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Turquie: Erdogan fragilisé par les affaires, menacé par la rue

Turquie: Erdogan fragilisé par les affaires, menacé par la rue

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan fragilisé par une crise sans précédent, faisait face vendredi à la contestation dans la rue dans plusieurs grandes villes de Turquie où des manifestations étaient organisées pour réclamer sa démission.

Six mois après la fronde qui a fait vaciller son pouvoir, plusieurs organisations ont appelé à des rassemblements de masse à Ankara et Istanbul, sur l'emblématique place Taksim, pour exiger le départ de M. Erdogan et de son gouvernement islamo-conservateur.

L'armée turque qui a pris plusieurs fois dans le passé le pouvoir en Turquie, a jugé bon d'affirmer publiquement qu'elle refusait de prendre parti dans cette crise.

"Les forces armées turques (TSK) ne veulent pas être impliquées dans les débats politiques", selon un communiqué en ligne.

La crise politique a également provoqué une forte nervosité sur les marchés. La devise nationale est tombée à 2,1661 livres pour un dollar vendredi, soit un nouveau plus bas historique, en dépit d'interventions de la banque centrale. La Bourse d'Istanbul a reculé de 2%.

M. Erdogan a de nouveau affirmé vendredi être la victime d'un "complot" de "lobbies des taux d'intérêts et du chaos", exploitant son pays et ses richesses.

"Ce complot est une opération pour empêcher l'avènement de la nouvelle Turquie", a-t-il martelé lors d'une allocution à Sakarya (nord-ouest), s'en prenant fermement à l'action de certains procureurs et magistrats qui ont mis au jour le scandale.

"Le peuple va les juger", a-t-il lancé.

Le remaniement gouvernemental d'urgence qu'il a opéré après la démission de trois ministres éclaboussés, n'a pas suffi à étouffer l'onde de choc.

L'annonce jeudi du dessaisissement d'un des procureurs en charge de l'enquête a mis en lumière le bras de fer qui oppose la justice turque et l'exécutif.

Dénonçant des "pressions" de la police et de sa hiérarchie, ce procureur a accusé la police d'avoir refusé d'appréhender une trentaine de personnes, notamment des personnalités proches du Parti de la justice et du développement (AKP) du Premier ministre, et des hommes d'affaires connus.

Le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative turque, a asséné un camouflet à l'exécutif en bloquant vendredi un décret gouvernemental controversé publié dans la foulée du scandale, obligeant la police à informer sa hiérarchie avant toute arrestation.

La presse a vu dans cette épreuve de force entre le gouvernement et la police d'un côté, la magistrature de l'autre, une atteinte flagrante à l'indépendance de la justice.

La presse turque a confirmé par ailleurs que l'enquête s'intéressait de près à l'un des deux fils du Premier ministre, Bilal Erdogan, président d'une fondation, soupçonné de trafic d'influence.

Le chef du gouvernement aurait lui-même admis son inquiétude. "La cible principale de cette opération, c'est moi", aurait-il dit à son entourage.

Vendredi deux rassemblements étaient prévus à Ankara et Istanbul dans l'après-midi, un mouvement qui fait ressurgir le spectre de la fronde antigouvernementale qui a défié l'autorité de M. Erdogan en juin dernier.

La police, au centre de la controverse, est soumise à une purge inédite depuis le coup de filet anticorruption du 17 décembre. Le chef de l'exécutif a entamé une chasse aux sorcières en sanctionnant plus d'une centaine de hauts gradés. Il reproche à ces officiers de ne pas avoir mis le gouvernement au courant de l'enquête qui le vise.

Trois députés du parti gouvernemental, menacés d'expulsion pour s'être prononcés en faveur de l'indépendance de la justice, ont d'autre part annoncé vendredi leur démission.

"Il n'est plus possible de faire entendre quoi que ce soit au parti au pouvoir", a indiqué l'un d'eux, Ertugrul Günay, un ancien ministre de la Culture, qui a accusé son ancien parti d'"arrogance" et d'entraver les actions de la justice.

En dix jours, l'AKP a perdu cinq députés.

Si aucun nom n'a été cité, selon les spécialistes, derrière la découverte des affaires de corruption, il y a la confrérie de l'imam Fethullah Gülen, qui avait soutenu le Premier ministre à son arrivée au pouvoir.

Mais, depuis deux ans, des désaccords sont apparus entre le régime et la confrérie. Récemment, la décision du Premier ministre de fermer les établissements de soutien scolaire, principale source de revenus de la confrérie, a été perçue par le clan Gülen, omniprésent dans la police et la magistrature, comme une déclaration de guerre.

De l'avis général, l'ampleur du scandale est capable d'affecter le score de M. Erdogan aux élections locales de mars et à la présidentielle d'août qui, pour la première fois, aura lieu au suffrage universel direct.

BA/via

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