeurs de loterie dans toute l'Espagne, handicapés à des degrés divers, sont employés par cette institution créée il y a 75 ans dans le but d'aider les aveugles à gagner leur vie, et à ne pas dépendre des aides sociales.

Elle a ensuite élargi sa mission, venant en aide aux handicapés de toutes sortes.

En 2013, l'organisation a reçu le prix Prince des Asturies de la Concorde, considéré comme le Nobel espagnol: le jury a salué son "extraordinaire travail", qui a contribué à offrir "dignité et qualité de vie à des millions d'handicapés en Espagne".

L'oeuvre de la ONCE constitue "un exemple pour de nombreuses initiatives internationales", ajoutait le jury.

L'institution se finance à travers la vente de ses billets de loterie, pour un montant annuel de 1,9 milliard d'euros. La moitié de cette somme finance les gains, le reste est consacré à l'emploi, à des activités de rééducation et d'éducation spécialisée.

Outre le travail qu'elle fournit à ses vendeurs, la ONCE possède en totalité ou en partie 29 sociétés employant des handicapés. Parmi elles, une agence de presse, une blanchisserie industrielle, une chaîne d'hôtels et une agence d'intérim qui fournit femmes de ménage et gardiens pour les bureaux.

En 2013, la ONCE a créé 7.100 emplois pour handicapés, au moment où le chômage en Espagne reste à des sommets, à 26 pour cent des actifs. Au total, elle emploie plus de 65.000 personnes.

"Je crois que nous avons enlevé un grand poids à l'administration. Nous avons basé notre modèle sur le fait que nous sommes des personnes actives, sur l'idée que nous devons tous être appréciés pour ce que nous avons, et pas pour ce dont nous manquons", explique son président, Miguel Carballeda, qui a débuté sa carrière, lui aussi, comme vendeur de billets de loterie.

Parmi l'éventail de ses activités éducatives, la ONCE traduit en braille des livres pour étudiants désirant suivre un cursus universitaire et dirige une école de physiothérapie pour aveugles.

Les classes sont plus petites que dans d'autres écoles semblables. Ils sont au maximum 24 à passer leur diplôme chaque année, après quatre ans d'études, et tous trouvent habituellement du travail.

Non pas parce que les aveugles ont une plus grande sensibilité au toucher, comme le pensent beaucoup de gens à tort, souligne Javier Sainz de Murieta, le directeur de l'école, mais parce qu'ils reçoivent une formation plus poussée que dans d'autres écoles.

"S'il ne reçoivent pas une formation plus approfondie, les gens préfèreront quelqu'un sans handicap", assure-t-il.

Isabel Chacon, qui à 33 ans s'apprête à passer son diplôme en mai, raconte que cette école a donné une nouvelle orientation à sa vie, alors qu'elle a perdu la vue il y a six ans par suite de complications d'un diabète.

"Je suis vraiment heureuse. C'est un sentiment très agréable que d'aider les malades. Ils nous traitent avec beaucoup d'affection. Il se crée entre nous un lien très étroit", confie la jeune femme.

ds/sg/jr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.