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Claude et Claudette : une histoire d'amour et d'alzheimer

Claude et Claudette : une histoire d'amour et d'alzheimer

En DIRECT - Marie-Claude Lavallée anime sur Radio-Canada.ca une émission spéciale sur la maladie d'Alzheimer à la suite de la diffusion du documentaire de Danny Braun Claude et Claudette, une histoire d'amour inconditionnel qui prend le dessus sur cette maladie.

Claude et Claudette est d'abord et avant tout une histoire d'amour. Pas le grand ni le romantique ou le tragique, ni celui de la chanson avec caramel, bonbon et chocolat. C'est une histoire d'amour universelle et un peu muette parce que des mots, il en reste peu.

Un blogue de Danny Braun

Il en reste peu, puisqu'un des visages de cette terrible maladie qu'est l'alzheimer est la perte du langage et de tout ce qui va avec, comme la communication, l'échange, la complicité et le partage de petits et grands moments en commun.

C'est la vie qui fout le camp. Et de la pire manière, puisque l'être aimé reste là physiquement, mais - par un des mystères que la science tente de résoudre - il est déjà parti dans sa tête, dans une autre sphère, un autre monde, une autre dimension que lui seul habite.

C'est le cas de Claude que j'ai rencontré par une belle journée ensoleillée d'avril. Assis bien droit dans son fauteuil devant le foyer éteint de sa maison de banlieue de l'ouest de l'île de Montréal, Claude ressemblait à un retraité - chose qu'il était.

Je veux dire en ce sens qu'il ressemblait à tout ce que n'importe quel retraité peut souhaiter ressembler : être en santé et avoir enfin du temps devant soi pour en profiter. Calme, souriant, avec le sens de l'humour et de la réplique qui lui était si particulier, Claude étonnait par sa bonne humeur. Et surtout, il ne semblait pas du tout malade, surtout pas d'alzheimer.

*** Pour visionner l'extrait du documentaire sur un appareil mobile, cliquez ici.

Par contre, Claudette, elle, était arrivée au bout du rouleau. Épuisée et isolée, elle vivait avec l'ombre de son mari qui ne lui laissait aucun répit. Le jour comme la nuit, puisque Claude commençait à faire de l'errance, une autre de ces étranges particularités de la maladie d'Alzheimer. À les regarder tous les deux, la personne qui semblait avoir le plus besoin de soin et d'aide, c'était Claudette.

C'était il y a quatre ans, l'espace-temps où commence ce documentaire. Claudette y apparaît fatiguée, impatiente et bien dépassée par les événements. Après un court séjour à l'hôpital, Claude revient à la maison diminué. Il est la moitié de ce qu'il était devenu, c'est-à-dire à peu près le quart de ce qu'il avait déjà été.

Claude disparaît de longs moments tout en restant assis sur sa chaise. Sans aide, ou si peu, elle doit s'occuper de lui comme d'un enfant, avec en moins la joie de le voir progresser et grandir dans la vie.

Car c'est plutôt l'inverse qui se produit. Claude régresse, rapetisse rétroactivement et se souvient du passé, la seule chose qui semble encore avoir une certaine résonance chez lui. Dans cette maison tapissée de photos et de souvenirs, Claudette tente en vain de le raccrocher à cette réalité.

Pas seulement pour lui, mais aussi pour elle, qui voit sa vie s'effacer à petit trait à travers son mari qui disparaît. C'est un des autres aspects de cette sale maladie : l'espace commun, ce qui nous appartient en tant que couple et qui formait un nous, s'effondre comme un château de sable sous les vagues.

Bien sûr, la fin de cette histoire est prévisible et inéluctable. Après la course à obstacles pour obtenir des soins et de l'aide de notre système de santé, Claude est placé dans un centre où les gens comme lui marchent du matin au soir dans les longs corridors. Au début, il ne s'agit que de quelques semaines, le temps d'offrir un peu de répit à Claudette, qui va le chercher chaque fois un peu plus perdu, un peu plus diminué.

C'est un autre aspect de cette maladie. Claude perd un peu plus de ce qu'il était chaque fois qu'il se retrouve dans un environnement étranger. Puis, c'est le coup de fil, une place se libère et c'est le placement définitif. La dernière adresse de Claude et de tous ses compagnons et compagnes d'infortune qui logent au même endroit.

Que reste-t-il dans ce lieu où la démence hante les couloirs et où les résidents se racontent entre eux des histoires incompréhensibles? Il y a des gens qui sont là quotidiennement pour tenter d'alléger un peu le dernier bout de chemin que ces malades vont parcourir. Des préposés, des infirmières, des bénévoles qui font un étrange, mais combien utile travail : celui de s'occuper de ceux et celles dont la famille, les proches et la société ne peut plus s'occuper.

Ce film, c'est un peu beaucoup tout cela. Avec une touche de poésie, mise en musique par ce choeur d'hommes évoquant le passé et la vie qui s'en va en chantant du barber shop, tels des témoins intemporels des moments importants de la vie du couple.

Et puis Claude et Claudette, c'est le beau grand Claude, attachant et complètement drôle. Et c'est Claudette, bien petite devant la maladie de son mari, mais totalement dévouée envers Claude qu'elle aime et qu'elle a choisi pour le meilleur et maintenant le pire.

Claude et Claudette c'est une histoire universelle qui touchera bien des gens, mais c'est surtout une histoire d'amour inconditionnel qui prend le dessus sur la maladie d'Alzheimer.

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