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Le Diable s'habille en Prada 2: faut-il être méchant pour réussir dans la mode?

Faut-il être méchant pour réussir dans la mode?

Une voix stridente, un brushing toujours impeccable, un regard assassin, Miranda Priestly portée à l'écran par Meryl Streep dans "Le Diable s'habille en Prada" est de retour, et elle n'est pas contente. La reine des glaces revient terroriser New York dans la Vengeance en Prada, le retour du Diableaux éditions du Fleuve Noir. Le livre est sorti lundi en langue française au Québec.

Le personnage de Miranda Priestly est largement inspirée d'Anna Wintour, rédactrice en chef aussi redoutée qu'adorée de Vogue US et dont l'auteure, Lauren Weisberger, fut l'assistante comme Andrea Sach, la protagoniste de ses romans. Les deux tomes dressent un portrait glaçant d'une femme d'affaires, calculatrice et cruelle et sans une once d'humanité.

Une peinture qui correspond en tout point à l'image que l'on se fait des personnes travaillant dans le milieu de la mode. Tout à la fois, hautains, méprisants, égoïstes, en un mot, méchants. Tel créateur a piqué une crise de nerf, tel mannequin a fait un caprice, tel journaliste a détruit une carrière dans un de ses articles. Tout ce beau monde semble insupportable et surtout bien plus intéressé par la dernière robe à la mode que par la marche du monde ou le sort de ses semblables.

Faut-il vraiment vendre père et mère, écraser la voisine et cracher sur le premier venu pour réussir dans la mode? Industrie extrêmement concurrentielle, la mode est un milieu difficile pour quiconque tente d'y percer.

1. Les patrons n'y sont pas plus "tordus" qu'ailleurs

C'est prouvé, dans le monde de l'entreprise, à la fin, ce sont toujours les méchants qui gagnent. Comme l'ont montré de nombreuses études, les personnes psychopathes, narcissiques et machiavéliques, celles que la psychologie appelle la "triade noire", réussissent mieux que les autres. Ce ne sont ni les employés plus sympathiques, ni les plus positifs qui seront les mieux payés et qui arriveront au sommet de la hiérarchie. Ce genre de pathologies se retrouvent particulièrement chez les médecins, les avocats, dans les médias mais aussi dans les industries créatives comme la mode.

Mieux encore, une étude américaine estime qu'au moins un dirigeant d'entreprise sur 25 serait un psychopathe. Anna Wintour, Karl Lagarfeld ont donc une chance sur 25 de présenter cette pathologie au même titre qu'un Xavier Niel ou qu'un Michel-Edouard Leclerc.

2. L'ambition, au centre de tout

La mode offre un terreau favorable à ce genre de personnalité et pour cause : " le stress et l'incertitude quant à l'avenir y sont omniprésents, explique Frédéric Godart, auteur de Sociologie de la mode, on ne sait pas à l'avance si telle ou telle collection plaira." Un créateur qui aura reçu de bonnes critiques pour cette collection pourra être descendu plus bas que terre pour la prochaine. A chaque nouvelle collection, tout est à refaire, rien n'est vraiment acquis : "il faut sans cesse surprendre" avouait à L'Express en 2011 Raf Simons, le directrice artistique de Dior.

La mode est un secteur économique très concurrentiel, il y a beaucoup d'appelés, peu d'élus. "Au total, il n'y a que 200 maisons de mode qui comptent, c'est très peu en comparaison avec les milliers d'étudiants qui sortent chaque année des écoles" constate Frédéric Godart.

3. Une industrie qui ne tolère pas la faiblesse

Un créateur qui a du succès est un créateur stressé. Loïc Prigent a suivi plusieurs créateurs quelques jours avant leur défilé dans le cadre de ses documentaires "Le Jour d'avant". L'angoisse et la détresse y sont palpables, comme Isabelle Marant par exemple qui est obligée de piloter toute son équipe depuis son canapé, son dos bloqué par le stress. Lorsqu'une collection est présentée, c'est en effet le créateur plus que l'organisation ou l'entreprise, qui est jugé par les médias et les acheteurs. "C'est très différent du cinéma où c'est un travail d'équipe : les acteurs, le réalisateur, le producteur, tous ou presque sont responsables" analyse Frédéric Godart. Si les créateurs sont soumis à une immense pression qui leur demande force de caractère, il leur faut aussi user de leur sensibilité pour créer des collections. "C'est une industrie où il ne faut pas être fragile" explique Frédéric Godart, citant le destin tragique du créateur anglais Alexander Mc Queen, suicidé en février 2010.

4. Un milieu où il faut en faire des tonnes

Pour rendre compréhensible et intéresser le grand public, les défilés sont l'occasion rêvée. Ces moments forts, les seuls où l'on entendra parler de mode dans l'année au 20h se déroulent selon une dramaturgie très étudiée. C'est à ce moment que les créations s'incarnent par les mannequins qui le visage fermé défilent tambour battant, puis par les créateurs extrêmement tendus par les enjeux hurlent en coulisses, puis enfin par les journalistes et acheteurs qui assis dans les premiers rangs critiquent à tout va. Si l'événement peut en faire rêver certains, pour la plupart des gens, ce n'est qu'une preuve que ce petit monde ne s'adresse pas à eux et est bien loin de leur vie quotidienne.

Or les défilés n'ont aujourd'hui plus aucune utilité dans la chaîne de production, ils ne sont là pour ne donner qu'une image glorifiée de l'industrie. Les acheteurs comme les journalistes qui comptent ont bien souvent l'opportunité de voir les collections avant les défilés pour permettre au designer de réajuster ses créations en cas d'avis négatif. "Le défilé est avant tout une performance" explique Frédéric Godart, un spectacle pour faire rêver mais aussi un événement pour se rencontrer entre gens du même milieu. "Dans ces circonstances, les médias ont tendance à en rajouter beaucoup pour intéresser le public en décrivant le génie créateur d'un tel ou l'importance de telle ou telle personnalité".

5. Une industrie féminisée et sexiste

Le mannequinat est un métier à part à bien des égards, c'est l'un des seuls où les femmes sont mieux payées que les hommes. "Quand les femmes mettent en avant leur corps, les salaires sont plus élevés que ceux des hommes" remarque le sociologue Frédéric Godart. Le constat est sans appel : dans la mode, les femmes sont considérées au choix comme des porte-manteaux, les mannequins, comme des monstres assoiffées de pouvoir, les personnes hauts placées, comme des écervelées, les attachées de presse, journalistes etc... . Pourquoi? Parce qu'une industrie qui promeut aujourd'hui un vêtement dont on estime qu'il sera périmé le lendemain ne peut être que futile.

Si la mode est une industrie très féminisée, peu de femmes accèdent aux postes de pouvoir. C'est le cas d'Anna Wintour. Dans un documentaire sorti après le film "Le diable s'habille en Prada", on voit une rédactrice en chef à mille lieues du monstre inhumain décrit par Lauren Weisberger. Elle est une femme d'affaires aussi implacable qu'appliquée dans son travail. Dure avec ses collaborateurs, elle donne l'image d'une femme dotée d'un professionnalisme à toute épreuve. Mais l'image des femmes de pouvoir dans la mode comme dans les autres secteurs économique est toujours détestable, le problème n'est pas de savoir, si elles sont vraiment telle que la légende les dépeint mais si les hommes, aux mêmes postes, sont moins pires qu'elles.

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