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Bilan de la commission Charbonneau: Ken Pereira avait raison... et encore, il ne savait pas tout!

Bilan de la commission Charbonneau: Ken Pereira avait raison... et encore, il ne savait pas tout!
CEIC

Quel bilan peut-on tirer des travaux de la commission Charbonneau des derniers mois? Eh bien, que Ken Pereira avait raison : le crime organisé avait bel et bien ses entrées à la FTQ-Construction et son directeur général, Jocelyn Dupuis, y régnait, tout puissant, fort de ses appuis occultes.

Un texte de Bernard Leduc

Et si ce dernier s'en défend, les écoutes policières, elles, sont éloquentes, car elles ont cet avantage de faire parler les absents.

C'est ainsi, grâce à elles, que l'hypothèse d'une lutte d'influence entre les clans de Jean Lavallée et de Jocelyn Dupuis pour l'accès au Fonds de solidarité FTQ, avancée par Ken Pereira, a pu être confortée.

Mais le triomphe électoral de Jocelyn Dupuis à l'automne 2008 sur le président sortant de la FTQ-Construction et son ami Tony Accurso, salué par ses amis criminels, sera de courte durée.

La pression des médias doublée du travail de sape de Ken Pereira ont en effet rapidement raison de Jocelyn Dupuis, mais aussi de Jean Lavallée, au printemps 2009 : l'un perd l'accès tant convoité au Fonds de solidarité, l'autre son siège au C.A. de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds.

Jocelyn Dupuis, qui a reconnu sans détour avoir fait des démarches auprès du Fonds au bénéfice du mafieux Raynald Desjardins pour Carboneutre et du sympathisant Hells Angels Ronald Beaulieu pour Pascal, en ressort donc bredouille.

Jean Lavallée, lui, perd l'emprise qu'il exerçait sur la SOLIM grâce à la complicité de son PDG maintenant déchu Guy Gionet, de l'entrepreneur Tony Accurso et de Denis Vincent, « courtier fantôme » proche des Hells Angels, impliqué dans des dossiers « toxiques », et avec qui le Fonds coupe tout lien au printemps 2009.

Voici un bref retour sur quelques propos marquants entendus cet automne à la commission Charbonneau:

« Jocelyn Dupuis, c'est un homme qui ne se cachait de rien (...). Il aimait se démontrer que sa famille, c'était la FTQ, mais il en avait une autre. Et ça, peut-être c'est la raison qu'ils n'ont pas dénoncé Jocelyn Dupuis. Qui est son autre famille? La famille des Hells ou la famille de la mafia. Les deux, ou un ou l'autre? Je pense qu'il les avait les deux amis. » — Échange entre Ken Pereira et le procureur Simon Tremblay

« Pour moi, c'est pas des personnes qui faisaient partie du crime organisé, c'est des personnes qui avaient eu des erreurs de parcours, et j'ai essayé de les aider le plus possible. » — Jocelyn Dupuis

Jocelyn Dupuis a reconnu ses liens d'amitié avec Raynald Desjardins et leur implication commune dans l'entreprise Carboneutre pour laquelle il tentera, en vain, d'obtenir du financement du Fonds:

« Toi, signerais-tu un deal avec Vito Rizzuto, le vice-président d'une compagnie? Non. Bon, ben le Fonds ne signera pas ça. » — Michel Arsenault vient de découvrir que Raynald Desjardins est derrière Carboneutre, le 22 février 2009

Il nie cependant que ce mafieux notoire ait eu de l'influence à la FTQ, ce que contredit le témoignage de Ken Pereira sur l'origine de la querelle Dupuis-Lavallée ainsi que les écoutes électroniques :

« C'est pas la décision à Jocelyn, c'est la mienne. C'est assez que Tony (Accurso) et Johnny (Lavallée) gèrent le Fonds, c'est à peu près temps qu'ils laissent une partie du gâteau à nous autres, à moi pis à Jocelyn. » — Ken Pereira rapporte les propos de Raynald Desjardins

