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Pourquoi on ne peut pas s'empêcher de faire des selfies...

Pourquoi on ne peut pas s'empêcher de faire des selfies...
Thomas Barwick via Getty Images

Nous le faisons depuis le confort banal de notre chambre ou de notre bureau, pour commémorer des occasions spéciales, comme des vacances à la mer ou l'achat d'un nouveau chapeau. Le mot est rentré dans le dictionnaire anglais, à côté de "selfhood" (individualité) et "selfish"(égoïste). Et cette année, il a gagné sa place de mot de l’année 2013 dans le Oxford English Dictionary. Le "selfie" s’est emparé de notre culture - et de nos smartphones.

L’envolée du selfie est devenue universelle – touchant aussi bien présidents, pape, célébrités, et simples citoyens – et cette mode ne fait que prendre de l’ampleur. Un sondage récent mené par le Pew Internet & American Life Project a ainsi établi que 54 % des utilisateurs d’Internet ont posté des photos faites par eux en ligne. Et sur ces centaines de millions de photos, beaucoup s’apparentent au selfie. Par exemple, il y a actuellement 62 millions de photos avec le tag "selfie" sur Instagram, ce réseau social qui a largement contribué à la popularité de l’auto-portrait. Ce chiffre, en constante augmentation, n’inclue pourtant pas les selfies échangés sur Facebook et Twitter.

Malgré sa définition dans le dictionnaire ("une photo prise de soi-même, en général avec un smartphone ou une webcam et postée ensuite sur un réseau social"), la première mention du mot selfie remonte à un forum en ligne australien de 2002 – bien avant l’ère des caméras de face de l’iPhone et la mode des réseaux sociaux. Pourtant, ce qui différencie un selfie d’un auto-portrait pourrait être sa technique (de pointe) et, vraisemblablement, sa méthode de circulation sur les réseaux sociaux.

Qu’est-ce qui rend un selfie si passionnant – et pourquoi nous sentons nous obligés d’en prendre ? Selon Pamela Rutledge, psychologue et directrice du Centre de recherche de psychologie média américain, le désir de faire des selfies, de les poster et d’en obtenir des "j’aime ", vient d’un comportement biologique propre à tous les humains.

Rutledge explique ainsi au Huffington Post : "Je pense que cela influence notre perception des liens sociaux, de la même façon, par exemple, que lorsque vous allez à une soirée et que des gens s’exclament 'Oh, j’adore ta robe'. La validation sociale, biologique est un vrai besoin et il y a même une région du cerveau dévolue à l’activité sociale."

Les selfies, vieux de deux siècles ?

La naissance du selfie ne date pas des premiers smartphones. Comme le fait remarquer la BBC, on pourrait arguer que les premiers selfies ont été pris dans les années 1800 avec des miroirs ou en utilisant un minuteur. Ils correspondent à la définition orthodoxe puisque le photographe était aussi le sujet de la photo et que si on regarde la technologie de l’époque, l’appareil photo était un gadget aussi dernier cri que notre iPhone moderne. Bien que beaucoup de ces photos prises soi-même incluaient de grands groupes de famille ou d’amis (contrairement au selfie en solo actuel), certaines personnes de cette époque ont fait preuve de créativité pour prendre des images d’elles-mêmes, posant devant des miroirs afin d’obtenir des clichés individuels.

Mais à l’ère digitale, les selfies ont décollé d’une façon totalement inattendue. Les humbles débuts du selfie sur Internet ont vu les utilisateurs de réseaux sociaux retourner leur appareil photo ou, comme à la fin du XIXème siècle, utiliser des miroirs pour prendre des photos d’eux-mêmes pour des réseaux sociaux précurseurs comme Myspace – ou simplement pour envoyer à leurs amis ou par plaisir personnel.

Que ce soit à travers l’objectif d’un appareil photo de 1860, ou face à votre iPhone, Rutledge émet l’hypothèse qu’une photo personnelle confère un sentiment de contrôle et de maîtrise: "En un sens, cela vous permet d’explorer plus qu’avec la plupart des photographes. Vous pouvez contrôler l’image que vous diffusez ; et vous en êtes à la fois le photographe et le sujet, ce qui peut être un sentiment libérateur."

Les points positifs et négatifs

Alors, les selfies nous aident-ils ou nous font-ils du mal ? On dirait que c’est un peu les deux. Selon une étude récente anglaise, partager trop de photos personnelles – y compris des selfies – peut faire du tort à nos relations et nous rendre moins appréciable.

