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«Aimer les monstres» : l'imaginaire surpeuplé d'Émile Proulx-Cloutier

«Aimer les monstres» : l'imaginaire surpeuplé d'Émile Proulx-Cloutier
Disques La Tribu / Rolline Laporte

On l’avait adoré lorsqu’il était monté sur la petite scène du Studio-Théâtre de la Place des Arts, en début d’année. On attendait impatiemment son premier album pour pouvoir se délecter à profusion de ses airs inclassables, empruntant à tous les accents, du folk au hip-hop, et défilant l’une à la suite de l’autre des images puissantes, saisissantes, réelles dans nos esprits.

C’est maintenant chose faite. Aimer les monstres est dans les bacs depuis la fin novembre. Émile Proulx-Cloutier assume désormais son statut d’auteur-compositeur-interprète. On lui en aurait voulu de nous priver de tant de beauté et d’authenticité. Le comédien de Toute la vérité, qui manie aussi la caméra comme réalisateur et écrit long et court métrages, a décidément tous les talents.

«J’ai toujours improvisé au piano, sans partitions, raconte Émile. Je me promenais sur le piano comme on va marcher en montagne. Et j’ai toujours écrit des poèmes, des bouts d’histoires, des réflexions, des scénarios. Toute ma vie, il y a eu les mots d’un bord, la musique de l’autre. J’ai eu d’autres passions, comme le théâtre et le cinéma, mais la musique était pour moi un espace où j’allais prendre l’air.»

«Il y a quatre ans, suite à un paquet d’événements dans ma vie, je me suis demandé si je pouvais être un raconteur d’histoires, avec presque rien, et mélanger les mots, le piano, la scénarisation, le jeu. Pour bâtir des petits films, me mettre dans les bottines de personnages qu’on ne m’offre pas comme acteur, et reprendre contact avec ma fantaisie, mon rythme, mon humour et une certaine mélancolie. Aller explorer une zone de censure, plus rageuse, plus folle, plus baveuse, plus puérile, que je n’exploite pas en tant que comédien.»

Partir à la base

Pour apprivoiser cette nouvelle corde à son arc, Émile a voulu commencer «à la base». Pour ce faire, il s’est inscrit au Festival en chanson de Petite-Vallée, en 2011. Utiliser sa notoriété déjà existante pour faire connaître cet autre aspect de son imaginaire aurait été pour lui une «porte d’entrée piégée». Son initiative fut heureuse; son matériel jusque-là secret lui a valu sept prix, soit la quasi-totalité des distinctions remises au terme de l’événement gaspésien.

«Il a fallu qu’on me botte le cul, et surtout, que jeme le botte moi-même, pour m’inscrire, relate-t-il. J’ai envoyé mon démo et j’ai passé une audition. Je me suis demandé : “Par où ça commence, quelqu’un qui écrit des chansons et qui veut les présenter?” Et c’était là. À Petite-Vallée. À 12 heures de Montréal. Sur le bord de l’eau. Et les gens m’ont compris. Un nouveau recoin de ma vie, dans lequel je n’étais pas encore trop allé, s’est ouvert.»

Conséquent dans sa démarche, l’artiste n’a pas voulu enregistrer un disque immédiatement. Il s’était fixé l’objectif de donner 40 spectacles avant d’entrer en studio. Et il a tenu parole. La tournée Les chansons cachées l’a mené aux quatre coins de la province, et l’expérience a été déterminante.

«C’est un métier et je voulais l’apprendre. Je me suis dit que je l’apprendrais en faisant des spectacles. Je voulais user mes bottes sur des scènes, que ces chansons me soient passées souvent dans la bouche. Et j’avais une petite crainte du studio. Sur scène, il y a des gens devant toi, mais en studio, à qui tu parles? Heureusement, Philippe Brault, le réalisateur, a plongé complètement dans mon monde.»

Une part d’ombre

Son monde, Émile Proulx-Cloutier le peuple de personnages plus grands que nature, auxquels on s’attache instantanément : un adolescent en difficulté dans Aimer les monstres, une femme blessée par l’amour dans Le tambour de la dernière chance, un homme usé par le temps dans Les mains d’Auguste, une aubergiste à la cuisse légère dans Madame Alice. Il aborde même la vie amoureuse des insectes dans Le grillon et la luciole. Fallait y penser.

«Je veux déployer des images dans la tête des gens, que la musique soit une pulsion de vie, et que la tension reste entre les deux. Le but, c’est que les gens aiment la vie un peu plus à la fin de chaque spectacle ou après avoir écouté l’album. Mais ça ne passe pas toujours par des chansons joyeuses! Parfois, c’est dans la désespérance qu’on touche le fond et qu’on remonte ensuite.»

«Je voulais qu’il y ait une diversité et une cohérence sur l’album, continue le jeune homme. Même les instruments racontent quelque chose. Le piano est toujours là. Parfois, le quatuor à cordes représente un souvenir. Ici, la guitare électrique ronronne comme un moteur de voiture. Là, un chœur illustre la solitude anonyme des villes. À chaque chanson, on se demandait comment “filmer” ça, tout en restant musical.»

Et Aimer les monstres? Le titre fait sourciller. Qu’on ne s’y méprenne pas, la belle gueule du jeune trentenaire ne cache pas de déviances psychologiques.

«Tous ces personnages ont une part d’ombre, un petit monstre intérieur, illustre-t-il. Quelque chose qui pourrait potentiellement être dangereux, inquiétant, mais aussi profondément humain. Ils vont la regarder comme il faut, cette part d’ombre, se faire avaler par elle, ou faire la paix avec elle. C’est peut-être, un peu, pour régler des comptes avec ma part d’ombre à moi…»

Pour découvrir la magie des mots d’Émile Proulx-Cloutier, rien de tel que de l’applaudir en salle. Il effectuera sa rentrée montréalaise au Théâtre Outremont, les 3, 4 et 5 avril 2014. Ne le ratez pas. Émile le comédien, lui, sera de retour dans Toute la vérité en septembre prochain et vient de compléter le tournage de la web-série Agents secrets, propulsée par Z Télé et qui sera en ligne au printemps. Quant à Émile le cinéaste, il planche sur un projet de documentaire avec sa conjointe, Anaïs Barbeau-Lavalette. Quel en est le sujet?

«On s’en reparlera!»

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