Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Avortement en Europe: les restrictions en Espagne et ailleurs font craindre pour les droits des femmes

Restrictions sur l'avortement en Espagne... et ailleurs en Europe?
DR

Autorisé jusqu'à dix semaines de grossesse au Portugal contre vingt-quatre au Royaume-Uni; intégralement remboursé en Italie mais à la charge de la femme en Lettonie; très réglementé ou carrément interdit en Irlande en Pologne et à Malte... il existe presque autant de législations sur l'avortement que de pays sur le "Vieux continent".

Profondément remis en cause par un projet de loi en Espagne, le droit à l'avortement est aussi interrogé en Suisse. Le 9 février prochain, les Helvètes se prononceront par référendum sur le remboursement de l'IVG. Le texte mis au point par les élus de plusieurs partis conservateurs remet en cause la prise en charge de l'avortement par le régime de base de l'assurance-maladie. Selon eux, l'IVG est un choix d'ordre privé qui ne doit pas être financé par l'ensemble des citoyens.

En France, le droit à l'avortement n'est pas remis en cause mais ses opposants souhaitent faire entendre leur voix. À l'instar du ministre espagnol de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon, "convaincu" que sa loi sur l'avortement s'étendra en Europe, le collectif "En marche pour la vie" (proche de "La Manif pour tous" et des milieux catholiques) défile à Paris le 19 janvier pour demander l'abolition de l'avortement. De leur côté, le Planning Familial et d'autres associations organisent le 1er février à Paris une manifestation pour la défense du droit à l'IVG en Espagne.

Regardez ci-dessous un rappel des législations sur l'avortement de 30 pays d'Europe :

Cliquez sur les pastilles de couleur pour davantage de détails. En bleu, les pays dont la législation est la plus (libérale), en vert ceux ou l'avortement est autorisé sur demande de la femme, en vert clair ceux ou cette demande est soumise à des conditions préalables plus strictes, en rouge clair ceux où l'avortement est restreint à des cas particuliers, et en rouge ceux où les lois sont les plus restrictives.

(Suite de l'article sous la carte)

Si la majorité conservatrice du Parlement espagnol parvient à s'accorder sur le texte de loi malgré les sondages défavorables et les dissensions internes (vraisemblablement après les élections européennes de mai 2014), la France pourrait devenir la destination privilégiée des femmes espagnoles souhaitant avorter.

En France, les étrangères et/ou non-résidentes qui demandent une IVG sont soumises aux mêmes conditions que les citoyennes françaises. Mais, tempère pour Le HuffPost Danielle Gaudry, gynécologue et responsable de la commission avortement du Planning Familial, l'IVG n'est pas prise en charge par l'État si l'acte pratiqué en France est contraire aux lois du pays d'origine de la femme. Avec la future législation, une Espagnole qui souhaite se faire avorter dans un établissement public français, mais dont la grossesse n'augure pas de risque ou n'est pas le résultat d'un viol, devra financer son avortement.

Les Françaises vont aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou... en Espagne

Le Planning Familial estime à 1300 le nombre d'étrangères qui passent chaque année par ses centres pour être orientées dans un établissement français. Dans le sens inverse, l'association évalue entre 4000 et 5000 le nombre de Françaises qui franchissent chaque année les frontières pour avorter dans un pays aux délais légaux plus souple qu'en France. Majoritairement aux Pays-Bas, mais aussi au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou... en Espagne. Pour quelques mois encore et depuis 2010, la loi espagnole autorise l'avortement jusqu'à 14 semaines de grossesse contre 12 semaines en France.

De notre côté des Pyrénées, il faudra certainement attendre que passent les élections municipales du mois de mars pour que la timide indignation de quelques responsables politiques soit suivie d'effets. Dès le mois d'avril, la perspective des élections européennes offrira à ceux qui veulent la saisir l'occasion d'évoquer une éventuelle harmonisation des législations européennes et la délicate question du "tourisme abortif". Danielle Gaudry prévoit d'ailleurs une campagne européenne du Planning Familial pour demander que le droit à l'avortement soit inscrit dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

Interrogée sur le projet de loi du gouvernement espagnol, la ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a évoqué "un certain nombre de lobbies très conservateurs qui, partout en Europe, essayent de remettre en cause les acquis fondamentaux". Dans ce contexte, "il faudra clairement nous exprimer parce que les élections européennes devront être l'occasion aussi de parler de ces sujets-là, des libertés fondamentales", a-t-elle ajouté. "Les lobbies anti-avortement d'Europe essaient depuis plusieurs années d'obtenir la reconnaissance du fœtus comme personne humaine, indique aussi Danielle Gaudry. Mais depuis trois ou quatre ans, leurs mouvements ont pris de l'essor et ils ont réussi à mobiliser au-delà de leurs sphères habituelles".

L'Irlande condamnée pour le flou juridique entourant la question de l'avortement

Si la Cour européenne des droits de l'homme a déjà condamné plusieurs pays pour non-respect de leurs propres lois sur l'avortement, l'Union européenne peine à établir le début d'une harmonisation chez ses pays membres, et ce malgré une résolution adoptée en juillet 2000 recommandant aux États et aux pays candidats d'ouvrir le droit à l'avortement. En condamnant l'Irlande en décembre 2010 pour le flou juridique entourant la question, la Cour estimait même que Dublin bénéficie d'une "ample marge d'appréciation" sur le sujet, en l'absence de "consensus européen sur la définition scientifique et juridique des débuts de la vie".

Le 10 décembre, 10 jours avant l'adoption du projet de loi espagnol en Conseil des ministres, le Parlement européen a rejeté un texte préconisant le droit des femmes à l'avortement et à la contraception quel que soit leur pays de résidence en Europe. Présenté par une socialiste portugaise, le texte était dénoncé avec force par l'extrême droite et les mouvements hostiles à l'avortement.

Le même jour, les députés européens ont préféré voter (334 voix pour, dont celles des députés européens de l'UMP, 327 contre et 35 abstentions) un texte réaffirmant la primauté des États sur les questions comme l'avortement et la contraception. Le nouveau texte laisse ainsi la liberté aux États membres de définir les politiques relatives à la santé et à l'éducation. À Malte, un protocole annexé au traité d'adhésion de Malte à l'Union européenne (en 2004) garantissait déjà que la législation européenne actuelle et future ne pourra modifier la loi maltaise sur l'IVG.

INOLTRE SU HUFFPOST

Des députés à Ottawa contre l'avortement

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.