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La fin de la rébellion M23 en République démocratique du Congo marquera-t-elle le retour de la paix?

La fin de la rébellion M23 en République démocratique du Congo marquera-t-elle le retour de la paix?
EUhacp/flickr

Il paraît que la paix est de retour en République Démocratique du Congo (RDC). Mais la victoire des forces régulières sur les rebelles du M23, qui ont désormais renoncé à la lutte armée, ouvre les guillemets plus qu'elle ne les ferme.

Comme l'indique Bertrand Bisimwa, président de la branche politique du M23, sur twitter, "la paix n'est jamais un évènement".

Tombée le 5 novembre au matin, la nouvelle annonçant la fin du conflit n'en reste pas moins la meilleure de la semaine. Elle allume plusieurs lueurs d'espoir dans une région qui broie le noir.

Au Kivu, la tourmente du monde

Situé à l'est du pays, le Nord-Kivu concentre la violence et le malheur de la région centrafricaine depuis les années 90. D'abord rampe de lancement pour la rébellion de Laurent-Désiré Kabila en 1996 puis épicentre de la guerre de 1998 à 2003, le Nord-Kivu a vu naître deux rébellions successives sur les cinq dernières années.

Sous l'emblème tutsi du régime rwandais, ces groupes armés affirment devoir combattre les forces hutus du FDLR issues des génocidaires de 1994. Mais là n'est pas la seule motivation.

Pays le plus riche du continent en ressources naturelles, la RDC en est paradoxalement un des plus pauvres. L'instabilité due aux conflits incessants ne facilite pas l'endiguement de la corruption ambiante. Les multinationales profitent des réseaux d'exploitation rwandais et ougandais, qui servent notamment de financement aux rébellions. A l'image de cette banque suisse, qui coulait l'or congolais en toute illégalité.

Outre les inévitables diamants (30% des réserves mondiales), ce sont les minéraux qui trustent les premières places. Le coltan, indispensable aux smartphones, est un quasi-monopole de la RDC.

Au-delà des 6 millions de victimes en 15 ans, les conflits congolais ont réinventé l'art de la guerre par le biais du viol. Dans le seul hôpital de Panzi, fief du gynécologue nominé au Nobel de la Paix Denis Mukwege, plus de 40.000 femmes violées ont été traitées depuis 1999.

"C'est une arme de guerre. Formidablement efficace", affirme le docteur au Monde. Diverses formes de torture vaginale d'une créativité effrayante y sont nées. Toutes les factions s'y sont attelées.

"L'enfer se trouve dans le Kivu", résumait une patiente.

Un once de stabilité

Sans être une promesse de paix, la renonciation du M23 apporte tout de même un semblant d'espoir.

"C'est un évènement énorme pour le Congo et ses populations de l'Est, qui ont vécu sous le joug du M23 pendant un an et demi", affirme Ida Sawyer, chercheuse spécialisée à Human Rights Watch.

Les rebelles n'ont pas encore déposé les armes à proprement parler. Un accord doit encore être signé avec le gouvernement, incluant notamment la réintégration des rebelles dans les forces régulières. Mais la solution sera "politique", a confirmé Bertrand Bisimwa dans la journée du mardi.

La victoire de l'armée, disciplinée depuis peu grâce au soutien financier conséquent de l'Occident, devrait offrir un peu de répit à la population. La cessation des violences est, en soi, la première bonne nouvelle.

Aux armes, Monusco!

La deuxième bonne nouvelle est à trouver du côté de la communauté internationale. Pour une fois, et au terme de longues hésitations, l'ONU s'est engagée par les armes. Mise sur pied au printemps 2013 et forte de 3.000 hommes, la brigade d'intervention est venue renforcer les forces de la Monusco - plus importante mission de l'ONU dans le monde.

Contrairement à leurs frères d'armes, les soldats de cette brigade ont obtenu le droit d'utiliser la leur. Pour la première fois dans l'Histoire, des casques bleus attaquaient.

Jusque-là, les Congolais blâmaient la Monusco pour son inaction. "Tu es comme la Monusco" est devenue une insulte en swahili. Pour dire "tu n'es bon à rien".

Depuis que des casques bleus hollandais avaient assisté sans bouger au massacre de Srebrenica, le débat faisait rage autour du mandat exclusivement pacifique des forces internationales. Appui inestimable pour les troupes du régime congolais, la nouvelle brigade est aujourd'hui acclamée pour son efficacité. En attendant confirmation.

Le spectre du N5

Le M23 n'est en effet pas le seul groupe armé de la région. Une quarantaine d'autres milices sont toujours actives dans l'Est du Congo. L'annonce d'une solution "politique" souligne par ailleurs la nécessité de répondre aux revendications des rebelles.

L'étrange appellation "M23" fait référence au 23 mars 2009. Un accord de paix est alors signé entre les autorités et les rebelles du CNDP. Mais les conditions posées par les rebelles ne seront pas remplies, et ils déserteront à nouveau pour former le M23. Tant que les autorités ne sauront proposer de solution politique adéquate, le risque de voir naître un nouveau mouvement - le N5 pour 5 novembre? - persistera.

Une autre donnée de l'équation congolaise a peut-être été éliminée. Le Rwanda, soutien officieux de ces rébellions tutsis, semble avoir lâché prise sous la pression diplomatique de ses alliés américains et britanniques.

"Il sera désormais plus difficile pour le Rwanda de soutenir un nouveau groupe armé au Congo", affirme ainsi Sawyer, de Human Rights Watch.

Pour le gouvernement congolais, il s'agira désormais de profiter de l'armistice pour récupérer le contrôle total du Kivu, en neutralisant notamment le groupe hutu du FDLR, qui continue à menacer le voisin rwandais. "Voilà qui ferait vraiment la différence", confirme le chercheur Filip Reyntjens au micro de France 24.

Le retour au calme est une fenêtre de tir. Il s'agit de bien viser, dans les réunions plus que sur le terrain.

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