« Je pouvais pas me présenter contre Lavallée sans l'accord, sans être sûr que Desjardins m'ferait pas de marde. » — Michel Arsenault rapporte les propos de Richard Goyette, élu directeur général de la FTQ-Construction en novembre 2008

Le clan Dupuis a remporté les élections à la FTQ-Construction par 62 voix contre 60, le 12 novembre 2008. Le Hells Angel Jacques « Israël » Émond aurait joué un rôle dans cette victoire (suite d'extraits) :

  • « Félicitation les boys, merci mon chum (...) Une chance, le gros Dominique, que j'ai été cherché, a fait la différence de deux votes » - échange entre Ronald Beaulieu et Jocelyn Dupuis
  • « J'ai fait ce qu'ils m'avaient demandé, je me suis retiré pis j'ai voté pour ton gars » - échange entre le syndicaliste Dominique Bérubé et Jacques « Israël » Émond
  • « J'ai pas appelé Jacques Émond pour qu'il intervienne durant les élections. » - Jocelyn Dupuis

Jocelyn Dupuis a reconnu avoir défendu le dossier Pascal du sympathisant Hells Angels Ronald Beaulieu auprès du Fonds de solidarité et confié que, tout comme pour Carboneutre, il se serait joint à l'entreprise si elle n'avait fait faillite :

« C'est pas vrai que je vais lâcher Ronnie Beaulieu là-dessus. (...) Moi, j'vas le sortir, m'a sortir publiquement, tabarnak, comme quoi j'avais eu une entente avec vous autres. S'il y faut, j'vais faire une entrevue là-dessus. Je l'avais eu avec Yvon Bolduc, avec Jean Lavallée, je l'avais eu avec Guy Gionet pis y s'était engagé là-dessus (...) Je perdrai pas mon chum Ronald Beaulieu, je suis un gars de parole. » — Jocelyn Dupuis s'adresse à Michel Arsenault, le 20 avril 2009

« C'est clair que soit il a pris des engagements avec Ronnie, ou qu'il est moitié-moitié là-dedans. Moi, je pense qu'il est pogné avec les Hells. Il a fait des promesses à ces gars-là, les Hells - les Hells ou la mafia - pis y est pas capable de les tenir parce qu'il doit avoir des comptes à rendre : c'est pour ça qu'il est sur les nerfs. » — Échange entre Michel Arsenault et son conseiller Gilles Audette, le 1er mai 2009

Le projet TIPI de Laurent Gaudreau, financé par la SOLIM, a permis de mettre en lumière les liens entre Denis Vincent, Guy Gionet et Jean (Johnny) Lavallée. Lors de son témoignage, M Gaudreau a confirmé, comme le rapportait Enquête, que Denis Vincent, avait tenté, en 2007, de lui extorquer 250 000 $ pour que le projet aille de l'avant:

  • « Il me dit : ''Ça prend 250 000 $ pour Johnny'' à deux reprises. » - Laurent Gaudreau sur Denis Vincent
  • « je ne sais pas d'où ça sort ce 250 000. Je vais parler à Denis Vincent puis je vais te revenir. » - Laurent Gaudreau sur Jean Lavallée
  • « Jean Lavallée et Denis Vincent étaient extrêmement proches[...] Les deux faisaient beaucoup de voyages de pêche et de chasse. » - Laurent Gaudreau
  • « Monsieur Gionet, lui, aimait pas que je questionne l'autorité de Denis Vincent. » - Laurent Gaudreau
  • « Si tu ne fais pas ce que je dis, il n'y en aura pas, de projet. C'est moi qui "runne" chez SOLIM. » - Laurent Gaudreau sur Denis Vincent

« On était à la table et Denis Vincent avait le livre de Vito Rizzuto. Puis il l'a donné, à ma connaissance, à Jean (Lavallée). Il dit: ''Tu liras ça, tu vas voir qu'il y a bien du monde qu'on connaît là-dedans''. » — Souvenir de Laurent Gaudreau d'une rencontre à L'ONYX de Tony Accurso.

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