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Avant Arcade Fire, Prince et Radiohead avaient déjà offert des albums gratuitement

Avant Arcade Fire, ces chanteurs qui ont offert leur album sur internet
REUTERS

Quitte à ce que le nouvel album d'Arcade Fire fuite sur le net, autant que ce soit légalement. Contraint de constater le piratage de Reflektor quatre jours avant sa sortie, le groupe canadien a décidé de tout mettre sur YouTube. Le quatrième opus est donc disponible en écoute intégrale depuis le 25 octobre, accompagné d'un long clip de 1h25, reprenant les images du film Orfeu Negro, sorti en 1959 et réalisé par Marcel Camus.

Si Arcade Fire n'avait visiblement pas prévu de faire la promotion de Reflektor de la sorte, le procédé n'est pas sans rappeler d'autres initiatives récentes. On se souvient de Radiohead en 2007 avec son album In Rainbows, que les internautes pouvaient télécharger au prix qu'ils souhaitaient. Plus tôt, Prince avait carrément offert son album avec l'hebdomadaire britannique Mail on Sunday.

Dans le cas de In Rainbows, sorti en 2007, le groupe anglais arrivait à expiration de son contrat avec la major EMI. Il a donc été décidé de contourner les maisons de disques en proposant le nouvel album sur le site officiel du groupe. Le public pouvait ainsi payer la somme qu'il jugeait juste, une année où le piratage musical atteignait son paroxysme.

Selon The Times, le prix moyen acquitté par les internautes a été de 5,78 euros. Un tiers n'a rien déboursé. Sur le site, les fans du groupes pouvaient également commander un coffret sous forme physique au prix de 58 euros. L'album, version CD, est sorti de manière traditionnelle début 2008, soit deux mois et demi après l'opération.

(Capture d'écran du site de Radiohead)

Une décision politique pour Radiohead

Thom Yorke et sa bande "l'ont fait pour montrer que l'on peut distribuer de la musique autrement que par les circuits traditionnels imposés", analyse Adrien Toffolet, co-fondateur du magazine musical DumDum et chroniqueur de l'émission Popcorn sur Le Mouv'. "Leur démarche est politique, et d'ailleurs, elle a récemment évolué vers un rejet des structures de streaming il y a quelques semaines", indique-t-il au HuffPost.

En effet, Thom Yorke a retiré la plupart de ses albums de Spotify en juillet dernier. Cette opération a pour but de dénoncer les conditions de rémunération des artistes par la plateforme de streaming. Il explique que ce système profite avant tout aux maisons de disques qui monétisent d'anciens morceaux pendant que les jeunes artistes peinent à s'en sortir. Selon The Guardian, les artistes sont rémunérés 0,005 euro par titre écouté.

Concernant l'approche de In Rainbow, le groupe a indiqué qu'il ne réitèrerait l'opération. "Je crois que c'était une réponse unique à une situation particulière", a expliqué Thom Yorke au Hollywood Reporter quelques mois après. "De toute façon, je ne crois pas que ce geste aurait maintenant la même signification si nous devions le faire à nouveau. C'était un moment particulier".

"Le fait de donner son album gratuitement sur Internet -sans passer par une plateforme de téléchargement ou de streaming, ne date pas d'hier", indique Adrien Toffolet, "mais peu d'artistes parmi les grands noms de la pop ont réellement sauté le pas".

Quelques mois avant Radiohead, Prince avait initié ce mouvement minoritaire, "probablement parce que son égo lui réclamait d'être le premier à le faire", ironise Adrien Toffolet. L'opération a été un succès, puisque 2,9 millions de Britanniques se sont rués sur l'hebdomadaire Mail on Sunday, qui offrait en supplément Planet Earth, deux semaines avant sa sortie en juillet 2007.

"Une insulte à tous les disquaires"

La démarche a été très critiquée outre-Manche, les revendeurs ont appelé ce plan de distribution "une insulte à tous les disquaires". De manière un peu plus "confidentielle", Prince avait distribué gratuitement son album Musicology pendant sa tournée britannique de 2004.

En 2010, Prince a renouvelé le principe de distribution dans des magazines ou des quotidiens pour son nouvel album, 20Ten. En France, c'est l'hebdomadaire Courrier international qui a été l'heureux élu. Les 130.000 exemplaires (3,50 euros) se sont arrachés en une matinée. Sur l'année 2013, nouveau rebondissement: plusieurs titres inédit ont été mis en ligne gratuitement ou à l'achat. Une opération politique, mais également marketing, car rien n'est jamais vraiment gratuit...

"Quand on a 20 ans d'une carrière à succès, donner son album gratuitement n'est pas contraignant dans la mesure où le disque est un produit d'appel", note Adrien Toffolet. "Il sert à convoquer l'attention des nombreux fans pour annoncer la future tournée, qui, elle est vraiment rémunératrice". Enfin, "le fait de donner son album gratuitement sur Internet est bien plus répandu chez les 'petits' artistes".

Ces derniers ne donnent pas leur musique pour la beauté du geste: "donner signifie diffuser sa musique à un maximum de personnes pour compenser leur discrétion dans les médias", analyse ce spécialiste de l'industrie, "tout en espérant toucher un public qui achètera des disques et viendra aux concerts". Pour ces petits, "donner et vendre des disques sont autant importants, l'un comme l'autre".

Pour sa part, le groupe anglais The Charlatans, dont le manager est un professionnel confirmé du secteur, Alan McGee (découvreur d'Oasis), a signé un contrat avec la radio en ligne Xfm en 2007. Leur album You Cross My Path a été mis en ligne gratuitement, téléchargeable dans un fichier "Zip". Oui, comme un fichier piraté...

Encore marginales, de telles innovations dues à des artistes renommés et réputés pour leurs qualités visionnaires surviennent dans un contexte sinistré, qui pousse les acteurs du secteur à chercher de nouveaux modèles économiques.

Les expérimentations commerciales tentées par Radiohead, Prince ou Arcade Fire bousculent les habitudes de l'industrie musicale et sont symptomatiques d'un bouleversement profond des rapports de force entre maisons de disques, promoteurs de concerts et artistes. Après 10 ans d'expansion du piratage, les majors s'inquiètent, craignant que ces démarchent entretiennent l'idée que la création musicale ne coûte rien...

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