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Commission Charbonneau: la FTQ dans le filet de Carboneutre

«Toi, signerais-tu un deal avec Vito Rizzuto?» - M. Arsenault
CEIC

C'est grâce à Ken Pereira que le président de la FTQ, Michel Arsenault, apprendra en février 2009 que Raynald Desjardins, proche du crime organisé italien, se trouve derrière Carboneutre, pour laquelle Jocelyn Dupuis tente d'obtenir du financement du Fonds de solidarité.

Un texte de Bernard Leduc

L'ex-syndicaliste Ken Pereira lui affirme, lors d'un conversation le 16 février avoir en sa possession une carte d'affaires de Carboneutre au nom de Raynald Desjardins, qu'il entend venir porter à sa secrétaire.

M. Arsenault, qui avait jusqu'alors soutenu M. Dupuis dans ses démarches auprès du Fonds, réagit sans éclat de voix à cette nouvelle, mais prend bien soin d'ajouter : « mets ça dans une enveloppe je veux pas que personne ne voie ça ».

Le sort de la demande de Carboneutre au Fonds sera alors rapidement scellé, comme le montre une conversation ultérieure entre M. Arsenault et son conseiller politique, Gilles Audette. « Quand il va revenir le 1er avril, je vais le pogner mon Jocelyn, m,a dire là : garde, ça, oublie ça, c'est non », lance, en colère, M. Arsenault

« Toi, signerais-tu un deal avec Vito Rizzuto, le vice-président d'une compagnie ? Non. Bon ben le Fonds ne signera pas ça. » — Échange entre MM. Arsenault et Audette

M. Arsenault semblait cependant en savoir quelque peu sur le passé douteux de Domenic Arcuri lorsqu'il lance, sur Arcuri père et fils : « Ah ça, c'est des bandits purs. Domenico Arcuri ».

Selon des documents obtenus par la commission, la demande faite par Carboneutre au printemps 2008 auprès du Fonds sera rejetée en avril 2009, notamment en raison de prévisions financières irréalistes. La présence du crime organisé n'est pas mentionné pour expliquer ce rejet. M. Arsenault en avisera lui-même M. Dupuis le 30 avril, lors d'une conversation téléphonique.

Et malgré cette révélation, Ken Pereira, ne semble pas pour autant dans leurs bonnes grâces, puisque M. Audette le qualifie de « danger public ».

Les extraits présentés jusqu'ici mercredi soulignent encore davantage la grande proximité entre Raynald Desjardins - patron occulte de Carboneutre - et Jocelyn Dupuis, ainsi que les efforts persistants du directeur général sortant de la FTQ-Construction, en 2008, pour obtenir du financement du Fonds pour cette entreprise grâce à sa relation privilégiée avec Michel Arsenault.

La commission a notamment présenté un courriel saisi par la SQ lors d'une perquisition pour fraude chez M. Dupuis. Dans ce courriel du 30 septembre 2008 envoyé par Gaétan Morin, vice-président investissement du Fonds à Michel Arsenault, M. Morin explique qu'il juge faible le plan financier de Carboneutre. M. Arsenault fera suivre ce courriel à M. Dupuis.

On entend aussi M. Dupuis et Joe Bertolo, frère d'un mafieux notoire, lui aussi impliqué dans Carboneutre, sur la possibilité d'approcher Investissement Québec pour du financement, afin de montrer leur sérieux au Fonds (cette démarche n'aboutira pas). Selon M. Nicodemo, Joe Bertolo est davantage un proche de M. Desjardins que de M. Arcuri.

Des conversations enregistrées en novembre entre M. Dupuis et Marlène Girard, qui s'occupe de gestion pour Carboneutre, montrent son exaspération devant la mauvaise gestion de l'entreprise, notamment par Domenico Arcuri, patron officiel de Carboneutre, ce qui complique sa tâche pour monter des dossiers cohérents à présenter au Fonds et à Investissement Québec.

