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Québec lève le voile sur son projet de charte

EN DIRECT - Après des mois d'échanges et de déchirements au Québec, le gouvernement Marois a déposé ce matin son projet de loi sur la « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodements ».

La charte a changé de nom, mais son contenu a subi peu de modifications :

  • L'élément le plus controversé, celui du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, est maintenu dans le projet de loi. Le texte stipule qu'« un membre du personnel d'un organisme public ne doit pas porter, dans l'exercice de ses fonctions, un objet, tel un couvre-chef, un vêtement, un bijou ou une autre parure, marquant ostensiblement, par son caractère démonstratif, une appartenance religieuse. »
  • Crucifix à l'Assemblée nationale : Le projet de loi donne à l'Assemblée nationale le pouvoir d'approuver ou non la présence d'un symbole religieux dans ses
  • locaux.

  • Période de transition pour certaines organisations avant de se conformer à l'interdiction de port de signes religieux : Elle est d'une année pour tous les employés de la fonction publique, mais les établissements de santé, les cégeps, les universités et les municipalités peuvent bénéficier d'une période supplémentaire de quatre ans. Les établissements de santé peuvent renouveler une fois cette période de quatre ans, ce qui leur donnerait, au total, un délai de transition de neuf ans. Les employés recrutés après l'adoption du projet de loi ne bénéficieront pas de ces exceptions.
  • Accommodements raisonnables : Ils doivent être accordés s'ils ne posent pas de contrainte excessive et selon une grille et des critères préétablis, qui respecteraient les principes d'égalité homme-femme, de laïcité et de neutralité de l'État.

Bernard Drainville persiste et signe

Sans aborder le débat houleux ou l'opposition qu'a générée dans la population le projet de charte de son gouvernement, le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a réitéré à l'Assemblée nationale que ce projet de loi avait pour but premier d'instituer les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État.

Le projet de loi, qui portera le numéro 60, doit aussi préciser dans la Charte des droits et libertés de la personne que l'exercice des droits et libertés qu'elle contient doit se faire dans le respect de l'égalité homme/femme, de la primauté du français et de la séparation de la religion et de l'État.

Le tout devant se faire en tenant compte « des éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec qui témoignent de son parcours historique », selon le ministre Drainville.

Dans son discours, le ministre Drainville a présenté un projet de loi qui reprend à quelques détails près l'ensemble des propositions de son projet de charte de charte des valeurs québécoises.

Un vote de confiance

Fait à noter, avant le dépôt du projet de loi 60 , le gouvernement Marois a déclaré que le vote de l'Assemblée sur le dépôt du projet de loi serait un vote de confiance. Ce qui implique qui si le dépôt du projet de loi était refusé, le gouvernement tomberait et la province se retrouverait alors en élection.

Lors de la période de débat qui a suivi la présentation du projet de loi 60 par le ministre Drainvillle, le chef de l'opposition officielle, Jean-Marc Fournier, a demandé à la première ministre Pauline Marois de scinder son projet de loi en deux « pour laisser tomber ce qui divise les Québécois et permettre d'adopter ce qui fait consensus ».

Sans concéder de terrain à l'opposition, la première ministre a rétorqué que le projet de loi ne brimait pas les droits de personne, parce que « la liberté de parole, la liberté d'expression religieuse sera respectée par tous les Québécois, par toutes les Québécoises et par le gouvernement et par nos institutions ».

Deux mois de débats

Les débats autour de la charte québécoise ont commencé le 10 septembre, lorsque le gouvernement du Parti québécois en a donné le coup d'envoi. Avec son projet, le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, veut réaffirmer la neutralité religieuse de l'État, tout en conservant le crucifix à l'Assemblée nationale.

Dans sa mouture originelle, la charte proposait, entre autres, des balises pour encadrer les demandes d'accommodements. Elle prévoyait aussi l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour les fonctionnaires de l'État durant les heures de travail, avec un droit de retrait d'au plus cinq ans, renouvelable pour certains secteurs.

À peine ses propositions dévoilées, les réactions fusent. « C'est ostentatoire, ce ne l'est pas. Est-ce qu'on va avoir une police religieuse pour aller voir dans le cou des fonctionnaires ce qui est permis et ce qui ne l'est pas? », a dénoncé Nathalie Roy, députée de la CAQ dans Montarville.

De leur côté, les libéraux s'y sont opposés complètement. « Ce qui est devant nous, c'est la charte de la chicane et il est également clair que le Parti québécois tourne le dos à l'héritage de René Lévesque », a dit le chef Philippe Couillard.

Un mois plus tard, Québec solidaire a carrément déposé son propre projet de charte, qui est passé dans l'indifférence.

À chacun son opinion

En l'espace de quelques jours, au début octobre, trois anciens premiers ministres péquistes se sont prononcés sur la question.

« On n'a jamais passé une loi ou des règlements pour interdire quoi que ce soit de religieux », a plaidé un Jacques Parizeau en faveur de compromis. Lucien Bouchard a aussi milité pour la tolérance et l'ouverture.

De son côté, Bernard Landry a approuvé l'essentiel des propos de ses ex-collègues. Il s'est aussi prononcé en faveur d'une interdiction des signes religieux ostentatoires, mais seulement pour les employés qui occupent des postes d'autorité, comme les juges, les procureurs et les policiers.

Les coprésidents de la commission Bouchard-Taylor, qui en ont long à dire sur la notion d'accommodement raisonnable, ont dénoncé la charte. « Je trouve que c'est excessif », a déploré Gérard Bouchard.

Dans les rues de Montréal et de Québec, les manifestions pour et contre la charte se sont multipliées au fil des semaines. Les partisans se sont surtout mobilisés à l'appel des Janettes.

Le coup de massue est venu de la Commission des droits de la personne du Québec, qui a estimé que la charte des valeurs va à l'encontre des droits et libertés. Son président, pourtant récemment nommé par Québec, a accusé le gouvernement de demander aux personnes de choisir entre leur travail et leur religion. « C'est clair, ça s'en va sur un mur devant les tribunaux », a prédit Jacques Frémont.

Mercredi, à la veille du dépôt du projet de loi, la première ministre a continué à défendre son projet bec et ongles. « Nous avons une responsabilité comme gouvernement du bien-vivre ensemble », a affirmé Pauline Marois.

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