"Nos recherches ont montré que ceux qui postent fréquemment des photos sur Facebook risquent de le faire aux dépends de leurs relations dans la vraie vie", explique dans son rapport le Dr David Houghton, en charge de l’étude. "Ceci est dû au fait que, hormis les amis et les proches, les gens ont du mal à interagir avec ceux qui partagent constamment des photos d’eux-mêmes."

Certains experts émettent la possibilité que les photos partagées sur les réseaux sociaux, y compris les selfies, peuvent façonner l’estime de soi, ainsi que le comportement des adolescents. Les mots "selfie" et "narcissisme"sont souvent reliés, et des recherches ont établi que certaines photos postées sur les réseaux sociaux, comme celles d’amis s’amusant lors d’une soirée, peuvent aggraver le sentiment de solitude chez celui qui les regarde.

Cependant, certains psychologues soutiennent que les selfies peuvent être une affirmation de soi, tout en révélant nos tendances égocentriques. Dans un blog posté sur Psychology Today l la psychologue Peggy Drexler affirme que les selfies peuvent êtres valorisants, s’ils sont considérés de la bonne manière.

Les femmes, qu’elles soient riches et puissantes… ou autres, ont de plus en plus une image positive d’elles-mêmes. C’est une bonne chose. La créatrice de la série Girls, Lena Dunham, est une grande fan du selfie, aussi bien dans les réseaux sociaux que dans sa série – qui partage avec le selfie un côté "aveu". A la télévision, le personnage de Lena Dunham apparaît souvent nu ou à divers stades de déshabillage : dans la vie réelle, ses selfies sur Instagram ne sont pas forcément flatteurs selon les standards habituels. Ils mettent au défi "l’idéal hollywoodien", ce qui est, aussi, une bonne chose, surtout à une époque où les célébrités de taille 34 dominent autant l’écran. Plus la fourchettes de types de silhouettes est large, mieux c’est.

En d’autres termes, bien que le fait de prendre un selfie puisse paraître comme un geste égocentrique mettant en jeu des attentes de genre, d’âge, et de statut social, les amateurs de selfies ne sont pas simplement des sujets, ils sont aussi des metteurs en scènes capables de partager une vision artistique et un message plus importants, tout comme le ferait un photographe traditionnel. Et parce que c’est le cas, certains selfies peuvent diverger d’un portrait classique.

Selon Rutledge, quand c’est fait de façon réfléchie, prendre un auto-portrait peut vraiment permettre de trouver confiance en soi. "Je crois que les selfies permettent aux gens d’assumer de différentes façons. Il y a des moments où les femmes ne s’aiment pas du tout, alors la tendance opposée montrant des femmes normales –comme le fait la campagne des savons Dove– va dans la bonne direction; et avec les selfies, on a un déluge de femmes et d’hommes normaux", explique-t-elle. "Quand vous avez l’impression d’avoir plus le contrôle, vous avez plus tendance à essayer de nouvelles choses, à prendre plus de risques, et à expérimenter davantage pour gagner en confiance."

Pour un selfie sain

Il y a une façon de s’adapter à cette nouvelle culture du selfie. Que vous soyez un novice ou un pro en la matière, il y a toujours des façons réfléchies de procéder quand vous postez, conseille Rythledge. Elle propose deux principes fondamentaux pour poster sur les réseaux sociaux:

La règle de la grand-mère: "Ne postez rien en ligne, que ce soit écrit ou en photo, que vous ne voudriez pas que votre grand-mère ou votre futur employeur voit. Surtout les selfies."

La règle de l’ascenseur : "Vous ne voudriez pas dire quelque chose dans un ascenseur que vous, ou quelqu’un d’autre, n’aimerait pas entendre – le monde entier des réseaux sociaux est un ascenseur. Soyez conscient de l’ampleur de la plateforme. C’est facile de croire que vous partagez une photo avec quelques personnes, mais Instagram est public et n’importe qui peut tomber dessus."

Au final, selon Rutledge, c’est surtout une question d’équilibre et d’ouverture d’esprit. "S’ils sont bien faits, les selfies ont un potentiel créatif", dit-elle. "Pour se sentir bien, on doit se connaître soi-même et les selfies fournissent un nouveau rituel pour le faire."

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