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Le Sénat doit être réformé avec les provinces, selon la Cour d'appel

Le Sénat doit être réformé avec les provinces, selon la Cour d'appel
CP

OTTAWA - Le projet de réforme du Sénat du gouvernement conservateur est inconstitutionnel, car celui-ci ne peut agir seul sans l'accord d'une majorité des provinces, a tranché la Cour d'appel du Québec dans son opinion rendue jeudi.

Le gouvernement du Québec avait demandé à la Cour d'appel de se prononcer sur la constitutionnalité du projet du gouvernement Harper. Québec faisait alors valoir que le fédéral ne pouvait agir unilatéralement pour faire ces changements.

La Cour d'appel, dans une opinion unanime, vient de lui donner raison. Et les cinq juges n'épargnent pas le gouvernement fédéral, soulignant qu'il n'a pas respecté le processus de modification du Sénat, «tentant plutôt de le contourner».

Et même si elle n'avait pas à trancher ce point, la Cour en profite pour dire que l'abolition pure et simple du Sénat nécessiterait l'unanimité des provinces, contredisant là aussi la position fédérale.

Dans le projet de loi fédéral C-7 déposé en juin 2011, le gouvernement Harper propose de limiter à neuf ans le mandat des représentants de la chambre haute — plutôt qu'une retraite à 75 ans — et suggère un processus d'élection des candidats, pour les provinces qui souhaiteraient le faire.

Ottawa juge qu'il peut apporter ces changements au Sénat par simple loi, sans obtenir l'accord des provinces, et sans passer par le plus lourd et complexe processus d'amendement constitutionnel.

Peine perdue: la Cour d'appel a tranché que ce qu'entend faire Ottawa requiert bel et bien une modification de la Constitution canadienne.

Pour ainsi modifier la chambre haute, le fédéral doit obtenir l'accord du Sénat, de la Chambre des communes et des deux tiers des provinces dont la population cumulée représente au moins 50 pour cent de celle du pays, a jugé la Cour d'appel.

Et les cinq juges québécois y vont de certains avertissements pour le gouvernement fédéral.

«Il découle du principe de la suprématie de la Constitution que les acteurs politiques doivent se conformer à son texte et son esprit. Ils ne sauraient, sous le prétexte que la procédure de modification prévue est complexe, voire lourde, tenter de la contourner.»

Et pour la Cour, c'est exactement ce que le gouvernement conservateur a tenté de faire avec le projet de loi C-7.

En analysant la portée de la mesure législative, «il en ressort indubitablement une tentative de modification significative du mode actuel de sélection des sénateurs», est-il écrit dans l'opinion. Or, une telle modification «ne peut se faire qu'à la suite d'un consensus provincial-fédéral».

Finalement, le projet est aussi inconstitutionnel en permettant la modification du mode de sélection des sénateurs «à la carte», selon le choix des provinces, poursuit la Cour d'appel.

Le projet de loi C-7 est mort au feuilleton quand le gouvernement Harper a prorogé le Parlement en septembre. Mais la Cour d'appel du Québec s'est quand même prononcée, indique-t-elle, car les parties impliquées étaient d'avis que les questions étaient toujours d'actualité.

Satisfait de la décision, le ministre québécois de la Justice, Bertrand St-Arnaud, a précisé jeudi que le Québec continuerait de lutter contre la volonté du gouvernement fédéral de piloter seul la réforme du Sénat.

«La Cour d'appel du Québec dit très clairement qu'Ottawa ne peut agir seul pour réformer le Sénat. Cela doit se faire dans le cadre d'une négociation multilatérale et non unilatérale. Forts de cette décision de la Cour d'appel, nous continuerons de nous opposer à l'unilatéralisme fédéral dans le cadre du renvoi sur la réforme du Sénat initié par le gouvernement fédéral devant la Cour suprême», a-t-il dit, dans une déclaration lue à la presse.

Ottawa dit prendre bonne note du jugement, mais fait valoir que c'est la Cour suprême qui aura le dernier mot.

«L'opinion de la Cour suprême constituera un manuel d'instruction juridique sur la manière dont nous pouvons procéder à la réforme du Sénat», a indiqué le ministre d'État à la réforme démocratique, Pierre Poilievre. Il a refusé de s'avouer inquiet après cette première défaite devant les tribunaux.

Pour le gouvernement conservateur, le statu quo au Sénat du Canada est inacceptable. Il doit donc être réformé ou disparaître, a-t-il soutenu.

Bien après la demande de renvoi de Québec devant la Cour d'appel, le gouvernement Harper avait déposé en février son propre renvoi devant la Cour suprême du Canada sur son projet de réforme.

Les deux renvois ne sont toutefois pas identiques, car devant la Cour suprême, le gouvernement conservateur demande aussi, notamment, s'il peut abolir la chambre haute unilatéralement.

La Cour suprême doit entendre la demande du gouvernement Harper à la mi-novembre. Ultimement, c'est elle qui va trancher dans ce dossier. Mais le plus haut tribunal du pays aura désormais le bénéfice de pouvoir lire l'avis de la Cour d'appel.

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