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La collusion n'a pas épargné la maçonnerie, dit Sauvé

La collusion n'a pas épargné la maçonnerie, dit Sauvé
Radio-Canada

À l'image d'autres domaines de la construction, la maçonnerie n'a été épargnée ni par la collusion ni par l'intimidation, a confié à la commission Charbonneau le patron de LM Sauvé dans son témoignage du 16 septembre qui peut maintenant être rendu public.

Un texte de Bernard Leduc

Et si Paul Sauvé soutient pour sa part avoir résisté aux sirènes de la collusion, il admet avoir eu recours à du « muscle » pour évoluer dans un environnement où ne se retrouvent pas que des enfants de chœur.

Lorsqu'il reprend en main l'entreprise paternelle en 2002, Paul Sauvé entend lui redonner son lustre d'antan en s'accaparant une plus grande part du marché. Mais les pratiques collusoires qui ont alors cours dans l'industrie, très peu pour lui : sa stratégie de conquête passe par des prix compétitifs, en deça de ceux gonflés par la collusion, juge-t-il, qui ont cours dans la maçonnerie de restauration.

Les profits purs, en soustrayant la part de 15 % couvrant les frais d'administration, oscillaient alors autour de 20 % en collusion, a-t-il soutenu.

« Je ne voulais pas faire partie d'une équipe de collusionnaires [...] ça ne m'intéressait pas. »

-- Paul Sauvé

Mais si la collusion ne l'intéresse pas, les collusionnaires, eux, s'intéressent à lui.

Talonné par un de ses concurrents, Paul Sauvé accepte, finalement, de le rencontrer lors d'un dîner au restaurant Milos, une institution de la rue du Parc à Montréal, à l'été 2006.

Le patron de LM Sauvé se présente donc à ce rendez-vous, décidé à ce que la rencontre porte sur le rachat éventuel de l'un par l'autre, mais son interlocuteur à autre chose en tête.

« En bon québécois, il me demande de jouer la game. » -- Paul Sauvé

« Il est inquiet parce qu'on ne participe pas et on prend des ouvrages à des prix concurrentiels. Et il aimerait qu'on puisse échanger sur la valeur de nos soumissions, puis qu'on partage le marché selon la bonne vieille méthode collusoire », a expliqué à la commission Paul Sauvé.

Le reproche que lui fait son concurrent d'être trop « gourmand », n'est pas nouveau : d'autres le lui ont fait, voire seraient passés par un de ses propres banquiers de la Banque Nationale pour lui faire le message d'accepter un partage du marché.

« En fait, c'est un bon vieux lunch d'entrepreneurs véreux qui essaient de me convaincre de participer au processus collusionaire. » -- Paul Sauvé

L'entretien, qui ne mène nulle part, est soudainement bousculé par l'arrivée de Joe Borsellino, un entrepreneur depuis entendu par la commission Charbonneau.

Le patron de Garnier, assis jusqu'ici non loin d'eux avec Tony Meti, un vice-président la Banque Nationale, s'invite à leur table pour parler de l'état du marché de la maçonnerie, un domaine d'où son entreprise, incidemment, est absente.

M. Sauvé, qui a déjà eu Garnier comme sous-traitant sur un contrat, connaît l'homme, dont la présence le rend nerveux.

« Joe Borsellino était quelqu'un à l'époque qui était assez intimidant » a expliqué M. Sauvé à la commission.

« C'est quelqu'un avec qui, en bon québécois, il ne faut pas niaiser, parce que c'est quelqu'un qui représente une certaine violence [...] autour de chez Garnier, il y a une réputation, un nuage noir... » -- Paul Sauvé sur Joe Borsellino de Garnier

Aussi, sans avoir de preuve ni de certitude, M. Sauvé s'est alors demandé si la présence de M. Borsellino chez Milos et sa venue à sa table relève du simple hasard : « Il n'y a pas de hasard dans la vie, je pense ».

Le tout n'aura cependant pas de suite.

Besoin de « muscle »

Paul Sauvé a par ailleurs confié, avec un malaise certain, n'avoir « pas eu le choix » d'engager « du muscle » pour assurer la bonne marche de son entreprise dès 2002.

« Lorsque j'ai repris l'entreprise, ça ne prenait pas juste du crédit, du cautionnement, de l'équipement, mais ça prenait du muscle autour de soi sinon on n'était nulle part. Parce que c'est un environnement qui est comme ça, et ça ne changera pas », a-t-il confié à la commission Charbonneau.

Il avance d'ailleurs que des rumeurs associaient certains de ses compétiteurs à des motards, des Irlandais, sinon des gens qu'il décrit proches de la FTQ.

C'est par l'intermédiaire de son nouveau comptable Denis Ringuette, vers lequel l'avait dirigé son ami Marc-André Blanchard, avocat chez McCarthy Tétrault et président du PLQ, que M. Sauvé est finalement mis en contact avec un certain Marc.

Selon le patron de LM Sauvé, M. Ringuette, dont la clientèle provient de la construction, lui aurait fait valoir que s'il voulait que son entreprise prenne de l'expansion, il devait être « accoté ».

Marc, que M. Sauvé décrit comme un « gros gars », se présente ainsi quelques semaines plus tard aux bureaux de LM Sauvé à St-Léonard :

« Il dit que c'est un fixer (...) que c'est quelqu'un qui règle des problèmes (...) qui a arrangé des choses pour Atwill-Morin (un compétiteur), qui a arrangé des choses pour Infrabec (Lino Zambito), qu'il connaît des gens dans les syndicats et que, oui, c'est un milieu de durs, mais qu'on avait besoin de services d'un gars comme ça pour se pavaner là où il le fallait pour faire le fixer ».

Paul Sauvé, qui surnomme l'homme Marc le soudeur, car il affirme faire de la soudure, sera par la suite présenté à un autre individu.

Le reste de l'histoire, cependant, demeure frappé d'un interdit de publication...

Ces histoires ont été racontées sous ordonnance de non-publication par Paul Sauvé à la commission Charbonneau le 16 septembre. La levée partielle de cet interdit nous permet de les relater.

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Tony Accurso

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