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100 jours d'audiences pour déterminer l'avenir de l'éducation en français en C.-B.

100 jours d'audiences pour déterminer l'avenir de l'éducation en français en C.-B.

Un texte de Annick Forest

Une des plus importantes poursuites contre le gouvernement provincial de l'histoire de la Colombie-Britannique doit commencer aujourd'hui au palais de justice de Vancouver, celle qui doit établir les obligations du gouvernement provincial quant à l'éducation en français.

Le Conseil scolaire francophone (CSF) et la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique (FPFCB) poursuivent la province pour l'obliger à reconnaître ses devoirs constitutionnels, et pour donner au CSF les moyens d'offrir le même niveau de services aux élèves des écoles francophones que celui offert aux élèves des écoles anglophones.

Le début des audiences pourrait toutefois être retardé, car mercredi dernier, la province a demandé une nouvelle fois que la cause du CSF et de la FPFCB soit fusionnée à la poursuite des parents de l'École Rose-des-Vents.

La poursuite intentée par le CSF et la FPFCB est importante, autant par l'ampleur des travaux à venir que par la portée des décisions qui seront prises.

L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés donne aux Canadiens le droit de faire éduquer leurs enfants dans la langue de la minorité, là où le nombre le justifie, dans des établissements d'enseignement financés par les fonds publics provinciaux.

La province et les représentants des parents s'entendent sur ce droit, mais pas sur l'ampleur des obligations gouvernementales qui en découlent.

La position du CSF et de la FPFCB

Le CSF et la FPFCB demandent essentiellement à la justice de définir les devoirs du gouvernement provincial pour l'éducation en français et la qualité du financement requis pour répondre à ses obligations.

Les demandeurs s'attaquent à tout le système de financement des écoles francophones en Colombie-Britannique, alléguant que le mode de financement actuel ne permet pas au CSF d'offrir le même niveau de service aux élèves des écoles francophones que celui offert aux élèves des écoles anglophones.

D'autre part, les plaignants réclament la construction de 15 écoles d'un seul coup, pour rattraper ce qu'ils qualifient de retard accumulé par rapport aux écoles anglophones, un investissement d'environ 300 millions de dollars.

« La Fédération des parents et le CSF proposent la création d'une fiducie, c'est-à-dire que la province mette de côté une somme d'argent assez importante au profit de la communauté francophone, dont les intérêts, les profits, aideraient à construire des écoles », a expliqué l'avocat du CSF, Mark Power.

Cette fiducie est un modèle inspiré de ce qu'ont obtenu certaines Premières Nations, après de très longs bras de fer devant les tribunaux.

La position de la province

Pour sa part, Victoria affirme qu'elle finance le CSF au même titre que les conseils scolaires anglophones et qu'elle répond donc à ses obligations.

Le ministère de l'Éducation soutient que le CSF n'est pas le seul conseil scolaire à affirmer qu'il est sous-financé.

Il ajoute que son budget est limité et que les conseils scolaires doivent tous faire des choix stratégiques difficiles pour que celui-ci soit équilibré.

La province soutient également que le mode de financement des conseils scolaires comprend des suppléments qui prennent en compte ceux dont les élèves sont éparpillés sur une importante zone géographique, comme c'est souvent le cas pour les écoles francophones.

D'autre part, Victoria affirme qu'en reconnaissance de son mandat unique et provincial, le CSF reçoit une prime pour l'éducation en français de 15 %.

Un procès long et coûteux

En tout, 100 jours d'audiences sont prévus et le procès durera donc au moins six mois. Des centaines de milliers de pages de documents seront soumises à la juge Loryl D. Russell qui entendra également des douzaines de témoins.

Le CSF et la FPFCB ont déjà déboursé plus de cinq millions de dollars dans le cadre de cette poursuite.

La somme dépensée à ce jour par Victoria est inconnue, mais son équipe d'avocats est plus importante que celle du CSF, et la province a donc vraisemblablement dépensé une somme égale ou plus importante.

C'est sans compter les sommes qui seront payées au cours des prochains mois dans le cadre du procès.

De nombreux retards

La cause du CSF et de la FPFCB a été déposée en 2010 devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, quelques semaines après le dépôt d'une poursuite semblable par un groupe de parents de l'École Rose-des-Vents.

Alors que la cause des parents de l'École Rose-des-Vents a déjà été entendue par la cour de première instance, ainsi que par la Cour d'appel, et qu'elle attend de savoir si la Cour suprême du Canada entendra sa cause, celle du CSF et de la FPFCB n'en est qu'à son premier jour de procès, car il y a eu de nombreux retards.

Jumelage des causes

En octobre 2010, la province a demandé que la cause des parents de Rose-des-Vents soit jumelée à celle du CSF et de la FPFCB. Cette demande a été rejetée par le juge Peter Willcock en janvier 2011.

Un dossier pour la justice ou la législature

Victoria affirme alors que ce n'est pas à la justice de trancher dans cette affaire qui devrait plutôt être traitée par les politiciens.

Dans sa décision de septembre 2011, le juge Peter Willcock soutient que si la Cour déterminait que le mode de financement actuel violait article de la Charte canadienne des droits et libertés, le tribunal aurait le droit d'obliger le gouvernement à financer autrement les écoles. Il déclare donc la poursuite recevable.

La traduction des documents

Le gouvernement provincial demande également à la Cour d'obliger le CSF à faire traduire les documents qu'elle présentera en français en s'appuyant sur une loi datant de 1731 qui stipule que les procédures judiciaires en Colombie-Britannique doivent avoir lieu en anglais.

Victoria obtient gain de cause en cour de première instance, puis en Cour d'appel en juin 2012 et enfin en Cour suprême du Canada en juillet 2013.

Attendre la décision Rose-des-Vents

Finalement au cours de l'été 2013, Victoria demande que les audiences soient retardées en attente de la décision de la Cour suprême du Canada à savoir si elle entendra ou non l'appel des parents de Rose-des-Vents.

En juin, le juge Peter Willcock refuse cette requête et le début du procès est annoncé pour le 7 octobre 2013.

Des documents arrivés à la dernière minute

En septembre, le CSF et la FPFCB demandent que le début des audiences soit retardé, car ils viennent à peine de recevoir les documents du gouvernement provincial en préparation pour le procès.

Le début du procès est alors remis au 4 novembre.

En octobre, les deux parties s'entendent pour remettre la cause au 2 décembre pour se donner le temps de revoir tous les documents qu'ils se sont échangés.

Nouvelle demande de fusionnement

Le 27 novembre, cinq jours avant le début prévu du procès, la province renouvelle sa demande en Cour suprême provinciale pour le fusionnement de la cause des parents de l'École Rose-des-Vents avec celle du CSF et de la FPFCB.

La province allègue que les raisons mises de l'avant en 2011 par le juge Willcock pour refuser le fusionnement des causes ne sont plus valides.

Victoria soutient que le juge voulait principalement éviter qu'une poursuite soit retardée en attendant que l'autre soit prête à être entendue. Cependant, maintenant que la Cour d'appel provinciale a renvoyé la cause des parents de l'École Rose-des-Vents en cour de première instance, une cause n'aura pas à en entendre une autre.

Pour leur part, les parents de l'École Rose-des-Vents affirment qu'ils ont demandé à la Cour suprême du Canada d'entendre leur appel et qu'il faudrait attendre sa décision avant de trancher sur la question du fusionnement des causes.

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