« On peut pas toujours faire des gaffes comme Domenic fait sans arrêt », laisse-t-elle tomber.

Elle demandera aussi dans une autre conversation avec M. Dupuis qu'il intervienne auprès de M. Arcuri pour qu'il cesse ses pressions auprès du ministre de la Famille Tony Tomassi qui tente d'obtenir pour eux un certificat auprès de ses collègues de l'Environnement. M. Desjardins fera d'ailleurs passer ce dossier des mains de M. Arcuri à Dupuis.

Elle se plaindra à nouveau de M. Arcuri le 2 février 2009 à Jocelyn Dupuis en soulignant que ses efforts pour monter le dossier pour le Fonds sont minés par la gestion d'Arcuri, qui peine notamment à la payer, ainsi que tous ceux qui travaillent au dossier.

C'est à la mi-novembre que Jocelyn Dupuis fait officiellement son entrée chez Carboneutre avec le titre de directeur général. Selon une conversation entre M. Bertolo et Dupuis, il est alors convenu que ce dernier participera désormais aux réunions avec le Fonds, soit avec Gaétan Morin. M. Dupuis prend alors de plus en plus de place dans les décisions de l'entreprise, mais toujours sous la supervision de M. Desjardins.

Une conversation entre MM. Dupuis et Desjardins ne laisse d'ailleurs aucun doute sur qui décide à Carboneutre. Le 15 décembre, ce mafieux notoire l'appelle pour le convoquer à une rencontre avec M. Arcuri « pour définir toutes les tâches des employés », dont les leurs.

Et c'est enfin la première fois, le 21 novembre, que MM. Dupuis et Domenico Arcuri se parlent au téléphone (ce qui les faits rires). Cette conversation porte sur une rencontre avec M. Desjardins, ce qui confirme pour la première fois les liens entre les trois hommes.

La commission a aussi fait entendre une conversation du 24 novembre entre Michel Arsenault et Gaétan Morin du Fonds FTQ au sujet d'une rencontre que ce dernier doit avoir avec les gens de Carboneutre pour lui soumettre des projections financières plus élaborées. M. Arsenault souligne à M. Morin qu'il s'agit d'une entreprise intéressante, mais ce dernier paraît bien moins optimiste.

Le président de la FTQ prend la peine de lui souligner qu'il lui revient, et non lui, d'accepter le dossier :« Si ça a pas d'allure, tu m'enverras un e-mail de 4-5 lignes me dire pourquoi pis je dealerai avec ça ».

« Moi c'est clair, c'est ça je me suis engagé auprès de Dupuis, j'ai dit : ''regarde, c'est Gaétan Morin qui l'a, tu peux pas aller plus haut que ça". » — Michel Arsenault

Il n'est pas anodin de remarquer que M. Arsenault va évoquer lors de la conversation le dossier de Pascal une entreprise reprise par le Hells Angel Ronnie Beaulieu avec l'aide du Fonds.

« T'auras pas besoin d'aller faire des marches le soir comme t'as fait dans Pascal pis et de te poser des questions sur l'avenir », dit Michel Arsenault à Gaétan Morin.

Finalement, lors d'une conversation du 26 janvier 2009, MM. Desjardins et Dupuis commencent à se faire à l'idée que le Fonds pourrait ne pas investir dans Carboneutre.

« D'une manière ou d'une autre si le Fonds n'embarque pas, on a Investissement Québec. J'aimerais mieux avoir le Fonds mais... » — Raynald Desjardins s'adressant à Jocelyn Dupuis

La commission a par la suite fait entendre plusieurs conversations d'octobre et novembre entre MM. Dupuis et Desjardins. Elles démontrent surtout que M. Desjardins a la haute main sur Carboneutre

« C'est clair qu'en réalité, c'est Raynald Desjardins qui s'occupe des activités au quotidien », soutient l'enquêteur Nicodemo Milano, qui analyse les extraits pour la commission.

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Tony Accurso

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